L’intégrale de Bastiat rééditée !

Un entretien avec Benoît Malbranque de l’Institut Coppet, qui réédite les œuvres intégrales de l’économiste Frédéric Bastiat.

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L’intégrale de Bastiat rééditée !

Publié le 3 décembre 2015
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L’Institut Coppet réédite les œuvres complètes de l’économiste phare de l’école de Paris Frédéric Bastiat. Contrepoints a interrogé Benoît Malbranque sur cet événement extraordinaire dans le domaine des sciences économiques, du libéralisme et de l’histoire des idées. Benoît Malbranque est vice-président de l’Institut Coppet et dirige les éditions de l’Institut Coppet. À ce titre, il réédite les grands économistes libéraux français du passé, ainsi que des traductions des maîtres de l’école autrichienne et des essais d’auteurs contemporains. Il est aussi rédacteur en chef de la revue Laissons Faire, et l’auteur de plusieurs livres.

Contrepoints — Qui est Frédéric Bastiat ? Pourquoi le lire aujourd’hui ?

Benoît Malbranque
Benoît Malbranque

Benoît Malbranque — Frédéric Bastiat est un économiste français de la première moitié du XIXe siècle, qui a eu une trajectoire d’étoile filante dans l’histoire de la pensée : originaire des Landes, il monte sur la scène littéraire parisienne en 1844 avant de mourir six ans plus tard. Pendant ces quelques années, son activité littéraire fut cependant intense. Pour répondre aux sophismes et aux erreurs des socialistes et interventionnistes de son époque, et il n’en manquait pas, Bastiat a composé d’innombrables pamphlets, sur les sujets les plus divers, ainsi qu’un ouvrage de théorie, Les harmonies économiques.

S’il est devenu si urgent de le lire ou de le relire, c’est que son libéralisme complet offre une réponse aux problèmes de notre temps. C’est aussi que, précisément, il a parfaitement anticipé les désastres de l’interventionnisme et de l’égalitarisme qui sont notre lot depuis plusieurs décennies. Il prévoit parfaitement qu’un système éducatif nationalisé doit être inefficace et à jamais archaïque ; il prévoit que l’investissement public, fait de subventions et de redistributions, par nature, détruit de la richesse. Il voit aussi que l’intérêt de l’État est d’accroître son pouvoir, et que rien n’est plus urgent que d’élire des défenseurs des contribuables.

Cependant, ce n’est pas juste pour dire « « Quelqu’un a vu clair il y a 150 ans » qu’il convient de relire Bastiat. Ses œuvres fourmillent d’historiettes, de contes, qui font de lui l’un des meilleurs pédagogues de l’économie que la France ait connu… Pédagogue du libéralisme, aussi, qui est si mal compris de nos jours en France, et que Bastiat nous fait comprendre et aimer sous tous les points de vue : moral, économique, philosophique.

Bastiat est beaucoup plus connu aux États-Unis qu’en France. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Est-ce lié au peu de cas qui est fait de l’économie politique dans notre pays ?

Frédéric Bastiat (image libre de droits)
Frédéric Bastiat (image libre de droits)

Il est certain que Bastiat est devenu une star aux États-Unis. Des hommes politiques comme Reagan ou Ron Paul en ont fait une référence intellectuelle ; les économistes libéraux, disciples de Milton Friedman ou de Ludwig von Mises, l’ont reconnu comme un maître ou un précurseur. On pourrait aussi citer bien d’autres pays, car Bastiat a été traduit dans des dizaines de langues.

Aujourd’hui, Bastiat est méconnu dans son propre pays. Cependant, à son époque, il a été un auteur important en France : les socialistes comme Proudhon débattaient avec lui, et Marx le prend à partie dans Le capital. Il est une référence à son époque parmi les économistes et parmi les libéraux, deux termes alors synonymes.

Toutefois, après la Première Guerre mondiale, le libéralisme français, et Bastiat en particulier, devient de plus en plus négligé. Les œuvres de Bastiat, rééditées régulièrement entre 1850 et 1910, ne paraissent désormais plus. Les thèses que des universitaires lui consacrent se font rares. En vérité, il a fallu attendre les années 1980 pour qu’un léger mouvement de redécouverte s’initie. Et nous serons heureux si nous pouvions y contribuer à notre niveau avec cette réédition de ses Œuvres complètes.

La raison est bien l’oubli du libéralisme à partir de la Première guerre mondiale et de plus en plus au cours du XXe siècle. On peut aussi mentionner le fait que Bastiat, comme économiste, n’est pas partisan de la méthode mathématique : il ne croit pas qu’on puisse modéliser ou calculer les phénomènes économiques. Pour cela, il a été marginalisé, comme l’a été son maître, Jean-Baptiste Say.

Redécouvrir l’ensemble de l’œuvre de Bastiat, c’est aussi redécouvrir des textes riches mais négligés ? Qu’ajoute par exemple sa correspondance à la cohérence de son travail théorique ?

En effet. Notre réédition des Œuvres complètes de Frédéric Bastiat entend combler deux manques. Le premier, c’est d’offrir Bastiat tout entier, et non seulement les quelques textes, comme La Loi, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, La Pétition des fabricants de chandelles, qui sont restés célèbres. Le second, c’est de proposer une alternative bon marché des Œuvres complètes, deux fois moins chère en moyenne que ce qui peut être trouvé sur internet.

Offrir les œuvres de Bastiat dans leur intégralité permet, oui, de découvrir des chefs-d’œuvres oubliés. Le deuxième tome, qui reprend les articles que Bastiat avait composés pour son journal Le libre échange, en regorge. Plus globalement, en relisant l’ensemble pour préparer cette édition, j’ai été frappé par le nombre de problématiques actuelles sur lesquelles Bastiat offre des réflexions précieuses : l’intervention militaire à l’étranger, la dette, la collectivisation de la santé, l’éducation nationale, la redistribution des richesses, la corruption et le pouvoir des lobbys, etc.

La correspondance fournit aussi des éléments utiles pour le lecteur contemporain. Bastiat y détaille notamment sa stratégie pour défendre les idées libérales en France : travailler l’opinion publique, mais surtout défendre des principes, s’y tenir toujours, sans aucun compromis.

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