L’optimisation fiscale : comprendre plutôt que juger

L’entrepreneur qui a recours à l’optimisation fiscale est-il un déserteur ?

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Delaroche The execution of lady jane grey credits Paul Vera-Broadbent via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)

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L’optimisation fiscale : comprendre plutôt que juger

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 juin 2015
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Par Frédéric Sautet.
Un article de l’Institut économique Molinari.

Delaroche The execution of lady jane grey credits Paul Vera-Broadbent via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)
Delaroche The execution of lady jane grey credits Paul Vera-Broadbent via Flickr ( (CC BY-NC-ND 2.0)

C’est évidemment peu dire que l’optimisation fiscale n’a pas bonne presse. Début mai, l’Union Européenne a adopté, suivant les recommandations de l’OCDE, de nouvelles règles permettant l’échange automatique d’informations fiscales. La cible ? Les accords fiscaux privilégiés (dits « rescrits ») qui permettent aux entreprises de mieux déterminer leur situation fiscale future. Aux yeux de la Commission européenne, ils pourraient s’apparenter à une aide d’État ; à ceux de l’opinion publique, ils se confondraient avec des pratiques immorales.

De commentaires en débats, l’argument revient en boucle : l’entreprise ou le particulier qui cherche à minimiser le montant de ses impôts et taxes serait une sorte de déserteur, un traître refusant de payer son dû. Cette aptitude à crier au scandale cache en réalité l’essentiel : l’importance grandissante des efforts des acteurs économiques pour réduire le poids de l’impôt. Cette tendance doit être comprise comme une alerte sérieuse sur la compétitivité fiscale de notre pays.

À lire la presse française, la pratique d’évitement de l’impôt paraît d’autant plus révoltante dans le cas des entreprises que les montants en jeu sont considérables. Mais s’il est juste d’assurer la répression des actes illégaux comme la dissimulation de revenus, fustiger l’optimisation fiscale conduit à commettre une erreur d’analyse grave. Car si l’évasion est illégale, l’optimisation ne l’est pas ; alors que la première pratique consiste à cacher des sommes au fisc pour en éviter les prélèvements, la seconde réside au contraire dans la pure application de la loi !

Il est étonnant que dans un État de droit, l’usage strict de la norme soit ainsi jugé immoral : on amalgame l’utilisation du droit et sa violation. Cette confusion n’est pas seulement dangereuse, elle est problématique en ce qui concerne les réformes à entreprendre car elle interdit toute réflexion fructueuse. En noyant l’optimisation fiscale dans l’opprobre, on s’interdit de penser cette stratégie comme une réaction rationnelle à un malaise généré par notre système d’impôts. Si l’évasion fiscale est une fraude, l’optimisation est un symptôme.

Qu’on le veuille ou non, l’optimisation relève d’un choix intelligent qui n’est pas sans similitude avec la réaction de ceux qui, devant un taux d’imposition trop élevé, préfèrent profiter de leurs loisirs plutôt que de continuer à travailler ou à embaucher. Elle reflète une vérité économique constante – les acteurs économiques cherchent toujours à économiser leurs ressources, par essence trop rares – qui se retrouve dans la fameuse courbe de Laffer : excessif, l’impôt réduit les gains à l’échange, décourage l’activité et inhibe la croissance. Il favorise également son propre contournement.

En réponse, la Commission européenne a annoncé une volonté de transparence : les rescrits fiscaux resteront légaux et la directive de janvier 2016 permettra l’échange automatique d’informations entre les États membres. Cette approche révèle en réalité un présupposé idéologique selon lequel la concurrence fiscale serait une pathologie grave qui permettrait de siphonner les recettes de pays qui, comme la France, la refusent. Le ministre des Finances, Michel Sapin veut d’ailleurs faire payer aux multinationales opérant dans l’Hexagone la différence entre les taxes qu’elles ont légalement acquittées et les impôts qu’elles auraient dû payer si elles n’avaient pas bénéficié d’un rescrit fiscal dans un autre État-Membre. Cette mesure pourrait s’appliquer avec une rétroactivité sur 10 ans.

Ces propositions se réclament d’une politique intelligente, mais elles sont en fait dangereuses et démontrent une profonde incompréhension de la situation économique actuelle. Dans un contexte d’économie mondialisée, rejeter la concurrence fiscale finit toujours par limiter les investissements futurs. L’érosion de la base taxable qui angoisse le gouvernement n’est pas tant le résultat de l’optimisation que celui d’une fiscalité trop punitive et de politiques économiques inefficaces. L’évitement est la preuve concrète que de nombreux opérateurs jugent les conditions de notre territoire insatisfaisantes.

Face à cette situation, on ne peut pas se contenter de stigmatiser ceux qui quittent le navire. Il faut comprendre pourquoi ils fuient. À la contrainte et la menace, nous pourrions préférer la croissance. Plutôt que de chercher à étendre la mainmise du fisc, nous devrions créer les conditions favorables pour que l’activité vienne et reste naturellement en France ; un changement de perspective d’autant plus difficile à réaliser qu’il implique de passer de la posture de donneur de leçons à celle de l’autocritique.

  • Texte d’opinion publié dans Les Échos le 26 mai 2015 sous le titre « L’optimisation fiscale : un symptôme plutôt qu’un scandale ».

Sur le web

 

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  • Faut étendre la notion d’abus de droit à:
    – salarié qui use de toutes les ressources syndicales aux prudhommes.
    – pauvre qui cumule les allocs légales.
    – clandestin qui multiplie les recours.
    – politicien qui fait traîner les procédures d’appel en cassation.
    – RSI qui envoie des relances, commandements, huissiers…

  • C’est d’autant plus contradictoire que l’Etat ajoute en parallèle de plus en plus des taxes dédiés pour orienter le comportement des entreprises et des particuliers. Avec cet état d’esprit, avoir un comportement vertueux par exemple écologique mais qui diminue ses impôts au passage serait un crime alors que c’était le but recherché par le législateur …

  • « faire payer aux multinationales opérant dans l’Hexagone » : faudrait-il encore que ces multinationales opèrent effectivement en France ! Lorsqu’une entreprise vend en ligne un produit depuis l’étranger, la transaction a bien lieu à l’étranger, peu importe si le client réside en France. En effet, ce n’est pas le site étranger qui fait la démarche d’aller vers le consommateur situé en France mais bien le consommateur qui se déplace volontairement à l’étranger, même virtuellement, sans doute pour d’excellentes raisons fiscales. Les étatistes assoiffés de fric feraient bien de comprendre les évidences économiques s’ils ne veulent pas transformer la France en trou noir fiscal, étape suivant l’enfer fiscal. Combien de victimes de plus au chômage ou en faillite avant qu’ils ne renoncent à leur idéologie néfaste et à leurs crimes légaux (rétroactivité) ? On se souvient que l’optimisation fiscale, loin d’être un défaut, est un devoir pour n’importe quel gestionnaire agissant en bon père de famille.

  • Que penser des Ministres ( nombreux ) qui excellent dans l’optimisation fiscale? D’un côté ils vantent les mérites de l’impôt et de l’autre ils font tout pour y échapper.C’est la grande différence avec les entreprises qui souvent ne consentent pas à l’impôt excessif. Les Ministres qui le font ont une attitude malhonnête alors qu’ils devraient montrer l’exemple, tout au moins pour les étatistes ( mais ils le sont presque tous).

    • La différence est ailleurs: un mandataire politique déclare « sur l’honneur » et il n’y a pas de contrôle!
      Quand on n’oublie pas qu’ils sont déjà privilégiés par leur statut et qu’ils ont le droit de cumuler avec d’autres fonctions, pas toujours rémunérées mais avec, éventuellement, voiture, chauffeur, personnel, voyages, à l’oeil, ils sont donc bien mal placés pour juger.

      D’où sort ce MYTHE français qui voudrait que les impôts ne sont destinés à qu’être redistribués?

      En passant sous silence qu’ils sont préalablement amputés quand même de X % pour rémunérer une administration complexifiée à souhait, pléthorique, des « usines à gaz » et autres fantaisies réglementaire, un siège, des agences régionales et départementales, un conseil d’administration, que sais-je?

      Le scandale qui reste sans explication, c’est bien les 58% de PIB consommés par « l’organisation étatique » française contre 45 % en Allemagne!

  • « Cette confusion n’est pas seulement dangereuse, elle est problématique en ce qui concerne les réformes à entreprendre car elle interdit toute réflexion fructueuse. En noyant l’optimisation fiscale dans l’opprobre, on s’interdit de penser cette stratégie comme une réaction rationnelle à un malaise généré par notre système d’impôts. »

    C’est bien le but d’interdire la réflexion. D’ailleurs, l’état souhaite en avoir le monopole. Pour pouvoir agir sans obstacle.

  • Un comptable qui ne présenterait pas une solution fiscale légale, mais aussi économique que possible, serait immédiatement mis à la porte.

    Un taxi qui doublerait son trajet pour majorer le prix de lla course ferait l’objet d’une plainte.

    La ménagère qui n’opterait pas pour le meilleur qualité-prix serait une tocarde.

    Mais l’entreprise qui se conforme aux règes fiscales de la manière la moins pénalisante serait délinquante ?

    Ne rigollons pas.

    • Je ne sais que trop que l’hypocrisie est une grande qualité politicienne!

      Mais faut-il poursuivre les commentaires sur ce sujet et la simple phrase:

      « Total n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France en 2009 et en 2010 »

      ne suffit-elle pas à toutes les demandes d’explications?

      http://fr.wikipedia.org/wiki/Total_%28entreprise%29#Imposition

      Le « scandale » français est donc bien en France, pas chez les « boucs émissaires » habituels, forcément étrangers, qui ne demandent aucune leçon de morale!

      • Le Groupe TOTAL paye sur ses résultats environ 52 à 54 % d’impôt des sociétés.

        Si TOTAL ne paye pas d’impôt des sociétés en France, c’est parce que ses opérations françaises sont en perte : il s’agit surtout de raffinage du pétrole (la restructuration est engagée mais TOTAL est très – trop ? – prudent là-dessus compte tenu des aspects sociaux de la question) et de distribution (où la concurrence des distributeurs comme Leclercq pour qui l’essence peut être bradée comme produit d’appel, est extrême ). A cette perte, s »ajoutent les coûts centraux de holding : du personnel payé en France pour le contrôle et les études de l’expansion internationale de TOTAL.

        Qu’est-ce qui ne va pas là-dedans, Mikylux ?

        Faut-il que TOTAL déménage son siège social ailleurs pour que tout le personnel travaillant pour TOTAL à la Défense paye dorénavant ses impôts dans un autre pays ?

  • «Cette mesure pourrait s’appliquer avec une rétroactivité sur 10 ans.»
    Je ne comprend pas comment on peut envisager d’appliquer des mesures avec RÉTROACTIVITÉ ! C’est honteux, c’est stupide, c’est minable.

    Tu respectes le droit, tu fais tout dans les règles et un gugus vient ensuite te dire qu’il va falloir « reprendre » les X années précédentes… C’est d’une connerie monumentale.

    Il est impossible avec de telles propositions de considérer ce pays comme un État de droit. C’est une farce ce pays.

    • Mais non! C’est encore du langage politicien de matamore! Ça n’arrivera jamais!
      1° Pour l’Euro 2016, à Paris, un « rescrit » ou « ruling tax » est déjà prévu et organisé! (que je sache)
      2° Quelle multinationale se plierait et payerait sans combattre en justice (10 à 20 ans) contre une telle mesure stupide et irréaliste
      3° Qui a dit que les pays d’accord de communiquer leur « rulings » à la France allaient aussi en donner l’historique?
      4° Quels investissements la France pourrait-elle encore espérer de l’étranger avec cette fiscalité mouvante et rétro-active?
      5° Quel pays européen pourrait se sentir obligé de fiscaliser comme la France, avec les mêmes excès, avec les mêmes taux, le même arbitraire ses citoyens et entreprises, alors qu’il n’en éprouve pas le besoin?

      La France n’aura aucun argument ni antécédent pour établir le bien-fondé de cette mesure. Mais M.Sapin s’en fout: il ne sera plus ministre! Effet d’annonce, totalement creuse!

  • Une remarque en passant : les notions de fraude fiscale, d’évasion fiscale, etc. sont utilisées à tort et à travers par les journalistes.

    Rappelons donc que EN ANGLAIS, tax evasion veut dire FRAUDE fiscale, illégale par définition. L’optimisation fiscale ou encore évasion fiscale en français, légale par définition, se dit en anglais tax AVOIDANCE.

    La plupart des journalistes ne sont pas fichus de traduire ces deux notions. Ils confondent dans leurs articles ces deux notions, ce qui fait qu’ils écrivent des contresens complets : ainsi, l’offensive américaine FATCA contre la FRAUDE fiscale devient pour eux une offensive contre l’évasion fiscale au sens français d’optimisation fiscale.

  • « Car si l’évasion est illégale … »

    Non, l’évasion n’est pas illégale, c’est la fraude qui l’est.

    A moins de parler franglais puisque « fraude fiscale » se dit en anglais « tax evasion ».

  • je ne saurais cracher sur l’optimisation fiscale, vu qu’il s’agit de mon fonds de commerce.
    Il convient d’éviter de la confondre – ce que tentent bien des médias – d’avec la fraude.
    Chaque année nouvelle, je lis la Loi de Finances et tente d’interpréter au mieux les voies qu’elle offre pour faire en sorte qu’un redevable puisse minimiser son dû fiscal. Certes, je ne saurais nier qu’elle offre des chemins bien inégaux, en témoignent les patrimoines de mes clients, au titre desquels je ne compte aucun salarié modeste …mais dura lex, sed lex.
    Je mets toutefois en garde mes clients quant à cette aberration qu’est la notion d’abus de droit, faisant que tout en y recourant, certes à l’extrême, mais en la respectant cependant, il ne sauraient être à l’abri d’importunités émanant des services fiscaux.

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