Loi Santé : le « burn out » des étudiants en médecine

Plutôt que de généraliser le tiers payant les élus feraient mieux de se pencher sur le mal-être de nos étudiants.

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Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)

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Loi Santé : le « burn out » des étudiants en médecine

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 27 mai 2015
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Par Bernard Kron.

Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)
Médecin consultation ordonnance (Crédits : Life Mental Health, licence CC BY 2.0)

Depuis la suppression des concours de l’externat en 1968 et de l’internat en 2002 le cursus des études médicales a peu évolué. La fin des concours décourage l’élitisme et oriente les étudiants vers les carrières médicales les moins contraignantes ou les plus rémunératrices. Il n’en demeure pas moins que certains étudiants qui ont travaillé n’ont pas pu intégrer le cursus et s’expatrient pour 6 ans avant de revenir passer l’examen classant.

La PACES : première Année Commune aux Études de Santé

L’accès est libre avec près de 60 000 étudiants inscrits. Le numerus clausus impose une sélection draconienne. C’est un gâchis avec 12 à 17% de reçus selon les facultés. L’augmentation du numerus clausus à près de 8 000 est dérisoire car 9% des étudiants envisagent de s’installer en libéral. Leur souhait est de ne pas travailler plus de 45 heures par semaine. La conséquence directe de l’existence du numerus clausus est tangible : plus de 20 000 étudiants français sont partis ces dernières années faire leurs études à l’étranger : Belgique, Bulgarie, Roumanie et plus récemment en Espagne, cette dernière ayant instauré un système de formation continue sans examen sélectif.
La question est de savoir combien reviendront s’installer en France dans une profession martyrisée et exsangue.

L’ECN

La sélection a été faite au début des études médicales sur des critères qui ne permettent bien évidemment pas de savoir si elle donnera de bons praticiens. Elle n’existe plus ensuite, il suffit d’être patient, même en « séchant » certains stages. Paradoxe, l’examen final national n’est que classant (ECN). Il offre plus de places qu’il n’y a de candidats puisque 600 postes de médecine générale ne sont pas pourvus depuis plusieurs années. Une mauvaise note n’empêche pas d’être interne, ce qui est une insulte au bon sens.
Nombre d’étudiants préfèrent redoubler une année plutôt que de choisir une spécialité ou une ville de faculté qui ne leur conviendrait pas. La réforme prévoit d’obliger l’étudiant à commencer son cursus en ayant le droit de repasser l’ECN l’année suivante pour un meilleur choix.
L’informatisation sur tablettes de l’examen ne changera pas la situation. Les étudiants qui sont partis en Roumanie ne disposent pas de tablettes pour s’exercer. Le stress que subissent ces étudiants explique peut-être les récents suicides.

La réforme des études de médecine

Quels sont les trois objectifs de la réforme en cours ?

1. L’efficacité de la formation : à la fin de son cursus l’étudiant doit avoir un diplôme d’étude spécialisé qui correspond au métier qu’il exercera.

2. La mise en place de quotas pour les filières hyper spécialisées est proposée afin de faire correspondre le nombre de spécialistes aux besoins.

3. Les diplômes délivrés par l’État français doivent correspondre aux disciplines reconnues sur le plan européen. Ce n’est pas actuellement le cas pour la spécialité de chirurgie générale qui a été supprimée. La spécialité de médecine générale avec un Internat obligatoire a allongé la durée de formation.

Devenus spécialistes, ces étudiants devront faire un post-Internat pour avoir droit d’accès au secteur II. La plupart resteront à l’hôpital ce qui déséquilibrera encore un peu plus le système de soins.

Le post-Internat

Le post-Internat a commencé sa mue dès 2011. Les acteurs concernés aux ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, les étudiants, les internes et les doyens ne s’entendent pas sur les objectifs. Aujourd’hui, les internes qui souhaitent se lancer dans une carrière hospitalo-universitaire se partagent 7000 postes de post-Internat. Pourquoi un interne fait-il le choix d’un post internat ? Pour acquérir une autonomie d’exercice, pour compléter sa formation, pour accéder à une carrière universitaire, pour ménager des possibilités de carrière ou par peur de l’installation…

Les acteurs du post-Internat sont à la fois un maillon pour les soins, l’enseignement et la recherche. Le repos compensateur imposé par Bruxelles et la réforme des 35 heures à l’hôpital entrainent des contestations qui ne sont qu’à leur début. La loi santé sera amendée au Sénat et reviendra à l’Assemblée Nationale en Septembre.

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  • pour dynamiser, moderniser, et améliorer les etudes de medecine:

    concurrence et diversité entre les différentes universités, les formations, mais aussi entre le public et le privé (ce qui veut dire développement d’un corps professoral, de stages, et pourquoi pas de grandes écoles de médecine privées)

  • Dans l’esprit des fresques des salles de garde, on les aurait plutôt vu en « burne out ».

    Plus sérieusement, quand on apprend que la réforme bureaucratique prétend « faire correspondre le nombre de spécialistes aux besoins », on sait déjà que c’est foutu d’avance. Ce genre de langage technocratique, c’est la gestion de la pénurie planifiée pour des objectifs inavoués, pas pour satisfaire les besoins réels méprisés par nos braves fonctionnaires, puisqu’il leur manque l’information essentielle du prix.

  • Selon l’auteur la « profession est martyrisée et exsangue »

    mais dans le même temps on trouve 60 000 candidats (dont certes beaucoup de touristes) pour 8000 places et une forte immigration de ce type de profils.

    on peut donc conclure alternativement que :
    – les étudiants évaluent très mal les perspectives pécuniaires garanties par les différentes filières d’études.
    – Le corps médical (dont l’auteur de cet article) se fout de la gueule du monde.

    Je penche personnellement pour la deuxième option..Ceci est par ailleurs largement confirmée par les statistiques de revenus d’activité publiées par l’INSEE.

  • Il faudrait surtout une sélection a l’entrée (même faible), il y a beaucoup de L/ES qui viennent en médecine, c’est du gâchis d’argent publique sachant que leur chances de réussite sont quasi nul.
    Il faut aussi prendre en compte plusieurs facteurs pour expliquer ce chiffre:
    – La bourse, il y a plein de gens qui s’inscrivent en médecine pendant 1/2 ans juste pour toucher la bourse (année sabbatique au frais de la princesse) vu qu’il y a quasiment aucun td ils sont plutôt tranquille comparait à d’autre filière.
    -Pour la méthode, j’ai beaucoup d’ancien amis qui ont fait une première année de médecine pour acquérir une « méthode de travail » dans le but de préparer les concours (infirmier pour la plus part) et qui plus est avoir des cours poussé qui puisse les aider.

    Bref, une sélection (même minime du style Bac S sans mention) permettrait d’éviter bien des années perdus et de l’argent dépensé pour rien.

    • autrefois avant de débuter une 1ere année de médecine il fallait valider une première année d’étude scientifique(le PCB: physique, chimie, biologie)

      Ce pourrait-être une bonne solution, et pourquoi pas demander une première réussite d’étude supérieur dans d’autres disciplines?

      A noter qu’il existe déjà une voie d’admission parallèle en troisième année et donc sans passer le concours de première année pour des diplômés à bac+4 minimum

      • Humm..
        Les études de médecine sont déjà trop longue (10 ans) en rajouter n’est pas une bonne idée AMHA.
        Faire plutôt comme les prépa une inscription sur dossier et motivation.

        • cela ne rajoute rien car il est facile de condenser les 6 premières années en cinq années.(d’ors et déjà, les admissions parallèles se passent des 2 premières !).

          Une fois passé le cap de ces 5 années(6 actuellement) les étudiants en médecine sont vraiment en apprentissage plus qu’en étude avec un vrai job(interne) rémunéré et intéressant.(finalement si on réfléchi bien c’est pas si long)
          aux us il est nécessaire d’avoir un bachelor’s degree(4 ans d’études après bac) pour s’inscrire en médecine.

  • Merci pour ces commentaires, mais Hilva n’a pas compris la situation car les revenus ne sont pas le problème le plus important:

    Lisez Chirurgie chronique d’une mort programmée qui explique largement la réalité*:

    La pénurie est réelle dans certaines spécialité trop contraignantes pour 14 ans d’études:

    Pourquoi ne veut-on plus être chirurgien en 2015 ? Ce métier nécessite une formation particulièrement longue, additionnant la formation médicale commune, les cinq années d’Internat et les deux d’assistanat hospitalier.
    On arrive au minimum à treize ans avant de parvenir à une indépendance professionnelle complète permettant une installation dans le secteur libéral.
    La durée de ces études est donc ressentie par le candidat comme un investissement dont légitimement il se sent en droit d’attendre un retour ultérieur.
    Cette période de formation est en outre particulièrement prenante avec les interventions au bloc opératoire, les cours et les gardes d’urgence qui saturent vite l’emploi du temps.
    Ces contraintes étaient, il n’y a pas si longtemps, bien acceptées par les candidats qui se pressaient nombreux pour le peu de places disponibles. Seuls les mieux nommés au concours de l’Internat pouvaient y prétendre. Ils s’engageaient dans un métier à haute responsabilité, grande respectabilité et forte rémunération.
    Dans l’esprit de la société, le chirurgien est de plus en plus considéré comme « un prestataire de services» dont les résultats sont banalisés.
    « Je cotise, donc j’ai droit ! »
    A force de tout promettre aux patients ceux-ci comprennent de plus en plus mal que l’acte chirurgical présente certains aléas inéluctables.

    Dans le secteur public, l’omniprésence de l’administration a depuis longtemps contrôlé et « dressé » le pouvoir médical qui lui dépasse largement les 35 heures 80 à 100h pour un interne de chirurgie.

    Les pressions sur les médecins se multiplient pour qu’ils renoncent aux honoraires libres. C’est le cas en particulier dans les établissements qui souhaitent participer au service public pour accueillir les urgences. De plus, on assiste à une augmentation importante du nombre de procédures judiciaires et à la chute du pouvoir d’achat.

    Les rapports sur la chirurgie se sont accumulés, sans grands résultats, comme ceux de Mrs. Marescaux, Vallancien, Aubart, Cuq et des Académies Nationale de Chirurgie et de Médecine.
    Ces rapports ont porté le débat sur la place publique et ont mis en exergue le fait que les revenus des chirurgiens publics ou privés sont notoirement insuffisants.

    Le stress au bloc opératoire
    L’équipe du chirurgien s’est désagrégée avec la fermeture de nombreuses cliniques privées.
    Les chirurgiens évaluent leur stress à un niveau de 8 sur une échelle de 10. Ce stress peut avoir de graves conséquences pour les patients et pour ces professionnels.
    Les procédures judiciaires sont en progression régulière, ce qui aggrave les sources de stress entraînant pour certains des addictions pour y pallier. Le taux de suicide est deux fois plus élevé que la moyenne des professions médicales. Près d’un tiers des praticiens de bloc se disent « proches de craquer », en raison de ce niveau de stress qui s’amplifie chaque année.
    Selon les résultats d’une enquête menée par l’Association de prévention du risque opératoire, un épuisement professionnel pourrait entraîner une augmentation des accidents opératoires,
    L’augmentation des tâches administratives, des pressions financières, de la productivité et des risques judiciaires retentissent sur la vie professionnelle et privée des praticiens.
    Beaucoup de chirurgiens maîtrisent tous les imprévus de leur pratique, exerçant ce métier avec passion et retrouvent avec un réel plaisir l’ambiance si spéciale de l’équipe du bloc opératoire.
    Le savoir-faire chirurgical se perpétue dans nos hôpitaux publics et dans nos cliniques privées. Mais nombre de praticiens appréhendent la charge de travail quotidienne et quittent l’hôpital.

    Alors oui si l’on n’y prend pas garde demain ce sera les listes d’attentes la baisse de la qualité et une explosion des tarifs des bons spécialistes

    LIVRE CHIRURGIE Chronique d’une mort programmée Ed L’Harmattan

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