L’Islam contre les musulmans

La guerre généralisée des musulmans contre les musulmans, où chacun prétend incarner l’Islam véritable, éclabousse l’Occident mais presque par rebond.

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Islam (Crédits : zbigphotpgraphy, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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L’Islam contre les musulmans

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 27 mai 2015
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Par Guy Sorman.

Islam credits zbigphotpgraphy (licence creative commons)
Islam credits zbigphotpgraphy (licence creative commons)

Il ne se passe pas de jour où le monde nous renvoie en écho quelque catastrophe, dont des musulmans sont à la fois les principaux acteurs et les plus nombreuses victimes. Comme une collection macabre, voici collectées au hasard d’une seule semaine quelques-unes de ces tragédies intérieures au monde musulman, commises par des musulmans contre d’autres musulmans et toujours perpétrées au nom de l’Islam. À Kaboul, des Talibans attaquent un hôtel fréquenté par des Afghans. Au Pakistan, des pèlerins ismaélites, une secte chiite, sont assassinés par des Sunnites. Au Yémen, un conflit intérieur oppose des Chiites locaux soutenus par l’Iran contre des Sunnites armés par les Saoudiens qui se réclament du Wahabisme. En Syrie, les Alaouites affiliés aux Chiites massacrent des Sunnites et des Kurdes. Par milliers, des Rohingyas, musulmans de Birmanie, agressés par les Bouddhistes (qu’à tort on imagine pacifistes), gagnent par la mer la Malaisie et l’Indonésie, deux pays musulmans qui les rejettent. En Égypte, l’ancien Président Morsi, démocratiquement élu mais membre de la confrérie des Frères musulmans (en principe non violente) est condamné à mort par un tribunal à la solde de son successeur, un dictateur militaire. Au Bangladesh, un blogueur athée – car il se trouve aussi des musulmans laïcs et des musulmans athées – est assassiné au nom de l’Islam. Au Mali et au Nigéria, la guerre continue entre factions qui toutes se réclament de l’Islam.

La guerre généralisée des musulmans contre les musulmans, où chacun prétend incarner l’Islam véritable, éclabousse l’Occident mais presque par rebond : deux militants islamistes sont tués par la police de Dallas avant qu’ils n’aient pu attaquer une exposition de caricatures de Mahomet ; à Boston, l’auteur tchétchène d’un attentat est condamné à mort ; en France, en Belgique, en Grande-Bretagne, des candidats à la guerre sainte en Syrie sont interceptés par la police nationale.

À tous ces attentats qui nous parviennent par les médias, il faudrait ajouter tous ceux qui échappent à notre attention : lieux de culte détruits, viols, règlements de comptes (entre Palestiniens par exemple), toujours et encore sous couvert de l’Islam. Quelle interprétation donner à ce chaos gigantesque qui affecte un milliard de musulmans, à des degrés divers, depuis l’épicentre arabe, jusqu’à atteindre les confins les plus éloignés de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie orientale ? On ne peut plus l’expliquer par un conflit des civilisations qui opposerait Occident et Islam, hypothèse dominante après les attentats du 11 septembre : les Occidentaux, surtout depuis le retrait quasi total du théâtre des opérations en Afghanistan et en Irak, et le refus d’intervenir en Syrie, sont devenus spectateurs plus qu’acteurs. C’est bien à l’intérieur du monde musulman qu’il convient, si faire se peut, de chercher les raisons premières de cette guerre de tous contre tous. Là, on hésite entre explications temporelles et spirituelles. Au Yémen, en Syrie, en Irak, assiste-t-on à une rivalité géopolitique classique entre puissances : l’Iran contre l’Arabie Saoudite ? À la manière de l’Europe avant 1914. Mais est-il indifférent que ces deux États incarnent deux versions distinctes de l’Islam ? La distance entre Chiisme et Sunnisme est au moins aussi considérable qu’entre Catholiques et Protestants au XVIe siècle. De même, entre l’Islam laïc des militaires égyptiens ou turcs et l’Islam intégriste des Frères musulmans et du Parti de la Justice en Turquie (AKP), chemine une frontière qui n’est pas seulement de circonstance mais essentielle à l’Islam. Pour nous, Occidentaux devenus a-religieux, sinon athées, nous réduisons le fait religieux à des circonstances sociologiques : derrière l’exaltation islamique, nous croyons deviner les pulsions véritables qui seraient nationales ou tribales, des simples conflits de pouvoir (le père contre ses filles, le dictateur contre son peuple, l’Arabe à la peau claire contre l’Africain à la peau sombre), d’argent (celui du pétrole). Ou encore, nous aimerions tout expliquer par le déterminisme économique – la pauvreté, ou politique – l’absence de démocratie. Eh bien la difficulté de comprendre le Djihadisme généralisé est qu’il incorpore à la fois toutes ces causes objectives mais aussi d’authentiques motivations spirituelles. Un ancien Président de l’Indonésie, Abdurrahman Wahid, également leader d’un islam modéré, m’expliquait que les Occidentaux ne pouvaient plus comprendre le fracas du monde musulman, parce qu’ayant perdu tout sens religieux, nous n’acceptions pas que les Djihadistes croyaient véritablement combattre au nom de l’Islam, du moins au nom de leur interprétation de l’Islam. Et l’Islam ne disposant d’aucune autorité centrale, pas de pape en Islam, susceptible de départager les sectes, les conflits n’avaient pas d’issue civile. Dès lors, pour les Occidentaux, les options sont limitées : on hésite entre détourner le regard, comme en Syrie, défendre nos intérêts comme au Mali, pactiser avec le Diable comme en Iran, s’indigner comme en Birmanie. Autant d’options dérisoires s’il en existait d’autres. Suggérons tout de même deux priorités : comprendre ce combat intra-islamique, car nous en sommes loin, et repérer ces musulmans éclairés qui sont les plus proches de nos idéaux humanistes, car il en existe (Abdurrahman Wahid en fut), mais nous ne les connaissons pas.

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  • L’islam fait à sa façon une sorte de guerre de 30 ans . L’erreur -à ne pas commettre- serait de s’en mêler . Mais dans votre chronique vous commettez deux erreurs : les premières victimes ne sont pas les musulmans mais les chrétiens et les non musulmans qui vivent actuellement une véritable épuration .
    La deuxième  » Pour nous, Occidentaux devenus a-religieux, sinon athées .. » évitez ce « nous » car beaucoup ne se reconnaîtrons pas dans ce « nous » . Ce « nous » , ne serait-ce pas plutôt vous Mr Sorman et les soi disant élites souvent d’obédience aussi bizarres qu’illuminées qui nous détruisent ?

    • Ah bon ? Combien de chrétiens parmis les 250 000 syriens morts ?
      Je ne nie pas les persécutions loin de la mais il ne faut pas se laisser dépasser par l’émotion et oublier les faits…

      • Les chrétiens sont expressément visés: tués, vendus comme esclaves…

        Des musulmans sont morts parce qu’ils étaient sur place au moment des combats / opérations militaires / etc.

        Il y a donc une « petite » différence, même si le résultat final est malheureusement le même (des gens sont morts).

      • L’humanisme est le christianisme empaillé.

    • Tout n’est pas une question de religion non plus, pour comprendre la situation il faut aussi regarder comment les frontières ont évolués, comment des communautés qui vécurent ensemble pendant des millénaires finissent par devenir des ennemis mortels, comment une relative décentralisation a au siècle dernier laissé place aux dictatures socialistes centralisatrices, comment le ressentiment envers certaines minorités religieuses peut s’expliquer par le fait qu’elles se sont servies des idéaux laïques du socialisme pour prendre de l’influence et finir par confisquer le pouvoir…

  • Que vaut un musulman éclairé face aux armes des fondamentalistes ? Actuellement, de toute évidence, c’est l’interprétation la plus sauvage de l’Islam qui l’emporte. Le monde est comme un jeu de GO, vous retournez quelques pions et tout le plateau bascule du blanc au noir.

  • « les Occidentaux ne comprennent plus le fracas du monde musulman, parce qu’ayant perdu tout sens religieux, nous n’acceptons pas que les Djihadistes croient véritablement combattre au nom de l’Islam, du moins au nom de leur interprétation de l’Islam »

    Les Djihadistes croient combattre au nom de l’Islam dites-vous ? Cela est certainement vrai pour beaucoup d’entre-eux, mais il se peut que certains Djihadistes, notamment les plus occidentalisées, ne sont en réalité que des dépressifs, qui savent pertinemment qu’ils combattent non pas pour Allah mais bien plutôt pour RIEN. Ce sont par conséquent de simples NIHILISTES.

    L’auteur de l’article lui-même, Guy Sorman, dans un précédent billet intitulé « Les terroristes en Europe sont plus voyous qu’islamistes », avait parfaitement compris que :

    « Les trois terroristes islamistes (ayant attaqué Charlie Hebdo) n’étaient que des voyous parisiens pour qui l’Islam de pacotille véhiculé par internet fut un costume de scène, une théâtralisation de leur banalité. […] Plutôt que d’utiliser un vocabulaire qui renvoie à des catégories connues, donc rassurantes, mieux vaudrait qualifier cette violence nouvelle avec des mots adéquats. Après le 11 septembre 2001, un philosophe avait proposé de qualifier ces attentats de « NIHILISTES » : c’était bien vu, puisque ces attentats ne servaient à RIEN. »

  • Ce n’est pas sans rappeler les guerres de religion entre catholiques et protestants.

    Les religions sont de véritables bombes à retardement pas besoin d’arme nucléaire ….

  • En effet, la prééminence du fait religieux et des *croyances* devant toute autre « explication » d’ordre géopolitique ou socio-économique (qq chose que nous occidentaux décléricalisés avons du mal à comprendre) est bien ce que dit Sam Harris, célèbre « atheist » américain, depuis 10 ans: http://www.samharris.org contre l’avis des bien-pensants de tous bords.

  • Article qui a le mérite de bien redéfinir ce à quoi on assiste: une guerre de religions entre musulmans avec des dégâts collatéraux chez les autre.

    Un seul bémol: qu’est ce qu’un musulman athée ? Une personne d’origine musulmane mais qui ne l’est plus ?

    • On peut reconnaître les valeurs de la civilisation musulmane sans croire en Dieu.
      Comme on peut être chrétien athée: reconnaître les valeurs de la civilisation dite « occidentale », fondée par Jésus Christ, tout en pensant que Jésus est un homme comme les autres et que Dieu n’y est pour rien.

      • Mouais, la civilisation chrétienne ou musulmane est une extension un peu abusive pour se dire athée chrétien ou musulman. Mais bon c’est une définition qui peut s’entendre.

        Pour ce qui est de l’origine chrétienne de la civilisation occidentale, n’oublions pas tout de même que le christianisme fut d’abord oriental et que le coran s’en inspire.

      • Un « chrétien athé » n’existe pas plus qu’un « musulman athé », ce sont des figures de style. Si vous êtes athé, écrivez-le. Il y a belle lurette qu’on ne meurt plus pour ça chez nous. On mesure dans votre commentaire, cher ami, combien Guy Sorman a raison d’écrire que nous avons perdu beaucoup du sens religieux qui nous animait autrefois. Ce que nous analysons fièrement comme une libération. J’ai de sérieux doutes à ce sujet.

        • Ah, mais Guy Sorman est un « Juif Athée », lui. Et, ça, c’est pas pareil. Supérieur, en fait… Il SAIT.

  • Nous avons atteint le comble de la posture victimaire : tout le monde en veut à l’islam/aux musulmans. Y compris à présent l’islam lui même
    Je relève une erreur TRAGIQUE pour les conséquences à venir de notre attitude face à la menace: croire que l’on peut transposer les antagonismes infra-christianisme a l’islam, alors que le dogme et les textes excluent pour l’islam toute évolution positive, et surtout, toute notion de pardon, la « paix » islamique n’étant obtenue qu’à la faveur de l’extermination d’un camp
    Par ailleurs NON les musulmans ne sont pas victimes de l’islam. Ils ont choisi d’être musulmans, et doivent en subir les conséquences
    Les chrétiens sont les vraies victimes

    • Ces personnes ne choisissent pas leurs religions. Rare sont ceux qui choisissent leurs religions. Cette dernière leur est imposée par leurs parents peu de temps après la naissance. Il faut beaucoup de courage spirituel pour remettre en doute cette conviction parentale. C’est pourquoi j’ai beaucoup de respect pour les athées et les personnes qui changent de religion. C’est le début d’un libre marché de la religion.

  • Ces grands inventeurs, ont inventé la machine à remonter le temps.

  • « Autant d’options dérisoires s’il en existait d’autres » – bien sûr qu’il en existe UNE autre, lire la série « Inârah » (6 volumes) parue chez Schiler, Berlin, en particulier « Vom Koran zum Islam »; ou bien encore le condensé paru dans « DIE BRÜCKE – Forum für antirassistischen Politik und Kultur » Nrs 161 à 166, en particulier le n° 163, pp 82 sq

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