Pour un droit à l’erreur dans les entreprises

Si les entreprises veulent innover, elles doivent impérativement instaurer un droit à l’erreur.

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Erreur (Crédits : Elyce Feliz, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.

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Pour un droit à l’erreur dans les entreprises

Publié le 18 mai 2015
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Par Jérôme Barthélémy.

Erreur (Crédits : Elyce Feliz, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.
Erreur (Crédits : Elyce Feliz, licence CC-BY-ND-ND 2.0), via Flickr.

Dans une PME française d’une centaine de salariés, trois ingénieurs proposent au dirigeant de développer un nouveau modèle d’imprimante. Le dirigeant leur donne son accord. Après neuf mois de travail acharné, le nouveau produit est au point. Il est commercialisé, mais ne rencontre pas le succès escompté. La décision du dirigeant ne se fait pas attendre : il licencie les trois ingénieurs. Un an plus tard, il s’étonne que personne ne lui propose plus de projet innovant…

Instaurer un droit à l’erreur

Comme l’a rappelé Julien Cusin , on ne peut pas innover sans mener d’expérimentations. Les échecs sont alors inévitables. Si les dirigeants stigmatisent ceux qui échouent, ils refuseront d’en parler … et l’entreprise ne pourra pas en tirer les enseignements. Pire, ils seront paralysés par la peur de l’échec et ils ne proposeront plus de projets ambitieux. Après le licenciement de leurs trois collègues, il ne faut pas s’étonner que les ingénieurs de la PME aient hésité à proposer des projets au PDG.

Lorsqu’elles sont confrontées à un échec, la plupart des entreprises cherchent un bouc émissaire. Ce n’est pas forcément la bonne solution … Pour promouvoir une culture de l’innovation, leurs dirigeants doivent impérativement instaurer un droit à l’erreur. Pourquoi ce droit est-il aussi peu répandu ? Peut-être parce que les dirigeants ne savent pas toujours bien distinguer les échecs qui doivent être sanctionnés de ceux qui sont une source d’apprentissage. Ils préfèrent alors punir tous les échecs !

Une question de culture ?

droit à l'erreur valls hollande rené le honzecLe droit à l’erreur est plus répandu dans certains pays que dans d’autres. Après avoir quasiment mis Vivendi en faillite, Jean-Marie Messier a dû s’expatrier aux États-Unis pour entamer une seconde carrière. Comme il l’a raconté : « L’Amérique est vraiment le pays de la seconde chance. J’ai pu personnellement le vérifier. Quand je suis allé voir le patron d’une banque d’affaires spécialisée dans les médias pour lui parler de mes projets, je suis ressorti avec un chèque … « Vous n’avez pas piqué dans la caisse », m’a-t-il dit. « Celui qui connaît un échec et est capable de rebondir en ressort meilleur. » »

Aux États-Unis, l’échec est considéré comme une source de progrès. En France, il est vilipendé. Il ne faut alors pas s’étonner que les entrepreneurs (et les managers) français hésitent souvent à faire preuve d’audace …

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  • Drôle de conception ! Chacun a le droit de commettre des erreurs, ce que vous demandez serait un droit à ne pas les assumer. Le problème en France est dans la manière d’assumer ses erreurs, ou plutôt de ne pas le faire. Dans vos exemples, personne n’apprend de ses erreurs, ni J6M qui croit sans doute encore qu’un mobile et un carnet d’adresses remplacent allégrement l’arithmétique comptable et le souci du client, ni vos ingénieurs qui se voyaient fonctionnaires. Vous ne considérez pas la position du patron ou celle de l’actionnaire de Vivendi ou de la boite qui recruterait J6M…

    • c’est exactement ce que j’allais dire . d’ailleurs on a un contre exemple : le GVT , 3 ans d’innovations , 3 ans d’échecs et surement encore quelques années de seconde chance ..cela finira bien par marcher !

    • Le droit à l’échec n’est pas un droit à répétition. Celui qui fait deux fois la même erreur est immédiatement sanctionné. Mais un chef d’entreprise qui fait faillite, un ingénieur qui développe un produit qui ne trouve pas son marché, sont des personnes qui bénéficient de compétences supplémentaires.

      On le voit bien dans le monde du sport. Celui qui gagne mais connait aussi l’échec, sera bien mieux préparé pour gérer les situations difficiles avec un grand enjeu, que celui qui à tout gagné jusque là et qui perd tout ses moyens lors qu’il rencontre une résistance nouvelle.

      • Ceux qui réussissent ont pratiquement tous connu l’échec à un moment ou un autre, mais les échecs répétés ne garantissent en rien le succès final…

    • Je ne sais pas pour J6M, mais la position du patron est quand même facile à considérer, en tout cas dans le cas tel qu’il est présenté : Ici le projet est un succès technique mais un échec commercial, les ingénieurs ont donc fait leur boulot et en plus l’ont bien fait. Plutôt que des les sanctionner, il faudrait qu’il voit pourquoi le produit n’a pas trouvé son public. Il porte lui aussi une responsabilité dans la mesure où il a lancé son entreprise dans un projet innovant dont par définition on ne pouvait pas savoir avec certitude s’il trouverait son public (et à quel prix).

      A moins évidemment que les trois ingénieurs lui aient caché des données pour voir leur projet accepté. Mais là ce n’est plus une erreur, c’est une faute.

    • L’entrepreneur assume les conséquences de ces erreurs sur les capitaux et les biens qu’il engage dans sa société. A l’inverse, j’en connais qui « gèrent » l’argent des autres, commettent des erreurs et ne répondent jamais de rien sur leurs deniers personnels…

  • Mouais, on peut envisager un droit a l’erreur, mais à condition qu’il y ait un devoir d’en assumer les conséquences… Les dirigeants des partis perdants en UK ont demissionné.

    En France, votre droit à l’erreur existe déjà, les responsables employant beaucoup plus d’efforts à se soustraire d’un problème qu’à le résoudre. Il y a beaucoup de responsables, mais peu de responsabilité. Le système n’apprend guère de ses erreurs, et reproduit les mêmes atavismes, et donc les mêmes erreurs, à un tel point que c’en est risible parfois.

  • De plus en plus, la vie est ailleurs, et la France est empaillée.
    Elle ne veut pas d’échecs, pas de salariés qui auraient changé trop souvent de job,
    Pas d’autres contrats que des CDI,
    Bref, on veut sa chaise à son nom, comme dans les églises d’antan …

    Les bâtisseurs, ceux qui savent prendre un risque ou saisir une opportunité, et qui sont appréciés comme tels, c’est vers les pays anglo-saxons qu’ils doivent se diriger.

    On y a le goût de la réussite, tandis qu’en France, cette réussite n’engendre que jalousies mesquines.

  • La majorité des réponses conforte largement la vision de l’auteur de cet excellent article.
    Pour les Français, erreur = pas bien ! vilain ! caca !
    La manière de manager et d’éduquer en France considère l’erreur comme un péché mortel, comme l’ultime preuve d’incompétence définitive et irréparable.
    C’est un problème majeur d’ailleurs pour l’intégration des nouveaux venus (jeunes ou moins jeunes) dans les entreprises (et que dire des administrations!)
    Résultat : peu d’esprit d’initiative et peu d’innovations.

    • « C’est un problème majeur d’ailleurs pour l’intégration des nouveaux venus »

      Pour être « intégré » et « expérimenté, il faut s’être beaucoup trompé (puisqu’on n’apprend que de ses erreurs). Ce qu’il manque donc, c’est l’encadrement des nouveaux pour leur éviter le casse-pipe.

      Solution : vous recrutez un polytechnicien omniscient. Il se trompe tout autant qu’un autre, mais comme vous ne pouvez pas l’encadrer et travaille au niveau maximum de responsabilité, le résultat est bien pire. Mais on ne peut pas vous reprocher de ne pas avoir recruté le meilleur.

      (NB : remplacez polytechnicien par énarque ou autre selon votre branche d’activité)

  • Délicieux angélisme. On veut protéger les gens qui font des erreurs et ensuite on voudra protéger les entreprises de la faillitte. Irresponsabilité érigée en institution et en osmose totale avec la pensée actuelle. La plupart des jeunes ont bien intégré cette logique actuellement. Les écoles sont pleines de gens qui n’arrêtent plus de se tromper pour arriver nulle part à force d’y parvenir. Vous prônez une logique de désastres

  • Il n’y a qu’à lire certains commentaires pour savoir que cet article a tapé juste. Ceux qui disent que les entrepreneurs qui se trompent doivent assumer et être responsables, pouvez-vous expliciter? Les entrepreneurs répondent déjà de leurs erreurs sur les capitaux et biens qu’ils ont engagé dans leur société si celle-ci viendrait à faire faillite. En droit, c’est ça la responsabilité. Vous voudriez qu’ils répondent de quoi d’autre? Du risque pris qui aurait pu faire naître un nouveau marché et aurait pu assurer un avenir pérenne à ses salariés? Et bien sûr, vous voudriez qu’il y ait des sanctions pour s’être trompé. Lesquelles? L’indignité nationale? L’interdiction d’entreprendre de nouveau ou d’exercer une activité libérale? La prison peut-être?

    Ce qui serait bien en plus d’un droit à une seconde chance, c’est un droit à une première chance tout court parce que bon, s’entendre dire qu’à 25 ans, on n’a pas assez d’expérience pour travailler dans les boites de messieurs nos aînés, mais de s’entendre proposer gentillemment de revenir dans cinq ans quand on aura fait notre expérience chez la concurrence ou mieux à l’étranger, sans doute histoire de pas être un boulet pour la France, ça va pas fonctionner encore longtemps.

  • Ca parait tellement frappé du sceau du bon sens qu’on se demande encore comment des inepties pareilles peuvent arriver. Un tel dirigeant ne mérite pas ses ingénieurs, et ses employés.

  • ça fait probablement partie d’un tout . Les marges des entreprises , en France, sont si faibles qu’il est difficile d’essuyer un échec.

  • Les commentaires sont fermés.

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