Par Jacques Henry.

Quand je résidais au Vanuatu, pays tropical où abondent les papayers, une des recettes locales pour attendrir la viande de bœuf charolais local fraichement abattu à l’abattoir de Mélé, un village proche de Port-Vila, consistait à envelopper un morceau de viande dans une feuille de cet arbuste pendant quelques heures. Je n’ai jamais pu m’expliquer par quel mécanisme cette feuille pouvait attendrir en profondeur un beefsteak aussi efficacement qu’un séjour de près d’une semaine dans une chambre froide. Certes, il existe dans le latex de la peau de la papaye, ce jus blanc qui coule quand on réalise une incision du fruit encore vert, un redoutable enzyme appelé papaïne. Les « belles » des îles des mers du sud se gomment parfois la peau du visage avec ce latex mais elles n’en abusent pas, quelques petites minutes seulement, car les effets de cette enzyme particulièrement active et dévastateur pour les structures protéiques pourrait endommager leur peau durablement. En effet, pour comprendre les effets indésirables de la papaïne qui est un enzyme finalement loin d’être l’apanage de ce fruit que je n’ai jamais vraiment affectionné il faut préciser quelques détails. L’une des utilisations industrielles autorisées de la papaïne est l’attendrissement de la viande qui se présente sous forme d’une poudre directement préparée à partir du latex que je viens de mentionner. Certaines firmes se sont hasardé à incorporer cet enzyme dans des dentifrices mais sans résultats notoires. Un autre usage topique en médecine est le « nettoyage » des plaies variqueuses des personnes diabétiques mais il n’a jamais été approuvé en raison des risques d’allergie pouvant être mortelle comme une réaction anaphylactique fulgurante pouvant entraîner un arrêt cardiaque.
Cependant et malgré ce risque avéré certains cosméticiens proposent tout de même des crèmes dites rajeunissantes contenant cette enzyme à des femmes avides de paraître toujours jeunes, à leurs risques et périls cela va de soi… La papaïne, outre son effet consistant à détruire les protéines et donc, en application externe sur la peau, à désorganiser l’épiderme et surtout le derme, possède intrinsèquement un puissant pouvoir allergène et on imagine sans être un spécialiste en la matière à quel point son usage peut être dangereux.
Cette particularité de la papaïne à digérer sur place les protéines a été mise à profit plutôt inconsidérément par l’industrie cosmétique dans des crèmes dites de jeunesse, exfoliantes ou régénérantes qui éliminent en réalité les couches superficielles de cellules mortes de l’épiderme grâce à l’action de l’enzyme. Cette action dite protéolytique brise en effet les interactions entre les cellules afin qu’à la limite la peau se retrouve « à vif », une peau de bébé en quelque sorte ! Si la notice d’utilisation du tube de crème vante l’efficacité du produit exfoliant elle omet de mettre en garde l’utilisatrice contre les dangers de la papaïne. Non seulement la barrière de protection que constituent les cellules de l’épiderme est ainsi fragilisée mais l’organisme est de plus exposé au fort pouvoir allergène de l’enzyme, pouvoir qui persiste quand celui-ci est devenu inactif. La fragilisation de la barrière de protection de la peau par l’action de la papaïne – mais aussi l’usage abusif de détergents de confort qui fragilisent également l’épiderme – permet alors un accès aux autres allergènes communément présents dans une maison et le résultat encore plus redoutable est l’apparition de dermatoses très difficiles à traiter qu’on appelle eczémas atopiques.
Le Docteur Erika Jensen-Jarolim de l’Université de Médecine de Vienne en Autriche a fait un rapprochement inattendu entre l’effet de la papaïne et certains allergènes domestiques dont en particulier les acariens. Ces minuscules cousins des araignées se nourrissent des cellules mortes de notre épiderme qui tombent au sol. Pour les digérer ils sécrètent un enzyme très proche de la papaïne et tout aussi allergène. Cette protéine se retrouve ensuite dans leurs excréments, une des composantes de la poussière de maison dont nous respirons de fines particules entrainant de l’asthme et qui collent à la peau et la conjonctive entrainant eczéma atopique et conjonctivites. Inutile de dire que si on a une peau fragilisée par des abus de savons agressifs, de détergents et par l’usage de crèmes exfoliantes, on s’est soigneusement préparé pour ces inconforts dont on aurait pu se passer très facilement ! Tout ça parce qu’on a la peau fragilisée par des agressions délibérées et que des acariens du sol, non parasites (voir lien) et non fouisseurs comme celui de la gale contribuent à charger l’air de leurs fientes contenant encore cette protéine hautement allergène, air dans lequel on baigne en permanence et que l’on respire.
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article fort instructif, j’aurais aimé savoir comment ils font pour les ramasser.
Avec des foufourches????
là ou il y a de l’allergène , y a pas de plaisir …