Par Jacques Henry.
Curieuse question que s’est posé Michelle Escasa-Dorne de l’Université du Colorado en étudiant le comportement sexuel de femmes mariées à Manille aux Philippines. L’étude a englobé 86 femmes mariées allaitant et encore en aménorrhée, 48 femmes allaitant et étant réglées et 106 femmes mariées sans enfants et normalement réglées. Toutes étaient âgées de moins de 35 ans et avaient suivi une éducation normale, vivaient dans les faubourgs de Manille près de centres de santé et avaient accepté de répondre à un questionnaire un peu indiscret relatif à leur comportement sexuel avec leur époux. Il faut rappeler ici que les Philippines est un pays très catholique et que la fidélité conjugale est un devoir sinon une obligation religieuse. Mais là n’est pas la question.
La littérature scientifique faisait état d’une chute de la libido chez les mères après l’accouchement, trop préoccupées par les soins à prodiguer à leur enfant, cette chute de libido se traduisant, non par une absence de rapports sexuels mais un diminution de leur nombre ; ce ralentissement étant dû à l’occupation de la mère allaitante et plus encline à s’occuper de son enfant que son époux. L’étude réalisée par le Docteur Escasa-Dorne démontre qu’il n’en est rien. On aurait pu croire que les femmes donnant le sein et en aménorrhée seraient plus disposées à un rapport sexuel dans la mesure où le risque de grossesse est amoindri. Ce sont au contraire les mères nourrissant leur enfant au sein et réglées qui sont les plus actives sexuellement, y compris en comparaison des femmes mariées nullipares et normalement réglées. Ces mêmes femmes ont aussi déclaré être encore plus actives sexuellement qu’avant de se trouver enceintes.
Puisqu’on cherche à trouver une explication logique à tout comportement humain comme dans le cas présent largement instinctif, il n’y a qu’un pas vite franchi pour en trouver une : une stratégie consistant à maintenir une relation étroite avec son partenaire dans le but d’assurer un avenir confortable pour la progéniture. En quelque sorte une sorte d’instinct de conservation qui se traduit par une disponibilité sexuelle plus soutenue, ou, énoncé différemment, la nécessité de préserver le couple pour assurer un avenir à l’enfant. Comme l’indique le tableau 2 de l’article relatant cette étude, c’est l’engagement entre partenaires du couple qui est le facteur prépondérant dans l’activité sexuelle et non le désir, l’amour, ou encore la recherche d’orgasmes ou de satisfaction. On se trouve donc devant un comportement strictement instinctif qui n’est justifié que par le maintien de la cohésion du couple en vue d’assurer la survie de la cellule familiale. Il faut enfin noter que dans cette étude la majorité des enfants au sein étaient âgés de 9 mois et plus, un détail qui n’a pas été relevé par l’auteur de l’étude (voir le lien) et qui pourrait à lui seul expliquer ce comportement particulier de la mère. En effet à cet âge l’enfant a besoin pour son développement d’une alimentation plus différenciée que le lait maternel et cette simple nécessité de disponibilité en nourriture peut expliquer ce comportement. On retrouve peut-être ici les comportements primordiaux de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs qui étaient assurés de toujours trouver une partenaire sexuelle active et consentante à condition peut-être qu’ils subviennent à la survie de l’enfant… et de sa mère, au prix de quelques sacrifices l’obligeant à délaisser un instant son enfant pour satisfaire son partenaire. En effet, la sécrétion de prolactine a tendance à diminuer le taux de testostérone chez la mère allaitante et donc par voie de conséquence la libido, mais ce n’était pas le but de cette étude.
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Eh oui. On est plus souvent « manipulé » par notre cerveau qu’on ne le croit.
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