Résistances aux antibiotiques : vraies urgences versus apocalypse douteuse

On assiste à une croissance exponentielle des résistances aux antibiotiques, résultat d’un mauvais usage thérapeutique.

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Résistances aux antibiotiques : vraies urgences versus apocalypse douteuse

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 avril 2015
- A +

Par Thierry Levent

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Devinette : qui suis-je ?

En 2050, à l’échelle de la planète, si l’on ne se mobilise pas davantage, il faudra déplorer 10 millions de morts par an et le coût pour la société frôlera les 100 000 milliards de dollars. La perte de croissance annuelle est estimée entre 2 et 3,5% du Produit Intérieur Brut. Le G7 place ce risque au 6ème rang des risques systémiques de la planète, ce sont des activités entières qui pourraient être menacées.

La mobilisation doit être internationale, sous l’égide de l’OMS. L’éducation du public, les pratiques, la recherche et l’innovation sont la base incontournable de cette stratégie reposant sur l’implication des leaders politiques pour combler l’écart entre l’urgence de la situation et la perception lointaine qu’en ont le public et certains professionnels.

Réponse

Non, vous ne lisez pas un rapport de Greenpeace sur l’impact du réchauffement climatique, mais les conclusions de la Fédération Hospitalière de France sur un sujet absolument sans intérêt pour Marion Cotillard : la multi-résistance bactérienne aux antibiotiques.

Réfugiés septiques 1 – Réfugiés climatiques 0

Selon les autorités sanitaires américaines, deux millions de personnes contractent une infection résistante aux antibiotiques tous les ans aux États-Unis et 23.000 en meurent. On estime à 60 000 les décès annuels en Europe et aux États-Unis.

On assiste à une croissance exponentielle des résistances aux antibiotiques. Le nombre de cas de patients porteurs de bactéries multirésistantes (BMR) est fortement en hausse, dans les services de transplantation, de réanimation, d’hématologie. Des écologies bactériennes préoccupantes sont également retrouvées en ville.

L’absence ou l’insuffisance de politique rationnelle de prescription des antibiotiques, a permis l’émergence de Bactéries Hautement Résistantes émergentes (BHRe), colonisant le tube digestif d’un grand nombre de personnes qui prennent l’avion comme tout le monde. La diffusion est mondiale, compliquée par le tourisme médical. La situation est telle que toute personne rapatriée sanitaire en France ayant fréquenté un système de soins étranger doit faire l’objet, dans l’unité d’accueil, de la mise en place de mesures drastiques d’isolement et de dépistage pour éviter leur dissémination. Les cas autochtones non importés progressent en France.

Les antibiotiques sauvent des millions de vie mais génèrent un impact collectif. Mal utiliser un anti-hypertenseur mettra en péril le patient exposé à ce mauvais usage. Mal utiliser un antibiotique génère une pression de sélection sur le patient traité, qui devient porteur d’une bactérie de plus en plus résistante en cas de traitements répétés. La dissémination est alors possible (mains des soignants, matériel médical…). Ces situations de plus en plus fréquentes désorganisent les services de soins.

La multirésistance bactérienne est le résultat d’un mauvais usage thérapeutique en médecine vétérinaire et humaine : des études vont jusqu’à 50% de traitements inadaptés. Les consommations antibiotiques ont été multipliées par 10 entre 2000 et 2010 au niveau mondial. L’innovation thérapeutique est indispensable mais fait cruellement défaut, les laboratoires pharmaceutiques se désengageant de ce créneau.

En France, il existe une prise de conscience, mais les résultats sont mitigés en médecine humaine, plus encourageants en médecine vétérinaire.

Relativisons la fin gazeuse du monde

Nicolas Hulot attribue au dérèglement climatique des centaines de milliers de morts mais les vrais enjeux sanitaires sont gommés en son nom, proclamé cause nationale en 2015, au détriment par exemple du diabète en plein essor. À l’international, le soufflé médiatique Ebola est retombé depuis longtemps. La santé publique française n’a pas son Jouzel multimédia, l’hypothétique réfugié climatique n’étant qu’une farce idéologique.

Une situation pré-pasteurienne mondiale n’est pas à l’ordre du jour pour le moment. Il existe encore des traitements mais lourds de par leurs effets secondaires en particulier sur les souches tuberculeuses multirésistantes (MDR) et ultrarésistantes (XDR). Le CO2 ne tue pas, les bactéries, virus et parasites le font. Le désengagement de l’industrie pharmaceutique honnie nous réduit à gérer au mieux le stock limité d’antibiotiques encore efficaces tout en recyclant, faute de mieux, des molécules oubliées pas toujours faciles à manier.

L’apocalypse thermométrique elle, nous est vendue comme certaine bien que le fameux hiatus, non prévu par les modélisations du GIEC, fête dorénavant ses 18 ans d’existence. Ceci n’empêche pas le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans les conclusions de son rapport concernant le plan national d’adaptation au changement climatique présenté à la presse, d’affirmer que : « Si la température augmente de 4 à 6 °C à la fin du siècle, il est possible que l’enchaînement des événements ne soit plus contrôlable. » Imaginer contrôler le climat est digne d’une soirée arrosée chez les bisounours. La résurgence des maladies infectieuses et la multirésistance bactérienne semblent être une conséquence du changement climatique si l’on en croit (mais pas vraiment) le journal Le Point.

L’écologisme s’immisce partout, également dans le système de soins, en imposant la promotion du développement dit durable dans l’accréditation des établissements de santé. Des heures de réunions sont nécessaires pour venir à bout des 8 critères du chapitre 1 : « Management de l’établissement du manuel de certification concernant le développement durable ». Rien que le critère correspondant aux « achats éco-responsables et approvisionnements » nécessite 4 tableaux, 22 documents de preuve, 19 questions à se poser et 13 observations de terrain ! Au diable l’écologie bactérienne qui elle ne nous oublie pas sous les monceaux de rapports et de tableurs Excel. Sauver la planète exige de tous des efforts, inutiles en l’occurrence, mais obligatoires.

Autisme programmé

Le climat « déréglé » sort largement vainqueur de la guerre des indignations sélectives, tenter d’en rétablir une hiérarchisation raisonnée est une gageure. Les clones préparatoires de la COP21 parisienne fourmillant d’experts auto-proclamés dans une débauches de lignes budgétaires d’argent public, saturent notre temps de cerveau disponible.

L’objectif est atteint puisque des milliards de dollars sont dilapidés et alloués en toute décontraction à la transition énergétique intermittente compensée par le retour du charbon qui générera des impacts sanitaires prévisibles qu’il faudra affronter.

La pilule passe encore mieux par la peur de tout, tout en préparant l’avenir. Nos chères têtes blondes représentent un investissement idéologique justifiant la mise en œuvre d’un formatage sur le temps long, et un terrain de jeu pour des tas de gens désintéressés mettant en avant la santé.

Conclusion

Le combat contre la résistance bactérienne est difficile mais pas désespéré pour peu que les énergies, les volontés politiques et financières soient au rendez-vous. Pour la finance c’est loin d’être gagné. Il est beaucoup plus rentable d’investir dans la bulle verte et le barnum climatique, jackpot assuré pour le moment en termes de rentabilité et d’image du « je suis plus Vert que mon voisin !». La sainte trinité du thermomètre, du CO2 et du GIEC est intouchable. Tant pis pour le reste.

En attendant, les antibiotiques sont mauvais pour le climat, puisque tout, absolument tout doit y être relié en cette année 2015 pré-apocalyptique. Il est fort probable qu’un titre comme : « Ne vous infectez pas car votre maladie aggrave votre dette écologique envers Gaia » fera la une médiatique. Soyons confiants, il reste encore neuf mois de pré-délire avant le vrai délire parisien.

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  • l’invasion des bactéries mutantes…..encore un peu film d’épouvante?

  • Grosse différence : pour le climat, l’argument permet de faire faire à la population ce qu’elle n’aurait jamais fait d’elle-même par bon sens. Pour les résistances, il s’agit au contraire de faire faire preuve aux médecins, une petite minorité puissante de la population, d’intelligence et de considération à l’égard de leurs malades…

  • Malgré`certaines restrictions l’antibiotique reste le dessert préféré des français. Ils les mettent à toutes les sauces surtout les derniers venus, notamment les céphalosporines de la 3º génération données à tord et à travers.
    Le nombre de maladie virale traitées par des AB est considérable. Arrêtons un peu et nous verrons que certains reprendront leurs lettres denoblesse

  • Et pourquoi l’industrie pharmaceutique se désengage?

  • L’auteur
    @auguste: entièrement d’accord avec-vous. Ne parlons pas de l’automédication et le non respect par les patients des durées et posologies prescrites.
    @Tridir: marché nettement moins porteurs que les anticholestérolémiants et des anti-hypertenseurs. Malades captifs à vie. Pour les ATB, en théorie on guéri les malades en 10j, en outre la politique dans les établissements de soins est à la restriction drastique des volumes
    @réactitude: tout le monde souhaiterait que ce ne soit qu’un film d’épouvante. Dans ma pratique quotidienne de médecin hospitalier, j’ai à prendre en charge tous les jours (vraiment tous les jours) des patients infectés avec une BMR quelque fois très compliquées type infection sur prothèse articulaire ou vasculaire qui nécessitent en outre des durées de traitement longues (6 semaines b voire 3 mois). Pas évident.

  • Je me suis payé le luxe d’éplucher l’article du Point et on y trouve de curieuses surprises :
    https://jacqueshenry.wordpress.com/2015/03/30/explication-de-texte-dun-article-du-point-fr/
    Vous soulevez un problème que j’avais moi-même relaté dans mon blog il y a trois jours mais en omettant de mentionner l’agissement pour le moins suspect du dénommé Toussaint … La résistance aux antibiotiques, le supposé changement climatique, les excès médicamenteux, la malbouffe et bien d’autres dérives font partie du quotidien de mon blog et je suis fier de me situer à contrecourant de la bien-pensance pseudo-scientifique nauséabonde actuelle, pas seulement en France mais dans bien d’autres pays. Je suis avec intérêt les développements de la sortie aux USA du film-docu sur l’Eglise de Scientologie. Ce film révèle dans quel délire la frange la plus éduquée de l’humanité s’est engouffrée. C’est proprement stupéfiant !

  • « pour peu que les énergies, les volontés politiques et financières soient au rendez-vous. »

    Et bien elles ne le sont pas au R.V. ces énergies et ces volontés …
    « ON » va me bassiner moi médecin généraliste, d’avoir prescrit un traitement antibiotique sur une angine virale. Ce n’est pas génial mais je conçois la mise au point. Par contre allez donc faire un petit tour dans ces élevages industriels de porcs, poulets, canards et bientôt la géniale ferme de mille vaches. Dans ces élevages les animaux sont gavés de « compléments alimentaires » et que contiennent ces fameux compléments: des tétracyclines à dose massive.Ces antibiotiques sont là pour prévenir les maladies infectieuses dans un camp de concentration où la promiscuité génère des épidémies catastrophiques.
    Et là curieusement pas question d’induction de résistance …. curieux …. Non ???
    L’autre problème c’est qu’en thérapeutique nous ne disposons que de 5 classes thérapeutiques antibiotiques pas une de plus et la recherche est restée stérile en la matière.

    Que le médecin soit conscient de ce qu’il fait ou ce qu’il induit c’est primordial mais que l’on se permette de faire ingérer des quantités massives de « compléments alimentaires » aux animaux élevés en batterie: NON !!!

    Autre phénomène induit: les antibiotiques sont éliminés sous forme active dans les fécès, sous forme active … ce qui veut dire que tout traitement relargue dans la nature qui n’est pas aussi idiote qu’elle en a l’air et les bactéries ont tout le loisir de muter pour contrer ces molécules.

    De toute ma carrière je n’ai jamais vu un laboratoire nous dire quel était le comportement de ses molécules une fois éliminées du corps … jamais !!!

    • Je suis d’accord avec vous, je pense que la résistance aux antibiotiques est dû en partie à l’absorption massive d’antibiotiques des animaux élevés industriellement. Ce n’est pas la prise d’antibio 5 jours par an qui rend les bactéries résistantes aux antibio.

  • Est-ce que les traces de médicaments présents dans les aliments ou la boisson peuvent affecter le contenu de notre tube digestif?

  • L’auteur
    @marc
    Des études épidémiologiques ont bien mis en évidence l’émergence de multirésistance dans les élevages industriels. L’avoparcine (un glycopeptides) utilisés larga manu à une époque avait sélectionnée des entérocoques résistants à cette classe. Il est clair également que les fluoroquinolones ont sélectionnées des souches résistances au sein des bacilles à Gram négatif. Les réseaux de surveillance vétérinaires ont également montré la présence de BMR chez les chiens et chats des particuliers.
    Il n’y a pas besoin d’aller dans des élevages industriels pour constater que des tas d’éleveurs ont dans un coin de leur salle de traite des flacons d’ATB qui « traînent » et qui son utilisés à la va comme je te pousse….

  • En économie libérale, une entreprise est motivée par les gains économiques espérés. Si les gains économiques estimés sont trop faibles, alors il n’y a pas d’investissement.

    Et l’espérance de gains en ce qui concerne les nouveaux antibiotiques sont assez faibles, ce qui donne le peu d’enthousiasme à l’industrie pharmaceutique actuelle.

    A moins de relancer la recherche publique avec des impôts.

    Mais gardons espoir, de nouveaux programmes prometteurs sont déjà lancés. Si tout se passe bien, les premiers devraient apparaître à la nouvelle décennie.
    http://www.futura-sciences.com/magazines/sante/infos/actu/d/medecine-teixobactin-nouvel-antibiotique-prometteur-56701/

    ne tombez pas malade !

  • L’auteur
    @simple-touriste
    Les durées de traitement émanent de recommandations:
    http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/consensus/inf-osseuse-court.pdf
    Il existe également des recommandations de durée pour un tas d’autres situations. La tendance actuelle est « taper fort le moins longtemps possible ».

    @tess
    si, la prise même très courte d’un ATB est suffisante pour sélectionner des souches résistantes. je dis bien sélectionner et non créer (on ne rend pas les bactéries résistantes). En effet, l’existence des bactéries résistantes est un phénomène naturel, elles apparaissent par le jeu des mutations chromosomiques très nombreuses dans le monde bactérien. il existe donc à l’état naturel des souches avec des tas de mécanismes de résistance depuis le nuit des temps (on en a retrouvé dans le permafrost agées de plus de 15 000 ans…). Ce n’est pas très « rentable » pour une bactérie d’être multirésistante. En outre, dans un environnement normal, elles sont « étouffées » par celles qui ne sont pas anormalement résistantes. Le fait de traiter élimine les « bonnes » bactéries et donc sélectionne les mauvaises.

    @Korieandre
    En effet, développer une nouvelle molécule demande des dizaines de millions d’euros d’investissement, pour au moins 10 ans. Le pari est risqué, ce qui explique le peu d’innovations dans les tuyaux

  • Les commentaires sont fermés.

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