Le désastre du financement des start-ups françaises

Les chiffres que vient de publier la DGE de Bercy sur le financement des start-ups donnent l’explication de cet effondrement.

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Le désastre du financement des start-ups françaises

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 mars 2015
- A +

Avec 40.000 entreprises employeuses (ayant au moins un salarié) par an avant la crise de 2008, nous avions déjà créé la moitié du nombre d’entreprises employeuses créées par les Allemands ou les Britanniques. En 2009, ce chiffre est tombé à 33.000 et a poursuivi sa chute.
Eurostat publiait ainsi, qu’en 2012 nous avons créé seulement 26.000 entreprises employeuses avec 100.000 emplois salariés et les Britanniques 237.000 entreprises employeuses avec 600.000 emplois salariés. Un désastre qui explique la montée inexorable du chômage en France alors que les Allemands et les Britanniques sont proches du plein emploi.

Les chiffres que vient de publier la DGE de Bercy sur le financement des start-ups donnent l’explication de cet effondrement.

La DGE (la Direction Générale des Entreprises) est la direction de Bercy qui rassemble les experts de l’ex-ministère de l’Industrie. Dans un PowerPoint présenté lors du dixième anniversaire de la naissance des Réseaux de Business Angels, la DGE a montré que les sources principales de financement des start-ups, que sont normalement les Business Angels, et accessoirement, le capital-risque, étaient insignifiantes :

– 60 millions d’euros pour les Réseaux de Business Angels et vraisemblablement autant, d’après un rapport européen, pour les Business Angels que l’on peut qualifier d’indépendants (voir explications en annexe pour définitions). Pour référence, le même chiffre aux USA cité par le PowerPoint, était de 20 milliards de dollars. Nous pouvons ajouter qu’au Royaume-Uni, les statistiques du Trésor britannique montrent que sous l’impulsion du seul avantage fiscal que représente l’EIS, l’équivalent de l’avantage Madelin en France, les Business Angels investissent déjà plus de 1 milliard de livres.

– Le Powerpoint indique par ailleurs que le capital-risque injecte dans nos entreprises environ 6 milliards d’euros, mais en donnant la distribution des apports par taille et en commençant avec un premier échelon qui se situe à 5 millions d’euros, il montre bien, « en creux », que les apports du capital-risque français dans la zone critique du démarrage des start-ups, celle entre 100.000 et 1 à 2 millions, sont également négligeables. On le sait depuis longtemps : il y a plus de 50 ans que les Américains ont reconnu que le capital-risque ne trouvait pas sa rentabilité dans des investissements situés dans cet intervalle ; et ils ont mis en place des dispositifs fiscaux pour multiplier les Business Angels. Pour faire traverser aux entreprises la « vallée de la mort », seuls des apports de fonds par des individus se sont révélés rentables et non ceux d’institutions comme les fonds de capital-risque.

– Un petit coup de chapeau est donné par le Powerpoint à la BPI (successeur d’Oséo) et à la Caisse des Dépôts qui viennent saupoudrer un peu tout le monde avec des fonds publics ; mais quel est le Français qui peut encore croire que les représentants syndiqués de la BPI vont se défoncer pour l’entreprise dans laquelle ils n’ont aucun investissement personnel et avoir, même de loin, l’efficacité des investisseurs privés risquant leurs fonds personnels ?

Il faut savoir gré à la DGE de Bercy d’avoir avoué publiquement ce que les connaisseurs savent depuis longtemps et que ceux qui ont essayé de créer des start-ups ont appris à leur dépens.
Il serait cependant bon que la DGE corrige officiellement une erreur indiquant un investissement moyen par Business Angel aux USA de 400.000 dollars et de 114.000 euros en France alors que le document européen source cite pour la France seulement 16.000 euros. Ce montant de 114.000 euros pourrait laisser croire que les investissements des 8.000 Business Angels estimés pourraient atteindre 900 millions alors que le document source indique bien que l’investissement total est d’environ 120 millions, tous Business Angels confondus.

Explications complémentaires 

– Différence entre réseaux de Business Angels et Business Angels indépendants : les Business Angels sont ceux qui apportent des fonds à une entreprise dans sa phase de démarrage en contrepartie d’actions ou de titres de participation en espérant faire un jour des plus-values. Les montants moyens mis par un Business Angel américain étaient déjà en 1990 (rapport Gaston) l’équivalent de 200.000 euros de nos jours, permettant ainsi à un créateur d’entreprise de réunir 500.000 euros avec une poignée d’actionnaires. Il y a quelques années se sont développés aux USA des réseaux, des groupes de petits Business Angels mettant individuellement 5 à 10 fois moins et se groupant pour parvenir à investir collectivement le même montant qu’un Business Angle indépendant. Mais ils représentent seulement quelques pourcents de l’investissement total des Business Angels opérant individuellement et que nous désignons par Business Angels indépendants. Le peu de succès des Business Angels de réseau, qui en fait presqu’un apostolat, s’explique par le fait que le créateur d’entreprise veut bien accroître son assemblée générale de quelques actionnaires, mais pas de dizaines qui rendent les prises de décision beaucoup plus difficiles.

– Faute de dispositifs fiscaux adéquats comme en ont les USA ou le Royaume-Uni, la France n’avait pas en 2002 de Business Angels et les faisait même fuir avec l’ISF. Comme leur absence est devenue évidente et insoutenable politiquement, Renaud Dutreil, ministre des PME et Bercy ont imaginé de faire croire que le problème était résolu en encourageant par des subventions la création de réseaux mais en évitant soigneusement tout dispositif qui pourrait créer des vrais Business Angels indépendants, seuls à même d’avoir un impact sur la création d’entreprises. Un village Potemkine de plus imaginé par Bercy après un Avantage Madelin plafonné au dixième des Britanniques et le rendant inopérant, la SUIR (Société Unipersonnelle d’Investissement à Risque dont il a été créé moins de 10 exemplaires), etc.

Documents publics à consulter :

« Éléments sur la politique française d’innovation et son impact sur les start-up ».DGE.11 mars 2015.
– Document européen cité ici
Eurostat

Sur le web

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  • « Avec 40.000 entreprises employeuses (ayant au moins un salarié) par an avant la crise de 2008 »

    Certes le début de la crise, mais aussi année de la suppression du CNE (Contrat Nouvelle Embauche) par Sarkozy, qui simplifiait l’embauche pour les toutes petites entreprises – Et en plus en le transformant directement en CDI !

    • Quel était l’intérêt du CNE ? La rupture possible dans les moins de 2 ans. Mais en cas de contestations, les tribunaux le requalifiaient en CDI. Alors la faute à sarko…

    • Le CNE est typiquement le genre d’idée de polytechnicien pour rajouter de la complexité sans aucun effet final : une usine à gaz de plus dans le code du travail pour un résultat nul.

      Aucun chef d’entreprise ne diffère une embauche à cause du contrat de travail : ils ne les diffèrent que quand le risque vs retour sur investissement est trop important et choisissent le contrat de travail en fonction de ce risque.

      La complexité du code du travail diminue le retour sur investissement, donc d’une certaine manière le CNE a ralenti les embauches.

  • À savoir également que la plupart des réseaux de business angels ne souhaitent pas être majoritaire dans le capital (ou alors donnez-moi des noms de réseaux).

    Le souci est que pour une personne ayant une super idée mais aucun fond pour la développer, il lui sera strictement impossible de la mettre en place, sauf si elle prend le risque de contracter un emprunt énorme à la banque en se portant caution personnelle. Long story short, elle met ses quarante futures années professionnelles en jeu. Si son projet se ramasse, elle est financièrement morte et ne pourra plus rien faire à part bosser pour rembourser sa banque. Adieu vacances, projets sympas, et nouvelle télé holographique en 2025.

    Ceci explique donc en grande partie pourquoi un créateur en France hésite à créer sa start-up. De plus, les taxes terrifiantes qui lui sont imposées (et notamment l’inique RSI), ne font rien pour arranger la donne.

    Regardez ces trois jeunes français ayant developpé un formidable exosquelette pour paraplégiques capable d’éviter les obstacles automatiquement? C’est un business énorme! Et pourtant! En France, ils n’ont pas réuni les fonds nécéssaires. Alors ils sont partis ou? Aux USA. Qui va créer de l’emploi? Qui va gagner les impôts générés par cette activité? Les USA. Comme d’habitude. Mais pour le gouvernement, mieux vaut taper sur les investisseurs et taxer les créateurs. Seul Niels a l’air de vouloir faire bouger les choses avec son complexe incubateur dans le 13ème actuellement en chantier.

  • Merci pour cet article ! Je rêve du jour où notre beau pays sera enfin libéré de notre carcan politique …

  • ….. le créateur d’entreprise veut bien accroître son assemblée générale de quelques actionnaires, mais pas de dizaines qui rendent les prises de décision beaucoup plus difficiles.

    C’est le cas pour ma boîte, à 2 associés, où nous cherchons à lever 600 K€ pour répondre à un marché en forte croissance (saupoudré évidemment par de l’innovation) et faisons face à un pool de B Angels qui se proposent d’entrer au capital à 8!!!! pour injecter 300 K€. Les questions de gouvernance et de gestion du Schmilblick, ils n’en ont cure. C’est vraiment plus simple ailleurs dans la zone de la mort qu’en France.

    • Si les banques faisaient aussi correctement leur travail (investir dans les entreprises et non des produits financiers via des traders ou des dettes d’états par milliard) nous n’en serions pas là.

      • Ca n’est pas le travail des banques ! Les banques sont des institutions collectivistes qui ne peuvent que transformer les soutiens individuels en gloubi-boulga si on veut leur donner un rôle autre que le leur naturel, celui d’un outil mécanique pour démultiplier la force des choix personnels. Et de toute façon, banque ou pas, ça ne change rien à l’arithmétique, aujourd’hui en France un investisseur qui s’engage pour un gros montant dans une boite à laquelle il croit travaille pour le fisc en ce qui concerne les bénéfices, et à ses propres risques en ce qui concerne les échecs. Les socialistes proposent de limiter les pertes en les faisant prendre en charge par le contribuable (BPI), les libéraux de laisser les bons investisseurs profiter de leurs gains et les replacer suivant leur flair, une inégalité inacceptable de nos jours !

      • Le role des banques n’est pas d’investir dans les entreprises mais de faire de l’intermediation entre les investisseurs et les besoins de financement.

        Les Business Angels ont un role de financement que ne peuvent pas assumer les banques en raison du risque a prendre. Ils ont souvent aussi un role d’accompagnement de l’entrepreneur qu’une banque ne saurait assumer (les fonds de capital-risque le peuvent mais comme indique dans l’article, les tickets d’investissement ne sont pas les memes)

      • A l’envers : si les banques n’avaient pas à la facilité de bosser sans aucun risque en prêtant aux Etats, elle chercheraient à investir dans l’économie (et se débrouilleraient pour gérer les risques)

    • Une boîte de sardines??? Je me disais aussi qu’il y avait une bonne raison pour que vous n’arriviez pas à lever quoique soit!
      Les entrepreneurs ce n’est plus ce que c’était!
      mon entreprise, ma femme et pas ma boite et ma copine, ça ne veut rien dire…

  • Merci pour le constat.

    Pas du tout d’accord en revanche avec l’affirmation selon laquelle l’investissement en amorçage n’est pas rentable. Ca n’a jamais été vrai aux US et ça l’est de moins en moins.
    Exemple Lowercase capital, un fonds de 8 millions de dollars qui a multiplié sa mise par 200 en investissant au tout début dans Uber, Twitter, Instagram, Docker…
    Exemple Y Combinator qui a inventé le métier d’accélérateur (accompagner les boîtes dès leur création) et dont le portefeuille vaut plus de 100 milliards et qui a été copié massivement dans le monde entier
    Exemple AngelList qui relie startups, angels et talents

    L’investissement en amorçage ou en pre-amorçage suit les règles universelles de la finance : plus il y a de risque, plus il y a de retour. Il faut seulement être prêt à tout perdre sur 9 deals et faire 100x sur le dernier. Et se structurer en conséquence.

  • Les « Business Angels » veulent gagner de l’argent. Premièrement. Je les comprends. Tout le monde veut gagner du fric. Sauf l’état français qui dit que c’est pas bien. Qu’il faut faire ça d’une manière altruiste, caresser les chatons, etc, etc.. Et quand on perd c’est… tant pis pour ta gueule de « sale capitaliste exploiteur ».
    Ce qui m’étonne c’est que ceux qui veulent le « bien » (UPMS+FN) s’étonnent que ça ne marche pas.

    • l’etat ne fait que repeter ce que sa clientele lui demande.
      On a affaire a un vrai probleme de bigoterie anti-argent de la part des francais, et ce depuis longtemps.
      Ce qu’on a maintenant c’est le resultat, avec une population extremement inculte en la matiere, qui reclame plus de socialimse.

      • Absolument pas d’accord : les partis politiques sont la source de ce problème : aucun Français ne veut pas gagner d’argent, se sont les partis qui sous l’impulsion d’une minorité d’intellectuels moralisent en permanence : c’est leur seule et unique de légitimité.

        Plus précisément, Le PS et EELV sont passés maitres en la matière, rejoint depuis peu par le FN : on ne fait pas de la politique ou de l’économie en France, mais de la morale.

        C’est quand même hallucinant qu’un premier ministre parle de ‘faute morale’ … la population courbe l’échine et culpabilise en permanence.

  • Ceci est tout a fait exact…et terriblement désolant.
    Je pense que l’article n’insiste encore pas assez sur l’impact de la fiscalité sur les décisions d’investissement des particuliers qui ont de l’argent et le désastre économique qu’est l’ISF, qui va bien au delà des volumes qu’il représente…

  • tant qu’on ne développera pas les business angels, la france plongera. Mais ce n’est certainement pas en matraquant d’impôt le capital et ses revenus que ces business angels arriveront.

  • Même le statut le plus simple « auto entrepreneur » est compliqué. Faites confiance au gouvernement pour compliquer des choses qui ne devraient pas l’être…

  • Article intéressant même si vous modifier quand même la réalité … « Allemands et les Britanniques sont proches du plein emploi » cette phrase est la plus belle ^^ Sinon, vous rejetez la faute sur les Businness Angels, mais le vrai problème des investisseurs français, c’est pour qu’il aient confiance, il faut une politique stable fiscalement. Et comme la notre ne l’ait pas, ils n’ont pas envie d’investir.
    C’est aussi simple que cela. Pas besoin d’aller chercher midi à 14h …

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