Par Bernard Kron, membre de l’Académie Nationale de Chirurgie
Les pseudos sachants qui légifèrent sur la Santé ne savent rien de la médecine libérale et n’ont pas tiré la leçon des erreurs passées. Droits dans leurs bottes, comme leurs prédécesseurs, les élus et la CNAM (Caisse Nationale Assurance Maladie) ont pris des mesures d’autorité qui ne feront qu’aggraver une situation déjà obérée. Le CAS (Contrat d’accès aux soins) et la loi Santé en projet vont « casser » la médecine libérale.
Les médecins, les internes, les urgentistes sont tous mobilisés pour défendre la liberté de soins, de prescription et d’installation. Ils défileront le 15 mars, avenue du Général Leclerc, point de départ du Commandant Dronne pour libérer Paris en 1944, sur sa Jeep arborant la devise « Mort aux cons ».
Les ordonnances Juppé de 1996 ont été une erreur, comme la loi Kouchner de 2002 sur les droits des malades et la loi « Bachelot » (HSPT) de 2011. Cette « usine à gaz » a exaspéré nombre de médecins libéraux. Le Sénat avec la loi Fourcade avait amendé certaines mesures contraignantes ou vexatoires. Cela n’a pas changé le fond du problème, car une pluie d’amendements lui a succédé mettant gravement en danger la médecine libérale. L’arrivée de la gauche a aggravé cette situation.
La Cour des comptes propose plusieurs pistes pour arriver à l’équilibre des comptes sociaux et stopper les dépenses inutiles. Ce serait 12 à 25 Mds d’euros d’économies ! C’est un mirage.
Seuls les libéraux permettraient d’éviter que l’hôpital soit débordé. Le médecin, comme le chirurgien ou le boulanger ne font pas de bons diagnostics ou du bon pain pour gagner toujours plus, mais par amour de leur métier, mais on les en empêche ! Ils s’adaptent toujours à la loi du marché ou disparaissent.
Tel est le cas dans nombre de régions devenus des déserts. La complexité administrative et les mesures d’autorité ont l’effet inverse du but recherché : accès des soins à tous, économie et efficience.
Les déserts médicaux
L’augmentation du numerus clausus au-delà de 7 500 postes sera insuffisante pour tout régler. Certains de nos enfants, compte tenu d’un numerus clausus très restrictif, sont partis faire leurs études de médecine en Belgique ou en Roumanie. Certains ne reviendront pas avec leur diplôme et iront s’installer à Londres, au Québec ou en Amérique.
Les jeunes médecins ne sont pas formés à la médecine de campagne.
Cette évolution risque de devenir inéluctable, car 70% des étudiants en médecine sont des femmes (23% en chirurgie) et nos étudiants ne veulent plus d’une vie d’esclave pour des revenus contestables.
Les honoraires chirurgicaux
- Les Dépassements d’honoraires (DP) et le secteur II vont être encadrés
Pour des raisons fallacieuses de maîtrise de coûts, la rémunération des interventions a pris un retard de 80% en 30 ans par rapport à l’inflation. Les revenus sont ainsi décalés par rapport aux responsabilités, aux risques judiciaires, aux sujétions liées à la disponibilité pour les urgences. Les nouvelles générations se tournent vers les spécialités les plus confortables et les mieux rémunérées.
Il s’agit d’un budget de 2,4M. Les dépassements sont la conséquence du déremboursement depuis plus de 30 ans des actes techniques par le blocage sans fin de leur tarif opposable. Les complémentaires santé pourraient facilement les financer avec les réserves des mutuelles évaluées à 17 milliards. Le total des DP correspond à ce que nous dépensons en produits cosmétiques, en aliments pour animaux ou en jouets électroniques !
Cette chasse aux riches n’est pas perçue comme une recherche de rentabilité de l’impôt, mais comme une revanche sur une partie de la population. La fiscalité permet, en stigmatisant les nantis, de faire passer certaines pilules, comme l’augmentation de la CSG, des impôts locaux ou de la TVA.
La médecine, formidable moteur économique ne doit pas être bridée par des mesures inadaptées prétendant freiner les dépenses.
- Le pacte pour le « nouveau parcours de soins »
Le Parti socialiste, avec le « nouveau pacte aux professionnels de santé », met en oeuvre progressivement la généralisation d’un paiement au forfait pour les soins de premier recours, l’encadrement des dépassements (DP). Ce contrat d’accès aux soins à tarifs opposables est « la chronique de notre mort annoncée ». Par exemple, les chirurgiens libéraux devront réaliser l’ablation d’une tumeur mammaire pour 121 euros, intervenir sur une cataracte à 271 euros, un canal carpien à 123 euros, une cholécystectomie à 320 euros, une cure de varices à 197 euros. Ces honoraires sont irréalistes, puisqu’il faut en déduire plus de 50% pour frais professionnels et charges.
L’hôpital
L’hôpital représente près de 45% des dépenses de santé alors qu’il ne réalise que 25% des actes thérapeutiques. Le coût moyen d’une chimiothérapie, d’un séjour, d’un acte chirurgical ou obstétrical est une fois et demie à deux fois plus élevé à l’hôpital.
La dette des hôpitaux plombée par les emprunts toxiques est de 130 milliards d’euros.
Le développement de la chirurgie ambulatoire nécessitera de fermer plus de 50 000 lits aigus. Cela n’a pas été anticipé par les concepteurs lors des plans “Hôpital 2002/2007” prolongés jusqu’en 2012. La France subit un retard en soins ambulatoires, malgré son avance en chirurgie coelioscopique (french revolution), affaiblie par les dépenses hospitalières.
La modification des statuts des médecins hospitaliers ne sera pas suffisante pour une meilleure organisation de nos hôpitaux. Depuis la réforme Debré, ces statuts sont de plus en plus complexes : vacataires, temps partiels, titulaires, pleins temps, mono et bi-appartenant, avec un double secteur public et privé ! Près d’un tiers des 100 000 médecins hospitaliers n’est pas issu de notre cursus (30 000). Le patient ne sait pas qui le soigne, et pas davantage si le chirurgien qui va l’opérer sera accrédité, qualifié, performant et compétent.
L’encadrement et les urgences demeurent le talon d’Achille de l’hôpital. La « nouvelle gouvernance » risque de compliquer une organisation déjà trop lourde. L’administration décidant des dépenses, que peuvent faire le directoire et le conseil de surveillance face à cette situation ? Les contrôles sont confiés aux Assemblées Régionales de Santé et d’Autonomie, ce qui pourrait permettre d’éviter des détournements parfois scandaleux. Les Agences Régionales d’Hospitalisation pourtant informatisées n’avaient rien fait auparavant dans ce domaine. Les luttes de pouvoir annoncent des conflits internes, ainsi qu’avec les ARSA. Ainsi Claude Evin, inquiet de la dérive du nouvel hôpital d’Evry, vient d’annuler l’autorisation de construire le nouvel hôpital de Chambourcy.
L’hôpital est débordé par les urgences, plus de 18 millions de passages par an, bientôt 20 millions. Le coût des actes chirurgicaux pratiqués en secteur privé est inférieur. Ainsi une appendicectomie ou un accouchement pratiqués à l’hôpital coûtent en moyenne 1500 euros de plus qu’en clinique privée (Cour des Comptes). La prise en charge des accouchements par l’hôpital coûte chaque année 500 millions d’euros de plus qu’auparavant et les urgences 1,5 Milliards.
Le ministère veut stopper la convergence publique/ privé. Casser le thermomètre de la tarification à l’activité n’éradiquera pas l’inflation du coût hospitalier.
Cette situation est une « menace de mort sur la chirurgie ». Les solutions que je propose sont décrites dans mon livre : Chirurgie, chronique d’une mort programmée, Éditions L’Harmattan.
Pour les consultations, je propose la suppression simple du remboursement par la sécu. De toute façon Elle s est déja désengagée de 30%.
Pour les hospitalisations, le problème est que les coûts sont rapidement importants, même si on est loin des tarifs américains.
La aussi la sécu devrait abdiquer, et les mutuelles, sans être obligatoires, devraient couvrir au minimum 100% du tarif opposable (un peu comme le contrat 1er euro OR d’A….Z).
J’ai toujours un peu de mal à qualifier de liberal notre systeme de soin. Je vois mon médecin plus comme un fonctionnaire de la sécu/CNAM
Non, ce n’est pas un fonctionnaire: cela pourrait mais à 35 h:semaine et avec le niveau d’études déterminant pour le salaire, ce serait impayable! (sinon, ce serait déjà fait depuis longtemps!)
Et méfiez-vous: le jour ou il devient employé de la sécu, il travaillera pour son patron!
Désolé mais la loi santé ne menace pas que la médecine libérale, elle menace l’ensemble du système.
S’il n’y avait que la gratuité des soins … le problème va bien au delà …
Pour avoir exercé 35 années de médecine rurale, avoir été impliqué dans quasi toutes les instances professionnelles que ce soit syndicat, commission paritaire locale à la SS, ordre des médecins, ARS, je n’ai pu que constater la désaffection de TOUS, absolument tous les gouvernements de droite comme de gauche de l’évolution de notre système de santé …. chacun refilant la patate chaude au suivant …
Il en va de la responsabilité du politique censé organiser le fonctionnement de la collectivité, il en va de la responsabilité des syndicats, incapables de formuler un consensus sur l’évolution de la profession, il en va de la responsabilité de l’ordre des médecins surtout du national au conservatisme forcené avéré.
Je ne crache pas dans la soupe parce qu’au niveau de nos départements nous avons émis des idées qui ont finalement après moult réticences été adoptées: permanence des soins, participation à la régulation des appels … etc …
Je n’ai jamais vu adopter par aucun gouvernement la volonté de prendre à bras le corps les problèmes du milieu médical dans sa globalité … comme tous les autres d’ailleurs …. on temporise mais on ne se rend pas compte que nous ne sommes plus en 1945 et que la société et ses structures ont bien changées …
Pour avoir épluché pendant plus de cinq années les rapports de la cour des comptes sur la santé, je me suis rendu compte que aucun des problèmes soulevés par cette structure consultative n’obtenait de réponse intelligente et constructive.
Comment expliquer par exemple que l’assurance maladie d’Alsace Moselle n’ont pratiquement pas de déficit alors que toutes les autres sont dans le rouge vif ???
Comment expliquer que toutes les taxes censées être affectées à la protection sociale ne soient pas effectivement versées, comment expliquer que la SS a été mise à contribution pour la rénovation des hôpitaux alors que ce n’est pas son rôle …. J’avais rencontré monsieur Douste Blazy ministre de la santé en 2004 qui m’a donné comme réponse: ” l’état ne peut pas payer”.
Tant qu’il n’y aura pas de la part des gouvernements une réelle volonté de prendre à bras le corps une concertation avec le milieu médical dans son ensemble, et c’est valable pour tous les secteurs d’activité de ce pays, je ne vois pas comment les choses pourraient évoluer.
Continuons sur cette lancée … wait and see … surtout pas de vagues … et refilons la patate chaude aux copains qui suivront … et nous allons droit dans le mur à vitesse grand V.
Etonnez vous après d’avoir 60% d’abstention ……… ou des votes extrémistes.
« Comment expliquer par exemple que l’assurance maladie d’Alsace Moselle n’ont pratiquement pas de déficit alors que toutes les autres sont dans le rouge vif ??? »
Et le taux de prise en charge est meilleur …
Ça fait assez longtemps que je me pose cette question et je ne comprends toujours pas pourquoi aucun organisme médiatique d’investigation n’a mis son nez là dedans.
Comment ne pas manifester contre la loi Santé quand le simple postulat du renoncements aux soins est juste faux! http://tiers-payant.org/blog/2014/10/renoncement-soins-sophisme-etat
Merci pour ces commentaires, vous trouverez la réponse à vos questions dans mon livre: “CHIRURGIE, chronique d’une mort programmée”: Ed L’Hamattan
-L’origine du mal
-Ses remèdes:
Réformer l’OSS
Diminuer de 50% le n des élus
Réformer les études médicales
Limiter le tiers payant et la gratuité aux vrais défavorisés
Cordialement