Par Farid Gueham.

Les banlieues françaises jouent la carte du numérique pour donner leur chance aux start-up de demain. Les initiatives et les énergies abondent. Des programmes « Simplon » aux « YUMP » le vivier des quartiers explose.
Une chance pour tous ceux qui n’excellaient pas dans le système académique classique et qui trouvent aujourd’hui une issue de secours dans les nouvelles technologies et le numérique. En Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine, se former au web, c’est possible. Des chantiers d’insertion numérique permettent aux jeunes de s’essayer aux métiers du graphisme, du codage ou du documentaire. Une opportunité qui répond à un besoin : le secteur du numérique va générer jusqu’à 50 000 emplois en France, au cours des deux prochaines années.
Les entrepreneurs de demain sont derrière le périph’ ! Des jeunes qui n’ont pas de temps à perdre et se donnent en moyenne un an pour se former et revenir vers l’emploi. Queeny, la vingtaine, participe au Tremplin numérique « j’ai arrêté l’école en première ; je n’ai pas eu mon bac, j’ai travaillé dans la vente. J’en ai eu marre assez vite. Et puis je me suis dit que je devais trouver quelque chose qui soit plus en adéquation avec mes envies ». Dans le Tremplin, pas de formation standard : web, graphisme, effets spéciaux, le choix ne manque pas. Les participants sont payés environ 880 euros par mois pour créer des sites internet, des films d’animation ou des reportages pour des associations. La génération de Queeny baigne dans le numérique depuis toujours. Mais les équipes d’encadrement constatent que ce n’est pas suffisant, il faut transformer les passions en savoir-faire.
Pour Marcela Perez, coordinatrice de l’association « Permis de vivre la ville », « le numérique est à portée de main de la jeunesse en France, aujourd’hui les adolescents ont tous une tablette ou un smartphone. Mais pour quel usage ? ». Badr Belhadef fait partie de l’aventure «  Permis de vivre la ville ». Il y a réalisé des documentaires, des films et des sites web pour les entreprises et les particuliers. Issu de la première promotion du Tremplin numérique en 2011, il s’apprête à monter sa propre entreprise web. Reconnaissant et fier de transmettre son savoir, il donne de son temps au Tremplin pour accompagner les plus jeunes.
Un coup de pouce, pour trouver sa voie. À « Simplon.co » une structure qui offre l’une des formations intensives et gratuites pour apprendre à  créer des sites et des applications, il n’est pas difficile de pousser la porte. Cependant, la motivation est obligatoire. « On ne dit pas que c’est possible pour tous, on dit que c’est possible indépendamment du niveau de diplôme. Est-ce que tout le monde peut devenir programmeur ? Non. Mais en revanche notre objectif est de donner l’opportunité à des gens qui sentent qu’ils ont envie de travailler dans ce domaine, de se révéler », souligne Erwan Kezzar, un des fondateurs de Simplon.
Les métiers du numérique : une filière d’avenir pour les quartiers
Simplon veut promouvoir l’entrepreneuriat dans les quartiers. Une initiative qui offre avant tout un cadre, sans jugement. La démarche ne passe pas inaperçue puisque l’ambassade des États-Unis à Paris s’est rapprochée de l’association pour proposer des voyages et des séjours professionnels aux jeunes qui y sont formés. La banlieue intéresse et les appels du pied viennent de l’étranger. Du Qatar, des États-Unis et aujourd’hui, de Suède ! Le Royaume est en effet, le premier via son ambassadeur à Paris, à s’être impliqué dans le programme YUMP « young urban movement program », avec une initiative phare à Aubervilliers.
Le mouvement s’appuie sur les jeunesses urbaines de Stockholm à Paris. Son but est de promouvoir l’entrepreneuriat et pas seulement dans le numérique : un salon de coiffure, un food truck. On redonne de la confiance via l’entrepreneuriat. Les zones rurales ne sont pas en reste : elles aussi sont victimes de la fracture numérique. Les conférences « brainstorming » Ted et TedX affirment la tendance, avec un évènement à Limoges, « Reboot your Roots ». Des choses se passent à la campagne et le responsable de Simplon veut dynamiser ses partenariats dans la ruralité. Plus que jamais, le bonheur est dans le code.
Le numérique, c’est aussi un vecteur de mixité sociale pour l’éducation nationale
Un moyen de repêcher les décrocheurs. Pour lutter contre le sentiment d’apartheid qui prédomine dans certains quartiers, le gouvernement a décidé de dégainer une batterie de mesures en faveur de la mixité sociale. Après le logement, Matignon veut booster la création « d’écoles du numérique ». Le concept n’est pas nouveau en France grâce à des initiatives privées comme 42. Mais le succès inspire.
Des formations au numérique, oui, mais pour qui ?
L’Éducation Nationale prévoit de développer des offres de formations courtes au numérique pour toucher un public aussi large que possible, du jeune en décrochage scolaire au titulaire d’un bac+2. Et les besoins sont réels : la France manque de bras dans le secteur. 10.000 emplois sont à pourvoir chaque année mais le personnel formé au code informatique est insuffisant. D’où l’idée d’une formation courte, gratuite et professionnalisante pour permettre à ceux qui n’ont pas de diplôme de travailler dans l’informatique.
Et le grand plan pour les banlieues ? Une initiative politique pas franchement innovante, qui se contente de recycler l’existant.
Les techniciens ministériels ne sont pas allés chercher bien loin. Car les formations innovantes sont déjà là  ! Pas de prise de risque donc, lorsque le Gouvernement encourage ces nouvelles filières qui fonctionnent bien. Face à la  pénurie de main d’œuvre qualifiée, le secteur numérique a déjà développé ce genre de formation, comme à l’école 42 de Xavier Niel. Simplon vient d’ouvrir un site à Marseille et prévoit une nouvelle ouverture fin avril en Ardèche. Un succès qui donne des ailes : l’association veut créer une quinzaine d’écoles d’ici mi-2015, en France et à l’étranger. La demande pousse au développement des antennes : pour une formation, on compte en moyenne 50.000 candidatures pour 900 places. Le plan du gouvernement pour les banlieues, c’est 1 milliard d’euros sur trois ans. Un investissement conséquent, mais ramené aux chantiers du logement, de l’éducation, de la mixité sociale, de l’aménagement du territoire et du numérique, cela réduit les crédits sectoriels à presque rien. Mais ce plan ne sera efficace à condition qu’il transcende enfin la dimension du gadget politique, c’est-à -dire qu’il soit rendu lisible, accessible et concret pour sa cible prioritaire, les jeunes des quartiers.
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Pour aller plus loin
- Association « permis de vivre à la ville »
- Présentation du programme « YUMP », site de l’ambassade de Suède à Paris
- Simplon : fabrique sociale de codeurs #frenchteck #ess #empowerment
- TedXLimoges « Reboot your Roots »
- YUMP “young urban movement project”
- Dossier Street Press – La Fonderie idf “Le numérique, une chance pour la banlieue et pour la république”
- Dossier « banlieues numériques »
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Bon, et qui sont les clients solvables, et quel est l’avantage compétitif des banlieues pour les séduire ?
Le problème, c’est la formation de base. Cela suppose qu’on abandonne les idéologies rue de Grenelle. Pas gagné avec la ministre actuelle. Et pourtant, voilà une réforme qui ne coûterait pas un euro!
Le métier d’informaticien requiert avant tout une grande autonomie et une grande responsabilité. C’est déjà largement en contradiction avec la société française et l’organisation des entreprises.
Si vous voulez rendre autonomes et responsables des jeunes sans repères, il risque d’y avoir du déchet, mais évidemment la réussite n’en sera que d’autant plus grande car vous ne leur aurez pas seulement appris un métier mais la vie en général.