Les Pays-Bas : un modèle pour Marisol Touraine

Équilibre financier, libération des besoins de santé, qualité des soins, qu’attendons-nous pour copier la politique de santé des Pays-Bas ?

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Marisol Touraine (Crédits : tendencies Creative Commons)

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Les Pays-Bas : un modèle pour Marisol Touraine

Publié le 9 mars 2015
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Par Bernard Zimmern

Marisol Touraine (Crédits : tendencies Creative Commons)
Marisol Touraine – Crédits : Laurent Guedon (CC BY-SA 2.0)

 

Nous le savons intuitivement, la santé française va dans le mur : les déficits s’accumulent, représentant plus du tiers du déficit public, les prélèvements ne cessent de croître (pensons seulement à la CSG et la CRDS), les remboursements diminuent et pourtant les moyens ne suivent pas, avec des urgences de plus en plus encombrées, des médecins généralistes payés à l’heure la moitié d’un plombier ou d’un serrurier et Marisol Touraine nous annonçant une réduction de 22.000 soignants dans les hôpitaux.

Pourquoi s’intéresser à la politique de santé française ?

Depuis des années, les ministres de la Santé se suivent et les réformes reculent par manque de courage politique peut-être, mais d’abord par manque d’une vision d’ensemble.

Courage politique, certes ; on sait que la charge financière des hôpitaux publics est le grand boulet de la santé en France avec des coûts doubles ou triples de ceux des cliniques privées, avec pourtant des productions très similaires en volume et qualité. Cet écart trouve son origine dans la multiplication au sein des hôpitaux publics des personnels non opérationnels (administratifs, etc.) dont le nombre dépasse celui des opérationnels (infirmières, aides-soignants, médecins). Mais ils constituent, comme dans le reste de la fonction publique, une base syndicale redoutable.

Depuis des années, on nous assure qu’il y aura convergence entre tarifs des hôpitaux publics et hôpitaux privés, mais chaque gouvernement recule devant l’échéance et le gouvernement socialiste, dont cette base syndicale est pourtant l’une des bases politiques, a renvoyé ce projet aux calendes grecques.

Ce qui est moins visible, c’est la dégradation de la santé en France, car pendant longtemps le pays a bénéficié de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde avec des médecins remarquablement formés, notamment à travers l’internat. Mais ceci devient de moins en moins vrai. Nos meilleurs médecins font comme les footballeurs ou les grands artistes : ils émigrent vers des pays plus intelligents sur le plan de la taxation et de l’accueil faits à la réussite, comme la Grande-Bretagne ; ou bien ils partent faire leurs études aux États-Unis et y restent.

La propagande syndicale veut encore nous faire croire que la santé est un point fort en France, en s’appuyant sur la durée moyenne de vie ; mais c’est un indice comme un autre, dont d’ailleurs l’amélioration a été pendant longtemps davantage due à la réduction de la mortalité infantile qu’à l’allongement de l’espérance de vie. Cette durée de vie est moins élevée aux États-Unis du fait de l’immigration, et des habitudes alimentaires conduisant à l’obésité et aux maladies qui en découlent.

Quelles alternatives à la politique de santé française ?

Pays Bas rené le honzecC’est pourquoi il nous a paru important, au sein d’IMPACTENT1, de faire le point des politiques de santé en France et de montrer qu’il existe une alternative à continuer de poser des rustines sur un système parvenu à bout de souffle, que d’autres pays, affrontant les mêmes défis, ont eu le courage politique d’opérer des réformes fondamentales.

Les regards se portent souvent sur des pays comme la Nouvelle-Zélande, mais c’est un pays de 4,5 millions d’habitants, situé aux antipodes, dont ni la culture, ni la superficie, ni l’économie ne trouvent leur transposition en France. Nous aurions pu aussi prendre comme modèle la Suisse dont le système est très performant, mais la Suisse, bien qu’étant un pays moins petit que la Nouvelle-Zélande, est très loin de la France par son niveau de développement économique, son PIB par habitant étant d’environ 82.000 $ contre 44.000 pour la France. Nous aurions aussi pu prendre comme modèle l’Allemagne, mais le modèle allemand est complexe du fait de l’existence des Länder.

C’est à Gérard Dosogne que nous devons de pouvoir présenter le modèle néerlandais ; il maîtrise cette langue difficile et a donc pu s’alimenter aux sources. L’avantage du modèle néerlandais, comme les développements dans cette rubrique le montreront, est qu’il s’agit d’un pays davantage comparable à la France (population 17 millions contre 63), qui garde de son implantation au cœur de l’Europe des attaches historiques profondes avec notre pays.

D’un système avec payeur centralisé identique à celui de la CNAM, il a su faire sa mutation en un pays à payeurs multiples, condition d’un marché concurrentiel de la fourniture de soins, elle-même condition de l’amélioration de leur efficacité. Mais il a su le faire en évitant les excès que l’on attribue à la concurrence sauvage en canalisant cette concurrence, en protégeant les plus faibles et en recentrant l’État sur son rôle de contrôle.

Résultats aujourd’hui :

  • Le régime de santé des Pays-Bas est repassé à l’équilibre financier et est même bénéficiaire ;
  • Pourtant, la libération du carcan du payeur unique s’est traduite par une augmentation des dépenses totales de santé par habitant et donc de l’emploi ;
  • Les Hollandais sont en tête de la qualité européenne des soins, au classement Eurohealth Consumer Index 2013, devant la Suisse et loin devant la France ;
  • Et les enquêtes OCDE annoncent près de 10% de besoins insatisfaits pour les plus pauvres en France en 2011 contre environ 2% aux Pays-Bas, donc un système hollandais beaucoup plus égalitaire que le français.

Équilibre financier, libération des besoins de santé, qualité des soins, système plus égalitaire, qu’attendons-nous pour copier le système hollandais et rendre notre système de santé beaucoup plus efficace par l’introduction de payeurs multiples au lieu d’un payeur unique, même si celui-ci reste le véhicule de paiement pour certaines maladies ou certains publics ?


Sur le web.

  1. IMPACTENT est la dernière association créée par Bernard Zimmern, déjà à l’origine de l’iFRAP, de l’IRDEME ou d’Emploi 2017. Elle est constituée de chefs d’entreprises dégagés de la pression journalière.
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  • est ce que la CMU et l’AME existe aux pays bas ?

    • Les personnes qui n’ont pas les moyens de se payer une assurance privée reçoivent une aide de l’Etat. Ca correspond à peu près à notre CMU et l’AME.

  • Cet article est un peu pauvre… On aurait aimé savoir comment ils font pour « [protéger] les plus faibles et [recentrer] l’État sur son rôle de contrôle. »
    Mais merci quand même.

  • « une réduction de 22.000 soignants dans les hôpitaux ». Ce ne sont évidemment pas ces effectifs qu’il faut réduire. Il le semble avoir lu sur Contrepoints le témoignage d’un professeur de médecine de la Pitié Salpêtrière qui a calculé qu’en 30 ans, le nombre d’administratifs rapporté au nombre de lits avait été multiplié par 15. Mais comme vous le dites, c’est une base syndicale (contrairement peut-être aux soignants qui n’ont pas de temps à perdre…). Là comme ailleurs, on ne pourra réformer qu’en supprimant le financement public des syndicats.

    • C’est ce genre d’argument que nos dirigeants devraient considérer sèrieusement pour la santé publique. Pourquoi payer des administratifs pour se soigner? Les anglais à l’èpoque de Thacher avait dènoncé la dèrive des emplois non mèdicaux dans la NHS par les Labors. Et 25 ans plus tard , la Sècu va à sa perte et les hopitaux sont devenus des administrations en manque des profesionnels.
      Aux pays bas il y a bien une concurrence en place pour baisser les couts sans baisser les prestations. En France les syndicats qui pilotent l’Etat ont choisi la voie des augmentations des prèlèvements, le droit des dèpassements des honoraires que celui de la mise à jour des tarifs, car on a bien tous compris que ce sont que quelques % qui servent finalement à soigner les gens. Les restent ètant les couts des non professionnels de la santé que nous devons payer avant d’ètre soigné. 600 milliads pour le social, un record mondial!

  • Mais aussi, des assurances santé libres et non obligatoires comme le RSI par exemple

  •  » la hollande , l’autre pays du fromage … « 

  • Oh mais l’introduction de payeurs multiple est prévu aussi en France avec la mise en place des mutuelles obligatoires pour tous les salariés. La sécu va progressivement se désengager de certains secteurs, pour les refiles aux complémentaires, sans pour autant réduire ni son déficit, ni ses cotisations. Ça se traduira par un augmentation des cotisations des complémentaires et un gel des honoraires médicaux, ça a déjà commencé avec la mise en place des réseaux de soins, je ne pense pas que la qualité des soins y gagnera.

    • Si on est obligé de prendre une mutuelle ou une assurance privée / publique, alors effectivement, les choses ne vont pas s’améliorer.
      La liberté et la concurrence, elles, ont démontré leur efficacité dans d’autres secteurs essentiels comme le logement et la nourriture (pas en France hein).

  • Les démonstrations, même les meilleures, sont vaines. Il n’y a pas en face des interlocuteurs accessibles à l’intelligence des arguments, avec lesquels il serait possible de débattre, mais des idéologues illuminés en mission. Nulle explication réfléchie, nulle comparaison aussi pertinente soit elle, ne peut les atteindre ni les infléchir. Leur politique est une politique de collectivisation acharnée de tout ce qui se soustrait encore à la sujétion de l’Etat obèse. Evidemment, la santé ne fait pas exception. Elle non plus ne doit pas échapper à cette construction patiente qui, par petites touches, année après année, loi après loi (par dizaines de milliers), hausse des dépenses après hausse des dépenses (58% du PIB désormais directement contrôlé, beaucoup plus indirectement), déficit après déficit (plus de 2 milliers de milliards), réduit à néant la liberté des Français.

    Ils se soucient comme d’une guigne de l’accès aux soins ou de la santé des Français. En s’en prenant au ticket modérateur aujourd’hui, leur projet n’est pas que symbolique. Il s’agit de créer pour demain les conditions de l’étatisation de la santé, de la fonctionnarisation de la médecine.

  • Accouchements á domicile
    Pas d’accès direct au spécialiste
    Skill lab pour former les étudiants à la petite chirurgie et autres actes gynécologiques pose de stérilet, cyto diagnostic
    petite proctologie
    Cela représente un gisement d’économies considérables. J’oubliais l’auto médication que l’on fait avaliser par son médecin.
    J’espère aussi qu’ils sont responsables avec les étrangers qui peuvent repartir dans leur pays se faire soigner

  • Je vis depuis 7 années aux Pays-Bas. Il y a du bien et du moins bien comme partout… Pour l’accès aux spécialistes (commentaire de « Auguste 1939 ») je n’ai jamais eu le moindre soucis tant pour moi que pour mes enfants et cela permet une économie importante car tous ceux qui vont chez leur spécialiste pour une petite toux ou une poussière dans l’œil ..,
    Un point important pour moi et pas abordé ici, est le rapport entre les politiques et les laboratoires pharma. Entre les lobbies des pharma et les conflits d’intérêts, le cout des médicaments en France est un gouffre par rapport aux Pays-Bas ou non seulement la prescription de génériques est très supérieure a la France mais également le prix moyen des génériques est significantly inférieure car le gouvernement qui fait le contrôle qualité-couts s’est assuré de faire baisser les prix par une mise en compétition des génériques. Ce serait immédiatement des milliards d’euros économisés tous les ans. Le seul bemole pourrait être (au conditionnel) les emplois dans ce secteur mais il faut savoir faire des choix politiques ?

    • 1/ L’Industrie Pharmaceutique est un des rares secteurs, en France, à avoir une balance commerciale positive. Il est donc urgent, pour tout bon socialiste qui se respecte, de lui faire faire faillite.

      2/ En France, les prix des médicaments remboursables sont fixés par le CEPS (structure étatique). Les LFSS fixent l’ONDAM Médicament, et si les laboratoires le dépasse, ils sont très lourdement taxés (de l’ordre de 50% à 70% du CA qui dépasse).
      C’est donc bien l’Etat qui est ici en cause puisque c’est lui qui tient les rênes.

      3/ Les « prescriptions de génériques » cela ne veut rien dire.
      En France, que le prescripteur prescrive en DCI ou en spécialité princeps, le pharmacien doit vous délivrez le générique s’il existe. Si vous le refusez vous n’êtes remboursé que sur la base du prix du générique et vous n’avez pas le tiers payant.

      4/ En France, c’est l’Etat qui décide fixe les prix des groupes génériques via le CEPS. Tous les génériques remboursables inscrites sur une liste de spécialité générique ont donc l’obligation d’être au même prix. C’est donc exactement la même histoire.

      5/ Les Pays-Bas se contente de fixer, par la force de la loi, des prix qui impliquent une production dans les pays à bas coûts. Leurs politiciens s’en foutent puisqu’il n’y a pas d’industrie pharmaceutique en Hollande.

      6/ Les médicaments c’est 15% de l’ONDAM et 50% des économies de la SS depuis presque 10 ans. Alors faudrait peut-être arrêter de se foutre du monde en racontant n’importe quoi.

  • L’administration, voilà le maillon faible de l’hôpital ou tout du moins le maillon fort voulu pour réduire de manière drastique les dérives financières des anciens « mandarins »….Suppression de lits (en psychiatrie aussi), non remplacement des infirmières et aide-soignantes partant à la retraite….Epuisement des équipes…Arrêts maladie récurrents et ce que l’on sait moins prolongation vers des congés longue maladie voire longue durée encouragés par l’administratif ( sorte de licenciement déguisé)quand les agents arrivent vers 50-55 ans, facilités donnés aux médecins d’aller voir dans le privé, la chirurgie qui devient ambulatoire…à la chaîne avec multiple retours pour complications, mais avec la T2A ( rémunération des hôpitaux à l’acte) que du bonus…Et quand les patients et soignants souffrent, les réunions stratégiques se multiplient, des audits sont demandés en veux-tu en voilà, côutant une paille dont on pourrait se passer…Les cadres soignant ne touchent plus un malade mais des ordinateurs pour planifier….Construction d’un bâtiment administratif tout neuf dans la ville universitaire où je réside…On s’éloigne des malades , ils sont peut-être contagieux….Le syndicalisme n’existe pas au sein de cet administration là ….Mais un grand coup de balai s’impose…Car nous nous dirigeons vers un monde à la Brazil du génial Gillian …….

  • le système de santé hollandais est loin d’être parfait (il est vrai qu’il n’existe pas de système de santé parfait). de plus, il est très réglementé (il est bcp trop réglementé)

  • il n’existe pas de système de santé qui soit parfait mais s’il y a un modèle de santé à suivre c’est celui de singapour (et non pas celui des pays bas). http://accessh.org/wp-content/uploads/2014/08/affordable-excellence-French.pdf

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