Autriche et Gazprom : un amour durable

Malgré ses déclarations « écologiques », l’Autriche assure son avenir en menant avec la Russie une politique gazière très active.

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Gazprom Credit Thawt Hawthje (Creative Commons)

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Autriche et Gazprom : un amour durable

Publié le 28 décembre 2014
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Par Michel Gay1

Gazprom Credit Thawt Hawthje (Creative Commons)

L’Autriche de l’énergie a deux visages :

  • d’un coté, c’est un pays misant sur les énergies renouvelables et qui déclare viser pour 2050 l’indépendance énergétique grâce à ces énergies,
  • de l’autre, ce pays sécurise son approvisionnement en gaz russe et il souhaite jouer un rôle majeur dans le commerce du gaz au sud de l’Europe. Par l’intermédiaire de sa compagnie nationale autrichienne d’hydrocarbures (OMV), l’Autriche tisse des relations privilégiées avec Gazprom, la compagnie russe de gaz. Le but de ce partenariat n’est pas du tout la fin de l’usage des combustibles fossiles.

Le pays se présente volontiers comme  un champion des énergies renouvelables en Europe. Son succès est indéniable dans ce domaine. Plus du tiers de son énergie est issu des renouvelables (presque trois fois mieux que les Allemands malgré leur tonitruant « tournant énergétique »). Et le prix de l’électricité pour les ménages (18,6c€/kWh) est un tiers moins cher que chez les Allemands (25,6c€/kWh), mais 50% plus cher qu’en France2. De plus, ses importations de pétrole ont diminué.

Certes, l’Autriche a de hautes montagnes (électricité hydraulique), de grandes forêts qui couvrent près de la moitié de son territoire (chauffage bois et électricité) et sa population n’est que de 8,5 millions d’habitants (sa densité de population est comparable à celle de la France et à la moitié de celle de l’Allemagne).

Mais, en pleine crise ukrainienne, lors d’une visite de Poutine à Vienne en juin 2014, l’OMV signe avec Gazprom un accord majeur consacrant l’Autriche comme terminal du gazoduc South Stream, construit expressément pour se passer des gazoducs passant par l’Ukraine. L’Autriche fait preuve d’une grande compréhension politique, qui ne date pas d’hier, envers la Russie, et elle entretient des liens étroits et durables avec Gazprom. L’OMV, a une stratégie à long terme (ses dirigeants parlent volontiers de cinquante ans), et, malgré ses déclarations, elle n’a pas pour idéal de se passer des hydrocarbures, et notamment du gaz.

L’Autriche prépare ainsi son avenir car, malgré ses déclarations écologiques et sa volonté d’indépendance énergétique, elle a atteint ses limites en matière de production d’énergies renouvelables. Ces dernières ont certes représenté 34%, mais le pétrole (34%), le gaz (22%) et le charbon (10%) ont encore constitué 66% de sa consommation totale d’énergie et son taux d’indépendance énergétique n’est toujours que de 36% (il est de 50% en France).

  • L’hydroélectricité n’a guère évolué en 10 ans et les sites favorables sont déjà exploités. Cette production n’augmentera plus significativement.
  • La production d’énergie de la biomasse (bois, biogaz et biocarburants) a presque doublé en dix ans. Mais la forêt autrichienne est maintenant exploitée à 85% de sa production de bois, ce qui laisse peu de marge de croissance. La production de biomasse agricole et son rendement atteignent aussi leur plafond pour fabriquer le biogaz et les biocarburants. Déjà des productions agricoles doivent être importées. La majorité du colza pour le biodiesel vient de Hongrie et de Slovaquie.

Quant à l’éolien et au solaire, il est peu développé car l’Autriche n’est ni un pays venté, ni ensoleillé, et les coûts de production de ces énergies aléatoires et intermittentes sont encore plus chers qu’en Allemagne.

Conclusion

En dix ans, par une gestion efficace de ses ressources naturelles, l’Autriche a porté la part des renouvelables à plus d’un tiers du total dans son mix énergétique. Cette situation a fait naître chez certains de faux espoirs d’une autarcie énergétique à l’horizon 2050. Cependant, les ressources nationales en biomasse et en hydroélectricité sont proches de leurs limites et cette proportion ne variera quasiment plus.

En réalité, malgré ses déclarations « écologiques », l’Autriche assure son avenir en menant avec la Russie une politique gazière très active qui lui permettra de conserver des sources importantes d’approvisionnement en gaz naturel et de devenir un répartiteur du gaz (de Gazprom) dans le sud de l’Europe.

Cet amour durable que l’Autriche voue à Gazprom ne va pas dans le sens de la fin du recours aux énergies fossiles.

  1. Inspiré directement par la Newsletter n°45 de Géopolitique de l’Électricité du 23 octobre 2014.
  2. Chiffres et statistiques n° 461 de novembre 2013 du Commissariat général au développement durable.
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  • Apparemment, vous n’avez pas remarqué que South Stream est mort et enterré ?

  • Voila un exemple où l’Europe actuelle a échouée : la politique énergétique. Probablement la faute à la Russie de Poutine…

  • projet arrete par Poutine le 01/12/2014… Tellement plein de bon sens ces Autrichiens…

  • C’est une ode au planisme, au cronyisme et a Gazprom ? Je n’ai pas du tout compri l’intérêt de cet article, il n’apporte rien de scientifique ou technique et rien de libéral. Le marché énergétique de l’Autriche ne semble pas plus libéral que celui des autres pays et on ne parle d’aucune innovation technique dans la production d’électricité.

    L’Auteur ne semble pas comprendre ce qu’est « un bon mix énergétique », un bon mix énergétique c’est celui qui résulte d’un marché libre et pas celui décidé par des technocrates, qu’il soient pro-renouvelable ou pro-fossiles comme l’Auteur.

    Sinon j’aimerais qu’on me décrive ce qu’est le « taux d’indépendance énergétique » en des termes non démagogiques. Sinon niveau indépendance un pays qui n’a pas ou peut de nucléaire semble mal parti d’avance.

    Alors, pourquoi cet article et pourquoi l’Autriche ?

  • Les commentaires sont fermés.

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