Le dernier des Neandertals

Comment et pourquoi l’homme de Neandertal a-t-il disparu ?

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neandertal credits paolo c. (licence creative commons)

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Le dernier des Neandertals

Publié le 5 septembre 2014
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Par Guillaume Nicoulaud.

neandertal credits paolo c. (licence creative commons)

Il y a environ 28 000 ans, au pied du rocher de Gibraltar, le dernier groupe de Neandertal connu s’éteignait définitivement. Ça faisait, à vrai dire, un moment que nos cousins n’étaient pas en très grande forme : on considère aujourd’hui que leur espèce avait déjà pratiquement disparu d’Europe il y a pas moins de 40 000 ans.

Pourtant, Neandertal n’était ni l’imbécile pour lequel on a voulu le faire passer ni une chiffe molle. En plusieurs centaines de milliers d’années, il avait appris à fabriquer des outils et il s’était parfaitement adapté aux rigueurs climatiques d’Europe et d’Asie. Mais cette fois-ci, c’était bel et bien la fin, et cette fin coïncidait avec deux événements majeurs dans l’environnement de Neandertal. Le premier, c’est une période de changements climatiques particulièrement intenses qui pourraient être à l’origine de la disparition de la mégafaune – les mammouths laineux entre autres – qui composaient la base de l’alimentation de notre cousin. Le second, c’est notre arrivée.

Nous, c’est Homo Sapiens. Nous avons quitté notre Afrique de l’est natale, le berceau commun du genre Homo, il y a une bonne centaine de milliers d’années – soit plusieurs centaines de milliers d’années après les ancêtres de Neandertal. Nous avons traversé le Sinaï, colonisé le Moyen-Orient puis l’Asie du sud et, enfin, il y a environ 45 000 ans, nous avons commencé à nous installer en Europe.

Le fait est que, dans une période de stress alimentaire lié à la disparition des proies de grande taille, nous avions un avantage décisif à faire valoir face à notre cousin : il était petit, trapu et particulièrement glouton ; nous étions grands, légers et bien plus économes en énergie1. Pour autant, cette différence ne suffit sans doute pas à expliquer l’extinction de Neandertal. Il faut bien se rendre à l’évidence : nous avons probablement une part de responsabilité dans son funeste sort.

Alors évidemment, on pense immédiatement à tout un tas de choses abominables : nous aurions amené avec nous des maladies auxquelles Neandertal n’était pas préparé, nous lui aurions fait une concurrence déloyale lors de nos chasses ou, pire encore, nous aurions purement et simplement éliminé physiquement un concurrent dans un monde de ressources qui se raréfient.

neandertal René Le HonzecSeulement voilà, il y a une hypothèse bien plus sympathique qui, depuis quelques années, semble de plus en plus probable : il est fort possible qu’au lieu de se faire la guerre, Homo Sapiens et Neandertal aient fait des enfants.

Comment le sait-on ? Eh bien figurez-vous que notre génome est composé de 1 à 4% d’ADN Neandertal et qu’en mettant ces fragments bout à bout, on peut retrouver un bon cinquième du patrimoine génétique de notre cousin disparu. Mieux encore, on retrouve cette part de Neandertal chez tous les Homos Sapiens modernes à l’exception de ceux d’entre nous qui descendent de familles africaines ; c’est-à-dire de cette partie de l’humanité qui n’a jamais (ou que très tardivement) quitté le berceau originel et n’a donc jamais croisé Neandertal.

Nous n’avons, bien sûr, aucune certitude en la matière, mais il est très probable que ce soit à Neandertal que les Asiatiques comme les Européens doivent leur peaux claires, leurs cheveux fins et, d’une manière générale, une adaptation rapide et réussie aux conditions climatiques rigoureuses de nos contrées.

Un héritage de 4% d’ADN, me direz-vous, ça ne fait pas grand-chose. Sauf qu’il faut bien mesurer que quand papa Neandertal a rencontré maman Homo Sapiens, près de 500 000 années d’évolution les séparaient de telle sorte qu’ils étaient à la limite de la compatibilité biologique. Nous avons donc sans doute récupéré ce qui était utile tandis que la sélection naturelle s’est chargée de nous débarrasser de ce qui, chez notre parent Neandertal, nous faisait plus de mal que de bien.

Bref, Neandertal n’aurait pas vraiment disparu ; il aurait été comme absorbé par Homo Sapiens.


Sur le web 

  1. Neandertal consommait jusqu’à 5 000 calories par jours là où un mâle Homo Sapiens moyen maintenait son poids avec 2 500 calories.
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  • Tout est bien qui finit bien 😀
    Le fait que nos amis sub-sahariens n’aient pas de lien avec Néandertal est à la fois curieux et intéressant, faudrait voir en quoi ça nous différencie en dehors de la clareté de la peau ^^ »

  • Neandertal est né où, à l’origine ?

    • Si Homo sapiens a quitté l’Afrique natal de l’Est, d’où venait Neandertal ?

      • effectivement,excellente question…quant à affirmer que le sapiens (ou ses ancetres)viendrait d’afrique de l’est,la polémique est close(coppens a reconnu son hypothèse fragile)

        • Néophyte sur le sujet, me demande : La dérive des continents étant bien avancée, qu »est-ce qui nous prouve que des hominidés n’aient pas émergé en Amérique du sud aussi et par exemple, dont on n’aurait pas retrouvé de trace par manque de fouilles mais aussi compte tenu de conditions climatiques peu favorables à la conservation de fossiles ? Après tout, on retrouve d’autres espèces, d’autre mammifères ayant évolués un peu différemment mais présents sur tous les continents, non ?
          Comment savoir ou dire que le félin est né à tel endroit, par exemple.

      • sandhom,
        Neandertal est devenu Neandertal en Europe et en Asie mais ses ancêtres, comme les nôtres, sont des émigrés africains (la formule polémique est volontaire) qui ont simplement débarqué en Eurasie un demi-million d’années plus tôt.

        • Pourquoi polémique ?
          C’est bien aussi l’Afrique. Simplement, me demandait si plusieurs hominidés avaient pu émerger dans le monde, certains évoluant, « fusionnant » et d’autres disparaissant, comme d’autres mammifères.

    • bonsoir sandhom ,il est né en Europe.

  • Oui, il y a eu hybridation entre les Neandertal et les Sapiens. Non, ça ne signifie absolument pas que les populations aient fusionné. D’ailleurs, les études montrent que cette hybridation c’est toujours déroulé dans un seul sens : des femmes néandertaliennes ont été fécondées par des hommes sapiens. Jamais l’inverse. Il y a bien eu un remplacement de population, tout comme il y a eu un remplacement de population en Europe au néolithique.

    • C’est en réalité l’inverse qui s’est passé : des femmes Homo sapiens sapiens ont été fécondées par des néandertaliens et la descendance était fertile, ce qui explique la présence de gènes de néandertaliens dans notre ADN nucléaire. Par contre on n’a jamais pu mettre en évidence de caractères néandertalien dans l’ADN mitochondrial de l’homme actuel européen. Cet ADN est en effet transmis seulement par la femme car il se trouve dans les mitochondries de l’ovocyte. De là à dire que la descendance issue de l’accouplement entre un H. sapiens sapiens mâle et une femelle néandertalienne était stérile, il n’y a qu’un pas à franchir qui pourrait expliquer en partie seulement la disparition de ces cousins éloignés de l’homme moderne.

      • Je revenais pour écrire un erratum. Trop tard.

        Je rajoute qu’un papier a mis en évidence la probable stérilité des hybrides males : http://genetics.med.harvard.edu/reich/Reich_Lab/Welcome_files/2014_Sankararaman_Nature.pdf

        Sur l’adn mitochondiral :
        http://www.hypothesisjournal.com/wp-content/uploads/2011/09/vol9no1-hj001.pdf

        Sur les contraintes que la répartition des gènes néandertaliens dans la population globale fait poser sur la date et l’endroit des échanges : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20448178

        Je persiste et signe pour dire que la présence d’adn néandertalien chez nous ne signifie absolument pas que les sapiens aient gentiment absorbé les populations de néandertaliens.

        • Merci pour les liens (je connaissais la note de Nature) qui me font penser à une autre hypothèse qui a probablement été envisagée : quand on procède à l’insémination d’une femme avec du sperme de bonobo, il y a un début de grossesse qui n’arrive jamais à terme pour des raisons d’immuno-incompatibilité et vice-versa dans le cas de l’insémination d’une femelle bonobo avec du sperme humain. L’expérience a été tentée par les armées des pays satellites de l’ex URSS dans les années 70 pour produire des sous-hommes constituant une excellente chair à canons, mais on n’en a jamais trop parlé. Il se pourrait donc que pour des raisons non encore identifiées, ce cas de figure puisse avoir eu lieu entre néandertaliens et H. sapiens sapiens privilégiant de fait la descendance femelle issue du croisement entre un mâle néandertalien et une femme H. sapiens sapiens. On peut en effet invoquer toutes sortes de raisons très certainement immunologiques …

          • Roh messieurs, vous cherchez compliqué. D’un côté y avait sapiens, coureur, mangeant des racines, résistant à la chaleur. De l’autre Neandertal, gros, gourmet ( de bonne viande), bon chasseurs, avec le réchauffement climatiques 2 hp: soit ils ont suivis leurs gibiers et ont disparu peu à peu soit il est vrai que femmes sapiens et néandertales intelligentes se sont dit qu’on pouvait faire un truc sympa à 2, du genre un gibier mijoté avec des racines en accompagnement. Oui j’aime bien cette deuxième hypothèse. Quand à savoir qui est allé vers l’autre, franchement c’est chercher la petite bête!

    • Et comme il y a un remplacement de population en Europe de l’Ouest actuellement, les mêmes causes ayant les mêmes effets.

  • L’amour est la meilleure solution, toujours 🙂

    • Elle a raison : « make love not war ».

    • J’ai ouï dire qu’un homme de Néantoutcourt regrettait son histoire avec une femelle CaPiaille CaPiaille ; loin de tomber, les crochets de leurs atomes seraient devenus crocs !
      Mais, peut-être n’était-ce pas de l’amour ?

  • Un scoop, on aurait retrouvé des spécimens vivants dans les sous-sol d’un certain immeuble à Paris, place du Colonel-Fabien dans le 19e arrondissement.

  • Article charmant. L’etude confirmant ce que le bon sens nous chuchotait deja depuis longtemps. La meme correlation suggere une disparition prochaine des socialistes du territoire Francais. Pourvu qu’ils ne se reproduisent pas avec le FN !…

  • ou bien tout simplement le rythme de reproduction des femmes Sapiens était légèrement supérieur à celui des femmes Neanderthal, ce qui statistiquement suffit à éliminer toute descendance femelle N ( pour répondre à jacqueshenry le 5 septembre 2014 à 11 h 42 min).
    Quelque % suffisent à faire la différence.

  • J’me disais bien que certains de mes congénères avaient le front bien bas… et la violence assez primitive !

  • Et donc, les cro-magnon-facho-libertariens se sont imposés. 🙂

  • §

    Il faut aussi considérer que l’Homme de ces époques est cannibale.

  • En toute amitié pour l’auteur de l’article, je crains que la phrase « notre génome est composé de 1 à 4% d’ADN Neandertal » n’ait aucune signification.

  • Les commentaires sont fermés.

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