Bourse : ce triste capitalisme à la française

La stratégie des poids lourds du CAC 40, en particulier semi-publics, laisse beaucoup à désirer et doit pousser les investisseurs à s’interroger.

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Bourse : ce triste capitalisme à la française

Publié le 24 mai 2014
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Un article du site L’Investisseur Français.

Christophe de Margerie, PDG de Total (Crédits : World Economic Forum, licence Creative Commons)
Christophe de Margerie, PDG de Total

Total

Chez Total, on s’obstine à distribuer un dividende supérieur au cash flow disponible.

Les marges et les retours sur capitaux investis diminuent sans cesse, mais qu’importe : la compagnie s’endette pour maintenir l’aberration.

Le management – véritable armée mexicaine – perpétue une longue tradition d’allocation du capital déficiente : quand il ne dilapide pas ce dernier en distributions excessives et fiscalement désavantageuses, il acquiert à prix délirant (SunPower).

Orange

Orange distribue aussi un dividende supérieur à son free cash flow. Bien décidé à traire la vache – jusqu’à la sécheresse finale ? – l’État ne laisse au management aucune latitude opérationnelle (reconnaissons toutefois à Stéphane Richard le mérite d’avoir essayé).

Le contexte européen est particulier : l’industrie des télécoms est lourdement régulée, sans possibilités de marges ; avec des coûts de maintenance des infrastructures et du personnel parfaitement prohibitifs, la menace d’étranglement est permanente.

Orange se retrouve contraint de chasser la croissance à l’étranger (seul échappatoire), plus spécifiquement sur des marchés où le risque politique et économique est maximal.

GDF Suez

Chez GDF Suez, le dividende est à peine couvert par le free cash flow – mais l’entreprise est peut-être l’exemple le plus grotesque de sabotage étatique d’une affaire initialement brillante, car monopolistique et à très hauts retours sur capitaux.

Le management s’est rendu prisonnier d’une structure de coûts absurde (les contrats d’approvisionnements courent sur vingt ans et ont été signés au plus mauvais moment), le risque de marché est permanent (le prix du gaz est contrôlé par le gouvernement en place), et la quête de la croissance à tout prix aura conduit à un double désastre : l’acquisition de Suez (surpayée dix fois) puis celle d’International Power (surpayée trois fois – on saluera quand même le progrès réalisé !)

Si d’aventure on voulait décerner la médaille d’or de la destruction de valeur, la direction de GDF Suez s’annoncerait comme un lauréat de choix.

Veolia

Chez Veolia, la catastrophe vire à la caricature : même avec un levier conséquent, les retours sur capitaux propres demeurent inférieurs à ceux d’un livret A.

Une sur-diversification sans queue ni tête des activités couplée à un endettement excessif (la dette est plus de vingt fois supérieure au cash flow disponible !) ne laisseront à terme que deux options : un appel au marché (et avec lui, une dilution potentiellement létale pour les actionnaires historiques) ou bien des cessions d’actifs, ultimes bouffées d’oxygène désespérées pour refinancer la dette (à un taux inévitablement plus élevé).

Indice : au dernier repaiement, le cash flow disponible a été divisé par deux sur l’exercice suivant. Traduction : pour rembourser ses créanciers, Veolia a cédé son (ses) activité(s) parmi la (les) plus profitable(s).

Vendre les joyaux de la couronne pour durer : c’est la stratégie de l’apnée. À quand l’asphyxie?

Comme le rappelle le bon mot de la sagesse boursière : plus d’argent a été perdu à la poursuite d’un dividende qu’au bout portant d’une arme à feu.

Plus d’un bon père de famille en perdrait le sommeil.

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  • Comprends pas bien la critique sur TOTAL : ils avaient acheté Sunpower à environ 20 ou 22 dollars l’action. Elle est à 30 ou 32 dollars aujourd’hui. C’est quoi le prix délirant ? Vrai, Sunpower avait fort baissé un temps. Mais avec le recul, c’est pas mal quand même.

    • Avec TOTAL, faut pas trop chercher à comprendre (ou c’est moins qui suis bouché – ce qui est possibe).

      La cote de TOTAL a atteint son plus bas en fin d’été 2011, alors que son résultat net était au max fin 2011 (50% supérieur à 2013). Et la cote a progressé de 50% depuis malgré la baisse en sens inverse du bénéfice par action !

      Pour Sunpower, la cote a triplé sur la période ! C’était à priori une bêtise de le racheter à ce prix mais ils ont fait une bonne affaire.

      Sinon, pour la critique générale de TOTAL, ils n’ont pas totalement tort il me semble. Mais il faut voir que « L’investisseur français » VEND des analyses à long terme. Mais dans le secteur de l’énergie, les cours sont à peu près n’importe quoi, la visibilité nulle entre les élucubrations écologistes, les politiques étatistes stupides d’orientation stratégiques et de prix fixés, les QE et autres joyeusétés, la crise qui affecte la demande (surcapacité de raffinage chez TOTAL).

      Cependant, il est compréhensible que les investissements dans les petites sociétés soient spéculatifs, mais sur un monstre comme TOTAL, je ne comprends pas la sous-cote passée et l’apparente sur-cote actuelle. Je pense que les annonces de la BCE nous font entrer dans une bulle.

  • Pour Total l’ auteur oublie les sables bitumeux au Canada je ne me souviens plus de la perte qui est importante j’ estime que ce groupe est bien dirigé , l’ action est surcoté ? non, mais les bourses peuve s’ applatir ….
    Suez surpayé x 10 ? ah bon !
    Un article qui laisse à désirer

    • Le problème des analyses sur le long terme, c’est qu’il faut attendre le long terme pour juger.

      Le problème des articles de Contrepoints écrits par des « experts financiers », c’est qu’ils viennent se faire connaitre pour nous vendre leur expertise (au mieux) ou leurs produits (au pire).

      La question des dividendes présente un intérêt pour la réflexion sur l’économie et est d’actualité car évoquée par le grand moulin à vent du ministère de l’économie. Mais je trouve de ce fait l’article oportuniste. (Sans porter de jugement sur l’opinion exprimée quant aux valeurs citées).

      Pour le bien fondé de la stratégie des poids lourds « semi-publics », la réponse est implicite avec le terme « public ». Mais il serait intéressant de développer, décortiquer la volonté et l’intervention du politique, ses erreurs et les conséquences.

  • Super article. Enfin des gens qui comprennent que la bourse, c’est pas des dividendes.
    Évidement que Total a surpayé Sunpower ! N’importe qui fait des panneaux solaires, Total achète ça à 20 fois les profits. Le cours d’aujourd’hui, c’est encore plus du délire.

    Suez a évidemment été surpayée : y a qu’à regarder le cours avant Suez, 45 euros, et le cours aujourd’hui : la différence, c’est la valeur ajoutée du Suez à GDF Suez. Négatif ! Super bons les super managers payés des millions pour ruiner leur boîte. Faudrait qu’on me paie pareil à ne rien faire : je serais moins nuisible que ces nuls.

    J’ai vu que ces gens vendent des choses, mais si vous allez voir ce qu’ils écrivent sur leur site, y a pleins de trucs gratuits que j’ai trouvé géniaux. Y a largement de quoi se faire un bon portefeuille sans payer un rond : je me demande bien ce que doit être le contenu payant vu ce qu’on a dans le gratuit. J’ai jamais vu un aussi bon site sur l’investissement et la bourse.

  • Les commentaires sont fermés.

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