Le grand mythe de l’investissement public

Une nouvelle étude suggère qu’il n’existe en réalité aucune corrélation positive entre croissance économique et dépenses d’investissement public, quelle que soit leur nature.

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Le grand mythe de l’investissement public

Publié le 7 avril 2014
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Par Alex Korbel.

Compte tenu des problèmes actuels des États européens, il est difficile de nier que les pays dotés de grands secteurs publics ont un problème de croissance économique. Si l’État grossit trop, il évince l’activité privée et étouffe l’économie par les deux mains de la fiscalité et de la bureaucratie.

Bien que la plupart des économistes acceptent de dire qu’il existe une corrélation négative entre la taille du gouvernement et la croissance économique, beaucoup s’empressent de nuancer en ajoutant que si les dépenses de l’État sont axées sur l’investissement plutôt que sur la consommation, elles peuvent avoir un effet positif sur la croissance économique.

Ici, l’hypothèse implicite est que les dépenses de l’État ne sont ni « bonnes », ni « mauvaises ». Tout dépend de comment l’État dépense son argent (ou plutôt l’argent qu’il a levé ou emprunté sous forme d’impôt ou de dette).

 

Les « bonnes » dépenses publiques existent-elles ?

Une nouvelle étude publiée par le Centre for Policy Studies, suggère que cette hypothèse est infondée et qu’il n’existe en réalité aucune corrélation positive entre croissance économique et dépenses d’investissement public, quelle que soit leur nature.

Le périmètre de cette étude est particulièrement intéressant puisqu’elle s’intéresse à 19 pays européens de l’OCDE sur une période de 15 ans, de 1996 à 2011.

Son premier constat est plutôt surprenant : les dépenses de l’État liées à ses pouvoirs régaliens (justice, défense, ordre public) sont complétement éclipsées par d’autres activités. En moyenne, 38 % des dépenses des États sont affectées à la sécurité sociale, 19 % aux fonctions régaliennes, 15 % à la santé, 12 % à l’instruction, et 10 % aux subventions et infrastructures.

L’augmentation du poids de l’État que nous vivons depuis un siècle provient de l’accroissement du contrôle étatique dans tous ces secteurs qui ne sont pas régaliens. L’étude souhaite alors vérifier qu’il y a une relation empirique entre les différents types de dépenses publiques et la croissance économique.

La réponse apportée par l’étude va surprendre plus d’un lecteur. Difficile en effet de distinguer entre « bonnes » et « mauvaises » dépenses de l’État. En dehors des dépenses publiques liées aux pouvoirs régaliens, à peu près toutes les dépenses de l’État ont un impact neutre ou négatif sur la croissance.

Le domaine de l’instruction est le seul à être neutre. Les États peuvent y investir plus ou moins, l’impact sur la croissance économique reste statistiquement neutre. En d’autres termes, donner plus d’argent à l’éducation nationale n’a aucun effet sur la croissance économique.

En ce qui concerne les autres secteurs de dépenses de l’État, l’effet sur la croissance est négatif.

En matière de santé par exemple, plus les dépenses de l’État augmentent, moins on a de croissance économique. L’étude estime qu’une réduction des ressources consacrées aux dépenses publiques de santé de 0,5 % permettrait d’accroitre la croissance économique de 0,4 % par an.

Pour les dépenses de sécurité sociale, l’effet négatif sur la croissance est encore plus prononcé. L’argent que l’État dépense pour les frais de maladie, d’invalidité, de retraite, pour les allocations familiales, le chômage et le logement tue la croissance. Pour chaque point de pourcentage supplémentaire du PIB consacré à un des éléments de la sécurité sociale, la croissance annuelle du PIB est inférieure de 0,2 %.

Les dépenses de l’État liées à l’instruction, la santé ou la sécurité sociale ne font donc pas grandir notre économie plus rapidement.

 

Et les infrastructures ?

Quid des dépenses publiques en infrastructures ? À Paris comme à Bruxelles, celles-ci ont la réputation de stimuler la croissance économique. Mais qu’en est-il vraiment ?

L’étude souligne qu’en « comparant la moyenne des dépenses d’infrastructure routière des 19 pays européens sur la période 1996-2010, on ne trouve aucune preuve de l’existence d’une corrélation avec la croissance moyenne du PIB réel […]Le coefficient de corrélation calculé entre la moyenne des dépenses en infrastructures routières en proportion du PIB et la croissance moyenne du PIB réel pour chaque pays sur la période analysée est de -0,066 % ».

La politique des grands travaux  n’est donc pas le remède miracle que beaucoup de politiciens et de hauts fonctionnaires nous vendent depuis des décennies.

L’étude prête cependant le flanc à quelques critiques.

Tout d’abord, corrélation n’est pas causalité. Il est ainsi possible qu’une hausse des dépenses de l’État dans le domaine de la santé et qu’une baisse de la croissance économique surviennent en même temps sans qu’il y ait de lien entre les deux. Une autre critique serait de dire que mesurer l’impact des dépenses agrégées d’instruction n’est pas une approche assez fine : quid de la distinction et des différents impacts entre l’investissement dans de meilleurs enseignants et l’investissement dans de nouvelles salles d’école ?

Cela dit, la conclusion générale de l’étude est plus que plausible : l’État ne peut pas encourager la croissance économique en s’accaparant plus de ressources pour lui-même. L’échange volontaire est le meilleur moyen d’allouer des ressources. La dépense publique, en distordant le mécanisme des prix, sape également les incitations disciplinant le marché ce qui aboutit nécessairement à l’affaiblissement du potentiel de l’économie d’un pays.

Cette étude démontre qu’il n’existe pas de relation entre les principaux secteurs de dépenses publiques et la croissance du PIB réel. Plus grande est la taille de l’État, moins prospère est la société.

Si plausibles que soient ces résultats, il est utile de diffuser ces faits face à l’incessante rhétorique politique demandant plus de dépenses de l’État  – déguisées en « investissements publics » – pour stimuler l’économie.  Ce n’est pas forcément ce que les chiffres montrent.

Article originel publié le 3 avril 2014 sur 24hgold.com – Sur le web

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  • A priori un investissement doit pouvoir être rentable qu’il soit d’origine privée ou publique . Ce qui fait la croissance est surtout lié à la pertinence des investissements ( à court , moyen et long terme).Pour le public le problème vient de l’absence d’évaluation sérieuse de l’efficacité et de prise en compte des constats d’inefficacité.L’irresponsabilité des managers du public ( ils ne sont pas jugés sur leur performance) est aussi une cause majeure. En conclusion, le problème est davantage lié à la gouvernance, par nature meilleure dans le privé du fait de la sanction économique la plupart du temps.

    • Je pense qu’il faut avoir quand même une vision plus globale, au lieu d’une vision purement statistique.

      Il faut, je pense, un minimum de solidarité pour les plus nécessiteux, la difficulté étant de bien jauger la chose pour ne pas la rendre trop attractive sans pour autant la rendre inutile (ce qui serait alors une dépense sans interet).
      Il est entendu que ce type de dépenses est directement prélevés sur la croissance, donc automatiquement, ça limite la croissance du pays. Mais c’est comme pour une entreprise, le but n’est pas forcément de ne jamais lacher le moindre centime pour tout engranger. Le but c’est surtout de dépenser de manière mesuré pour qu’il reste suffisamment de marge pour fonctionner.
      C’est tout l’enjeu actuel, non pas supprimé les dépenses publics non régaliennes, mais remettre les dépenses à un niveau suffisamment bas pour être excédentaire.

      • « un minimum de solidarité pour les plus nécessiteux » : le problème arrive lorsque la solidarité crée les nécessiteux, qui seraient prospères sans cela. Dès que les dépenses sociales sont supérieures à la moitié des dépenses régaliennes (auxquelles il n’y a aucune raison de consacrer plus de 8 ou 10% du PIB), il y a déjà un problème. Voilà un signal d’alerte simple à observer et respecter.

      • Desproges54 : envers les nécessiteux, l’approche statistique et comptable est mauvaise, vous avez raison. Mais une vision plus globale est, hélas tout aussi déshumanisante.

        Il n’y a pas « les plus nécessiteux », mais une foule de gens différents, avec des circonstances diverses, des besoins différents, des attentes et des espoirs divergents… Alléger le sort des pauvres ne peut se faire qu’au cas par cas, ce dont est incapable une administration ou une allocation.

        Ce dont les pauvres ont besoin, c’est d’aide humaine, que ce soit pour oser relever la tête, ou pour passer une mauvaise passe et participer à nouveau au marché, ou encore pour sentir qu’ils sont utiles à autrui. Et il y a une foule de gens qui n’ont pas besoin d’aide : par exemple le hippie du Larzac qui fuit la civilisation marchande a un niveau de vie statistiquement très faible ; vouloir l’aider ou agréger son existence dans une statistique justifiant une allocation, c’est d’ube certaine manière insulter son choix.

        Seuls les vrais gens peuvent alléger le sort des plus nécessiteux : oeuvres caritatives, sociétés de secours mutuel, groupes cultuels, voisinages, familles, ou même un bon samaritain qui passe par là ; n’importe qui fait ce travail mieux que l’Etat

    • Un investissement est toujours risqué. Dès lors, on peut se demander si l’état doit jouer avec l’argent du contribuable et est en mesure de juger du risque quand les décideurs ne sont pas exempts d’incompétence, de corruption et jamais jugés sur leurs résultats.

  • La richesse apparaît grâce à l’échange volontaire. C’est en effet dans ce cadre que l’échange est doublement gagnant, autant pour le vendeur que pour l’acheteur. Lorsque l’échange est contraint, fondamentalement déséquilibré entre les parties, il n’y a pas de création de richesse puisque ce que l’un gagne, l’autre le perd. Pire, l’échange contraint pousse les perdants à la démobilisation économique. Pourquoi persister à travailler si on ne gagne pas ? Dans le même temps, le gagnant gagne de moins en moins car son parasitisme démobilise sa victime. Les régimes de type collectiviste, qu’ils soient esclavagistes, autoritaires, socialistes, communistes, fascistes, étatistes ou socio-démocrates, provoquent systématiquement les mêmes conséquences économiques résultant de l’échange contraint, à savoir une croissance nulle ou négative, le chômage de masse et l’appauvrissement généralisé de la population.

    L’Etat, par nature, impose l’échange contraint. S’il crée une richesse, elle demeure inexorablement minimale quand, par hasard, ses investissements répondent à certains besoins de la population au prix et à la quantité que cette population aurait acceptés volontairement par échange volontaire. Bien que la population utilise les services créés par la force (publique) parce qu’elle n’a pas le choix, rien ne dit qu’elle n’aurait pas plutôt consommé volontairement d’autres services issus d’investissements privés validés par le marché libre.

    Les investissements (ou consommations) publics nécessitent de détruire préalablement d’autres investissements, volontaires car privés. Un investissement (ou une consommation) public ne peut pas créer de richesse supplémentaire. Dans le meilleur des cas, l’Etat se contente de déplacer la richesse existante selon les désirs aléatoires des bureaucrates, mais la plupart du temps, à cause du parasitisme des bureaucrates, il détruit la richesse aux dépens de la population. La démocratie politique ne change rien à l’affaire puisque elle consiste à imposer le diktat de certains groupes sociaux aux autres groupes sociaux. On le voit, même en démocratie politique, l’échange reste contraint. Seule la démocratie économique, qui est la seule véritable démocratie générée par le marché libre, permet l’échange volontaire et la création de richesse.

    Lorsqu’il déborde des fonctions régaliennes, l’Etat devenu obèse est économiquement néfaste car il détruit toujours plus de richesses qu’il n’en crée. C’est ce qui explique pourquoi la croissance est inversement proportionnelle au poids de l’Etat dans l’économie. Passé un certain niveau, la croissance devient négative. Sans alternative, seul le recul du poids l’Etat, jusqu’à limiter l’Etat aux fonctions régaliennes, permettra de retrouver croissance, plein emploi et prospérité.

  • Tous les gens intelligents ont compris depuis belle lurette que la gabegie d’argent public est le seul générateur de croissance, que les masses populeuses de fonctionnaires génèrent une immense valeur ajoutée (jalousée par ces salauds de capitalistes du privé, tout ça parce qu’ils n’ont pas le niveau de passer les très élitistes concours de la Fonction publique).
    Il y a une vague histoire de dette et de pauvreté galopante mais il est évident que cela relève de la propagande ultra-néo-libérale étasunienne. D’ailleurs, circulez dans les couloirs de l’administration, vous ne verrez aucun pauvre.

  • L’État (français) choisi toujours l’embouchure du tonneau des danaïdes pour y verser des sommes gigantesques, vous connaissez le résultat…

  • Non seulement la corrélation n’existe pas, mais en plus, l’investissement est réduit à sa part la plus congrue face aux dépenses du monstre ; à peine 6% du budget cramé alors que les prestations sociales (Retraite + santé) représentent 46% du budget…

    Rapport sur la dépense publique (ce document est précieux, il existe depuis 2008 et fourmille de graphiques à pomper) : http://tinyurl.com/q66ca7p

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