Inégalités salariales : l’effet 35 heures

Le seul élément qui permet de parler d’accroissement des inégalités salariales est directement imputable à la mise en œuvre des 35 heures.

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35 heures (crédits : René Le Honzec/Contrepoints, licence Creative Commons)

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Inégalités salariales : l’effet 35 heures

Publié le 28 janvier 2014
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Par Guillaume Nicoulaud.

En 2000, le salarié français médian gagnait 1311 euros nets par mois 1. Dix ans plus tard, en 2010, il gagnait 1651 euros – soit une progression de 25,9 %. Bien sûr, en corrigeant ces chiffres de l’inflation officielle (un euro de 2000 = 1,189 euro de 2010), la progression est moins spectaculaire : en euros 2010, le salaire net de notre salarié médian est passé de 1559 à 1651 euros (+5,9 %).

Le tableau ci-dessous répète la même opération pour quatre autres seuils de salaire net : le Smic net (en moyenne sur l’année), le seuil du 1er décile (D1), celui du 9ème décile (D9) et celui du 99ème percentile (C99)2.

Voici les données :

Salaires nets
(en euros 2010)

Seuil 2000 2010 %
Smic 1 037 1 056 +1,8%
D1 1 016 1 103 +8,5%
Médiane 1 559 1 651 +5,9%
D9 3 133 3 280 +4,7%
C99 7 447 7 573 +1,7%

 

C’est D1 – le seuil en deçà duquel vous faites partie des 10 % les moins bien payés – qui progresse le plus : +8,5 %. Symétriquement, D9 – le seuil à partir duquel vous faites partie des 10 % les mieux payés – ne progresse que de 4,7 %. C’est-à-dire que l’écart de salaire entre deux salariés théoriques3 qui, en 2000 comme en 2010, touchaient respectivement D1 et D9 s’est réduit.

En 2000, le salarié « riche » (D9) touchait 3,08 fois le salaire du salarié pauvre (D1) ; en 2010, ce rapport n’était plus que de 2,97. Les inégalités de salaire se sont donc réduites.

Vous pouvez faire le même calcul en comparant l’évolution du salaire de notre salarié pauvre à celle des émoluments d’un salarié très riche (C99) : le rapport passe de 7,3 à 6,9. Même conclusion : dans cette zone qui couvre 89 % des salariés français (de D1 à C99), les écarts de salaires se sont réduits.

Restent, bien sûr, les 10 % les moins bien payés – en deçà de D1 – et les 1 % les mieux payés, ceux qui sont au-delà de C99.

imgscan contrepoints 2014619 35 heuresPour les très hauts salaires, je n’ai pas de données mais pour le premier décile, en revanche, on peut considérer qu’en équivalent temps plein, ils sont tous entre le Smic et D1. Or, si ce dernier, nous l’avons vu, a très bien progressé, ce n’est pas le cas du pouvoir d’achat d’un salarié payé au salaire minimum légal : en une décennie, ils n’ont gagné que 1,8 %.

Pourquoi une si faible progression ?

Eh bien parce que le chiffre de 2000 est donné sur une base de 39 heures de travail hebdomadaire ; c’est pour cette raison que D1 lui est inférieur cette année-là : en réalité, avec le passage aux 35 heures, un grand nombre de salariés (plus de 10 %) gagnaient moins de 1037 euros par mois. De fait, sur la période considérée, le taux horaire du Smic net progresse d’environ 13,4 %. C’est-à-dire que la faible progression relative du pouvoir d’achat des salariés payés au Smic est essentiellement due au simple fait qu’on a réduit leurs horaires de travail.

Bref, sauf à considérer qu’il se soit passé quelque chose de très particulier chez les très hauts salaires, le seul élément qui puisse permettre de parler d’accroissement des inégalités salariales est directement imputable à la mise en œuvre des 35 heures.


Sur le web.

  1. Données de l’Insee, en équivalent temps plein, sur l’ensemble des salariés français (métropole + DOM).
  2. Pour mémoire et par définition : 10 % des salariés gagnent moins que le seuil du 1er décile (D1), 50 % gagnent moins que le salaire médian, 90 % gagnent moins que le seuil du 9ème décile (D9) et 99 % gagnent moins que le seuil du 99ème percentile (C99).
  3. Théoriques parce qu’en réalité, en dix ans, la plupart des salariés progressent : à titre personnel, j’étais très nettement en dessous de la médiane en 2000 et, une décennie plus tard, j’étais au-delà du 95ème percentile…
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  • interressant, mais ne pensez vous pas que ces  » pauvres  » salariés, à qui l’on a malencontreusement réduit leurs heures de travail en on profité pour travailler au black à coté de leur vrai boulot, et ainsi améliorer leur pouvoir d’achat ?
    le vrai problème est que durant cette période ( les 15 dernières années ) la hausse des salaires a été mangé par l’augmentation du cout du logement.
    un autre problème est la distortion de concurrence induite par la loi des 35 heures dans la société française, entre les salariés au 35 heures et ceux qui ne l’était pas, mais surtout entre les salariés au 35 heures et ceux qui ne sont pas salariés, mais au contraire susceptible d’embaucher:
    je me suis installé comme agriculteur en 1996, juste avant que cette loi scélérate soit votée, je peut vous certifier que le jour ou je verrais la Aubry se balancer au bout d’ une corde, je n’aurais pas la moindre affliction. à cette époque, je travaillais 70 heures par semaine avec le arcellement de l’administration en plus, ainsi que les quolibets des salariés aux 35 heures ( du moins on s’en doutait ) . toute ma stratégie sur ma ferme à alors été de supprimer le plus possible l’intervention de main d’oeuvre salariales: remplacement de l’inséminateur par un taureau, abandon du labour pour le semi-direct moins dispendieux en temps, autoconstruction, autoréparation, suppression de la traite du dimanche soir et d’une traite sur deux en période de basse production, supression de l’ensilage et optimisation du paturage, j’en passe et des meilleurs…
    pas étonnant que dans un pays pareil, il y ait 5 millions de chomeurs !

    • On investit dans l’instruction pour que ceux qui le peuvent soient plus productifs.
      Puis on taxe leurs revenus et on charge les faibles salaires de sorte à ce qu’ils aient intérêt à bricoler eux-mêmes plutôt que se payer les services de gens moins qualifiés.
      On en conclut évidemment … qu’il faut les empêcher de travailler trop longtemps pour répartir la pénurie.
      Il est évident que la prospérité s’ensuit – son absence ne peut être due qu’à un complot.
      Encore les Juifs…

      • « On investit dans l’instruction pour que ceux qui le peuvent soient plus productifs.
        Puis on taxe leurs revenus et on charge les faibles salaires de sorte à ce qu’ils aient intérêt à bricoler eux-mêmes plutôt que se payer les services de gens moins qualifiés. »
        EXACT.
        Mon expérience personnelle c’est que les cadres ont intérêt à bricoler chez eux pour des boulot de manoeuvres, quitte à prendre quelques RTT, plutôt que de bosser et payer des gens à faire le boulot. C’est débile mais c’est la France actuelle.

    • « le vrai problème est que durant cette période ( les 15 dernières années ) la hausse des salaires a été mangé par l’augmentation du coût du logement. »
      Oui, c’est de l’inflation. C’est conséquence de la subvention du logement.

  • Article très intéressant

    Après avoir lu je me suis demandé si les salaires avaient augmentés dans la même proportion que le PIB.

    D’après wikipédia, en 2000 le PIB était de 1439 Milliards d’euros (1710 en euros de 2010) . En 2010 de 1936 Mds. Cela fait donc une croissance sur dix ans de 13% (après correction de l’inflation).

    Les salaires augmentent donc beaucoup moins vite que le PIB. Je serai donc intéressé de savoir ou va la richesse produite supplémentaire. (retraités ? Professions non salariées ? Etat ?)

    • augmentation du PIB en france entre 2000 et 2013 ? c’est du vent… le jour ou on se penchera vraiment sur le problème, on verra probablement que la seul augmentation était celle de la burocratie !

    • Et l’augmentation de la population ? On s’en vante comme si c’était fabuleux, mais un PIB qui croit de 10% par ans quand la population croit de 20% par an, ça correspond à une richesse pas habitant qui baisse.

    • Il n’y a pas eu de « richesse produite supplémentaire ». C’est pas la peine de se demander où elle est passée, elle n’existe pas.
      Sur les 13 % de PIB officiel en plus
      * 3% sont du vent : le déficit, c’est de la consommation, pas de la production (PIB).
      * 3 à 5 % sont du vent : les services publics coûtent plus cher, mais ne produisent pas un poil de service en plus, même si officiellement ça fait du PIB en plus
      * 7% ont été bouffés par la croissance de la population, passée de 60.5 à 64.6 Millions de 2000 à 2010.

  • les 35 heures ont un bilan plutot négatif. Mais pas catastrophique . Pour moi l’impact le plus fort et durable reste surement la baisse de pouvoir d’achat qui en a été directement liée (et que beaucoup de gens mettent sur le dos de l’euro) et les dégradations des conditions de travail dans de nombreuses entreprises où passer aux 35 heures n’a jamais pu être transposé en création d’emplois simplement du fait des structures et des couts.

    • les 35 heures sont la pire chose qui est arrivée à la nation française depuis la défaite de 40 :

      parmi les salariés, elle coupent ces derniers du monde du travail, leur laissant à penser qu’il s’agit d’un désagrément tout juste utile à obtenir une rente à vie ( CDI : un salarié un peu malin peut arreter sa carrière à 45 ans : maladie, pension d’invalidité, puis licenciement et chomage avec enfin la cerise sur le gateau, retraite de 60 ans jusque à la mort à 95 ans … ) et beaucoup commencent à travailler … au noir.

      parmi les autres, elles sont un puissants aimant à devenir salarié ( vu les avantages ) et à ne pas reprendre la petite affaire des parents, d’un oncle , d’un amis … détruisant ainsi l’ame entrepreneuriale de la nation française…

      la aubry devrait etre traduite devant une juridiction d’exception, pour haute trahison et complot contre la france. ainsi que ses successeurs à un degrés moindre d’implication, pour ne pas avoir démenteler le dispositif .

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