La Commission européenne contre les déséquilibrés

La Commission européenne somme la France de réduire les déséquilibres, mais les hommes politiques ne la laisseront pas détruire notre modèle social.

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La Commission européenne contre les déséquilibrés

Publié le 30 mai 2013
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La Commission européenne somme l’État français de mettre de l’ordre dans ses finances. Une demande que les hommes politiques français n’ont pu s’empêcher de dénoncer immédiatement, s’enfonçant toujours un peu plus dans le déni – et leur pays, dans l’impasse.

Par Baptiste Créteur.

La Commission européenne souhaite que la France cesse de s’engluer dans la dépense publique et l’endettement. Ce n’est pas la première fois qu’elle adresse de vives recommandations aux dirigeants de l’État français et, bonne joueuse, elle continue à leur expliquer comment faire.

Elle liste six grandes priorités, contre cinq en mai 2012 : la réduction du déficit public, via en particulier une nouvelle réforme des retraites, la mise en œuvre de l’accord sur le marché du travail, le coût du travail, la libéralisation des services, la compétitivité des entreprises, et la simplification de la fiscalité. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a réagi en déclarant que nous ferons les réformes à notre manière.

Évidemment, ces recommandations de bon sens provoquent un tollé au sein de la classe politique française ; les joyeux drilles qui dirigent un joli pays dont l’endettement public s’élève à 4 923 milliards d’euros, soit 246% du PIB, ne se laissent pas dicter leur conduite aussi facilement.

4 923 milliards d’euros, après tout, ce n’est pas grand chose ; l’État français vise le record et entend bien maintenir la croissance de son endettement. Et puis, personne n’a parlé de rembourser, on peut se contenter de payer les intérêts – une bagatelle dont les contribuables s’acquittent sans trop broncher.

À l’inverse de quelques hommes politiques qui, malgré leurs traitements avantageux, passent leur temps à râler :

Jean-Luc Mélenchon a ainsi jugé que Bruxelles « exige que le gouvernement français passe tous les droits sociaux au broyeur libéral », notamment « le droit à la retraite ». « La France doit refuser d’appliquer ces recommandations et désobéir », a-t-il protesté.

Le broyeur libéral, pourfendeur du droit à la retraite, demande à la France d’équilibrer le régime des retraites à horizon 2020. Le mot « équilibre » ne fait pas réellement partie du vocabulaire des déséquilibrés assoiffés de pouvoir qui dirigent les Français, et il ne sert pas grand chose de tenter d’équilibrer un système qui pourrait disparaître d’ici là.

Sans oublier un président qui, sans surprise, ne proteste jamais autant que quand on lui demande d’agir :

Après les annonces européennes, François Hollande a assuré que la question des retraites ne doit pas être du ressort de l’Union européenne, soulignant que « la commission n’a pas à dicter ce que nous avons à faire », en matière de réformes structurelles.

La question des retraites n’est pas du ressort de l’Union européenne ; mais elle ne demande pas de réformer le système pour le simple plaisir de voir rouspéter ceux qui nous dirigent. Le déséquilibre structurel des retraites alimente le déséquilibre structurel des finances publiques, qui alimente l’endettement. Et le gouffre que creusent les représentants du peuple, ils entendent bien l’y faire plonger.

Pour Emmanuel Maurel, vice-président de la région Île-de-France, leader de l’aile gauche du PS, « la Commission veut que la France se livre à un exercice de vandalisme social ». « On dit parfois que les commissaires sont des arbitres : ce ne sont en réalité ni plus ni moins que des hooligans, des casseurs », a-t-il lancé, affirmant que « ceux qui ont élu François Hollande attendent de nous qu’on sache préserver notre modèle social et nos services publics ».

Préservons, préservons ! Notre doux modèle social, nos services publics, toutes ces belles choses que le monde nous envie doivent être protégées des commissaires européens qui sillonnent régulièrement Paris quand le PSG remporte un titre et dont l’État nous protège aussi efficacement qu’il veille aux intérêts des générations futures.

Les vilains hooligans qui indiquent gentiment et poliment, dans un rapport joliment relié, que le bien-être des Français est menacé par le modèle social auquel ils s’accrochent, doivent cesser leur vandalisme social. Mais il faut bien le reconnaître, ce sont eux qui, dans l’ombre, tirent les ficelles. Jean-Claude Mailly l’a d’ailleurs lu dans Le Protocole des Sages de Bruxelles :

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a résumé la situation ainsi : « La Commission écrit la partition, les gouvernements européens la jouent. […] En contre-partie du délai de deux ans accordé à la France, la Commission attend des décisions douloureuses et elle nous ressort des antiennes libérales sur les retraites », dit-il.

Il suffit désormais de qualifier une proposition de « libérale » pour la disqualifier – et les métaphores sur cette poignée de vilains qui, dans l’ombre, décident de l’avenir du monde sont de sortie. Un refrain qu’on n’avait pas entendu depuis longtemps

Oui, la Commission attend des décisions douloureuses. Mais ce n’est pas le libéralisme qui imprègne sa pensée, c’est le bon sens. N’importe quel adulte sensé comprend aisément qu’on ne peut vivre perpétuellement à crédit et qu’un système structurellement déséquilibré finit inéluctablement par s’effondrer.

Après les riches, les multinationales, la finance, les Allemands et les exilés fiscaux, voici le nouvel ennemi du pays : l’Europe vandale, la broyeuse libérale des modèles sociaux. Le bouc commissaire ose demander aux dirigeants français d’ouvrir les yeux parce qu’il en veut à l’indécente prospérité hexagonale, à sa croissance à deux chiffres après la virgule et à sa courbe du chômage en pleine inversion. Petit tour d’horizon.

Le chômage se porte d’ailleurs bien dans un pays pourtant en pleine crise ; les chômeurs prennent des vacances et envoient des cartes postales à Pôle Emploi en guise de clin d’œil et passent par la case départ même quand ils sont en prison. Apparemment, plus on est de fous, plus on rit.

La croissance se repose un peu, recule pour mieux sauter. On déplore bien quelques faillites par-ci par-là, quelques enterrements moins médiatiques que la bataille sanglante pour empêcher les sauvetages menée avec brio par d’ardents défenseurs des boys bands Made in France.

L’endettement public est de plus en plus performant ; il atteindra bientôt 2,5 fois le PIB, un joli monument en hommage à la sociale-démocratie.

Les Français sont à l’unisson, les débordements de liesse et les explosions de joie se multiplient dans une ambiance de franche camaraderie. Qu’on soit banlieusard désœuvré ou opposant au mariage pour tous, on a tous une bonne raison de se rassembler dans la rue par ce temps si clément.

Et alors que tout va pour le mieux, la Commission européenne vient troubler la fête en se montrant bassement matérialiste, entrant dans une comptabilité puérile et attachant une importance à l’équilibre qui relève de l’obsession : équilibre des retraites, équilibre du budget, équilibre de l’assurance-maladie et de l’assurance-chômage… Pas de ça chez nous ; avec les Partis socialistes, cueillons dès aujourd’hui les roses de la vie.

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  • Les responsables politiques, représentant de syndicat, fonctionnaire gèrent la France comme un père qui mange le pain de ses enfants.

  • Vivement qu’il degage et que l’europe place un technocrate pour reformer le pays car jamais un politicien ne reformera ce pays

    • C’est à se demander si ce n’est pas ce que Flanby souhaite in petto : rester président, parce que la soupe est bonne, tout en déléguant ses pouvoirs à un premier ministre technocrate désigné par la Commission et le FMI.

  • Ah, le plaisir d’être roi, de régner, fusse sur des ruines et des cendres (qu’il suffit de ne pas voir).

  • si ce n’est pas l’Europe se seront les preteurs tant va la cruche a l’eau qu’un jour elle se brise et PHIL79 a raison et BREIZH et les autres aussi

  • Merci pour ce billet joyeux Baptiste … on s’éclate vraiment chez nous , moi même je me demande tous les jours un peu plus pour qui je bosse vraiment … et si j’ai vraiment envie de continuer .

  • méfiance, le coup de la carte postale à pole emploi semble bien être un fake ; ce genre de blague ça a existé (et ça existe toujours) par la voie postale (pensez à la célèbre série de photos du nain de jardin globe-trotter) avant de se multiplier via internet.
    http://letrublion.fr/carte.jpg

    • C’est ce que j’ai initialement pensé, mais l’individu semble être identifiable :
      « C’est une façon un peu atypique de nous signaler une absence. Nous avons saisi la période d’absence de cette personne et ne l’avons pas radiée. » (directrice de l’agence dans l’article de Sud Ouest).

  • La première hypothèse est que Zoolande et ses campeurs ne sont qu’une troupe de minus habens, mis pour plausible qu’elle soit, on ne peut écarter la seconde.

    Cette seconde hypothèse serait tout simplement celle d’un sabotage systématique et volontaire de la France, partant du principe que plus dramatique sera la situation, plus la prochaine législature (presque nécessairement d’alternance) aura de mesures impopulaires à prendre pour redresser la situation.

    Il ne s’agit plus de gouverner la France, mais de tisser un piège à l’opposition.

    Plus j’y pense, plus j’y crois …

  • Je reçois des infos patrimoniales sous forme de flash et vais en rechercher une… Les rentrées fiscales sont en très nette baisses malgré la très nette augmentation des taux de pression. Ce serait la TVA qui serait la plus touchée et les sénateurs pensent à une escroquerie d’envergure, les cons. Les appart neufs en stock à vendre 100.000 – la baisse des ventes de neufs – 200.000 environ… allez les sénateurs sortez vos calcuette, je vous mets sur une piste

  • La France a besoin d’un Schröder, d’un Monti, bref d’un homme courageux et sensé surtout.

  • Baptiste Président!!

    non, je ne suis pas sa mère…

  • CA commence à bien faire!Soit on accepte les règles du jeu et on reforme notre pays de manière adaptée de façon à être une économie du 21 ème siècle;Soit on décide définitivement que l’on est fondé sur une base corporatiste et on met nos institutions en accord avec ce fait!Notamment en copiant l’Espagne franquiste ou le Portugal sous Salazar…La logique voudrait même que l’on rétablisse l’ancien régime avec le roi et l’église aux commandes , !Bref comme toujours nos politocards ne sont pas à la hauteur!

  • Une commission de bureaucrates apparaissant comme un aiguillon désengorgeant la France (gaullisto communiste au fond: cf conseil de la résistance) de ses archaïsmes anti libéraux?
    EUH……je crains que l’auteur de l’article ne prenne l’ombre pour la proie.

  • Pour une fois, c’est vraiment la première, je vais prendre la défense de Hollande.
    D’une part, quelle que soit la politique qu’il mène, il a la légitimité démocratique. Quelles que soient les raisons ou les circonstances qui ont fait qu’il soit parvenu à ce poste (largement au dessus de ses compétences), il n’a pas, contrairement à son prédécesseur, menti à son électorat pour se faire élire. Il applique avec conscience la politique (débile) qu’il avait promise.
    En aucun cas, il n’est légitime qu’une institution non démocratique, composée de fonctionnaires mieux rémunérés que les chefs d’Etat grâce aux contributions des Européens n’imposent une politique (fusse-t-elle censée, ce qui n’est même pas forcément le cas) à des gouvernements légitimes.
    Hollande a donc raison de rappeler ces fonctionnaires à leur devoir de réserve. Ils sont des exécutants, pas des décisionnaires.

    • @Thibault Doidy de Kerguelen
      J’approuve à 95%
      Les 5% restant?
      Hollande exerce un « job » au dessus de ses compétences; mais y a t’il des compétences particulières pour être homme ou femme politiques actuellement.
      De par mon peu d’expérience, beaucoup d’élus ( à l’exception de certaines et certains « self made » avant d’être devenus des politicien(ne)s), sans parler de hauts fonctionnaires européens, sont caractérisés par la lâcheté et une paresse certaine
      Résultat, ce sont les hauts fonctionnaires, la plupart totalement anonymes, qui gouvernent de fait, leur arme juridique étant la liberté d’établir les règlementations: ceux qui devraient n’être que les serviteurs sont devenus les maîtres.

    • Vous avez raison. Mais les recommandations de la Commission sont ici de bon sens. Je ne dis pas qu’il faut les suivre parce qu’elles sont issues de la Commission, mais parce qu’elles sont bonnes.
      La France s’est par ailleurs engagée à une réduction des déficits publics, qui fixe des contraintes à ce que peut faire un président en exercice et réduit la marge de manœuvre de nos dirigeants. Enfin, pas dans les faits puisqu’ils ne s’y conforment pas. Circonstances exceptionnelles – durablement exceptionnelles.

      Malheureusement, les hommes politiques de ce pays ont maintenant une bonne excuse pour ne pas appliquer les recommandations de la Commission, pour les raisons que vous mentionnez. Cependant, je ne pense pas qu’ils les auraient suivies si elles n’avaient pas été recommandées.

      Quand à notre cher président, vous avez raison également ; il applique son programme plutôt consciencieusement, c’est là qu’est le problème.

      • Nous pourrions aussi voir le problème sous un autre angle. Hollande, sait parfaitement que ce que lui propose ‘’ Bruxelles ’’ va à terme, à l’encontre total de son électorat, fonctionnaires ou assimilés en grande majorité, ainsi que de ses chers partenaires sociaux, aux cerveaux bloqués sur ‘’ les avantages acquis de haute lutte’’ voire sur ‘’ Germinal ’’. Pour faire bon poids, comme l’a souligné Baptiste Créteur, la réelle ‘’ vraie ’’ opposition, est celle de ses extrêmes, à gauche toute, sans laquelle le PS, soit disant social-démocrate, ne gagnerait plus une seule élection.
        Il est menotté, le pays est foutu.

        • Ne sous estimons pas nos politiques, ils ont un objectif mais lequel??? En tout cas pas celui de défendre les intérêts de la population qui les a élus…Mais en tout cas, tout ce qu’ils font, est voulu et délibéré…

  • « Les États-nation d’Europe n’ont plus qu’à se taire !
    Par exemple, la France avec un commissaire sur 27 détient 3,7 % de part d’influence. Ce pays a connu en 2010 de grands troubles sociaux consécutifs à la réforme des retraites et l’allongement du temps de travail. Était-ce une nouvelle loi du gouvernement en place ? Aucunement, car cette décision était une exigence de la Commission européenne en attente d’application depuis sept années. Le 8 avril 2003, K. REDLING ancien directeur général des affaires économiques de la Commission publie un rapport intitulé « Recommandations spécifiques à la France relativement aux grandes orientations des politiques économiques exigibles par chacun des États membres » appelant à l’application de ces exigences de réforme. »

    Bien évidemment il en sera de même pour modifier à nouveau les droits existants en matière de retraite, de fiscalité. Il faut s’attendre à une taxe pour les français pleinement propriétaires de leur logement, elle rapporterait 5,5 milliards € à l’Etat français en pleine déconfiture… à suivre…

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