OGM : plus aucun risque, plus aucune science

Comment le principe de précaution nous surprotège de toute science et de tout savoir.

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OGM : plus aucun risque, plus aucune science

Publié le 15 juin 2012
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Vous n’aimez pas les OGM parce qu’ils sont méchants, transforment les plants en maïs zombie tueurs d’enfants innocents ? Vous aimez tendrement le principe de précaution qui permet de placer chaque être humain dans un coton de ouate douillette avant une mise en bière cajoleuse et définitive ? Alors vous allez adorer ma petite histoire qui cumule méchants OGM contre principe de précaution, science, bureaucratie et tutti frutti.

Mon histoire se déroule dans un pays latin, plein de soleil, de bonne humeur, de bonne volonté et de bons fonctionnaires très pointilleux sur l’application des milliards de règles qui permettent à la société de s’endormir dans la somnolence des malades en phase terminale.

C’est en effet en Italie (dont je n’évoquerai pas aujourd’hui la santé économique, pétulante) qu’ont été lancées, il y a maintenant 30 ans (oui, 30 ans, en 1982) et à l’Université de Tuscia à Rome, des recherches sur des plantes génétiquement modifiées.

Ces recherches, menées par le Dr. Eddo Rugini, portent sur des oliviers, des cerisiers et des plants de kiwis transgéniques. En 1998, le chercheur a obtenu le droit de faire pousser ces plantes moyennant des conditions de culture particulièrement précises.

Ainsi, les cerisiers ne sont pas eux-mêmes transgéniques, seuls les porte-greffes de ces cerisiers le furent. En outre, les cerisiers étant triploïdes, il ne produisent aucun pollen fertile de toute façon. Il n’y a absolument aucune chance d’une diffusion accidentelle de pollen depuis les portes-greffe.

Les oliviers, modifiés pour accroître leur résistance à des maladies fongiques, n’ont pour le moment jamais produit de fleurs, probablement à cause de la façon dont furent cultivés les cellules initiales lors de la transformation.

Les seules plants qui peuvent fleurir sont les plants de kiwi mâles, et chaque année, les fleurs sont coupées avant qu’elles ne s’ouvrent, puis détruites en autoclave. Les plants femelles, modifiés pour résister eux aussi à des maladies fongiques, ne produisent pas de pollen, et sont pollinisés artificiellement avec du pollen de plants de contrôle (non OGM, donc). Les fruits résultants sont testés en laboratoire pour vérifier leur résistances aux champignons, puis détruits, comme le veut le protocole de recherche.

Pour le moment, les résultats des recherches menées depuis donc 30 ans permettent déjà d’établir des résistances (contre les maladies, la sécheresse et le froid). Notons que des plantes plus résistantes veut dire moins de pesticides et des cultures dans des endroits au départ moins favorables. Cependant, il faudra encore du temps pour obtenir tous les résultats, temps que le chercheur a demandé plusieurs fois aux autorités locales et nationales italiennes, qui n’ont pas répondu.

En revanche, ces mêmes autorités n’ont pas traîné pour répondre favorablement aux anti-OGM : un gentil groupe de faucheurs volontaires de recherches scientifiques (Fondazione Diritti Genetici) a demandé que ces plants génétiquement modifiés soient immédiatement détruits au motif qu’ils sont illégaux. En réalité, le renouvellement de l’autorisation, qui aurait dû intervenir en 2008, n’ayant pas eu lieu, les plants sont illégaux, mais compte-tenu des caractéristiques des plantes, on pouvait s’attendre à d’autres commentaires que ceux de l’association, complètement à côté de la plaque.

Qu’à cela ne tienne ! Il faut tout arracher ! Toutes les conditions sont en effet réunies pour que les kiwis et les cerises mutantes sortent leurs griffes et attaquent les chercheurs, puis s’enfuient du laboratoire secret sous la montagne et fassent un massacre à Rome sous l’œil vitreux des autorités hagardes qui regretteront alors amèrement d’avoir vendu leur sécurité et leur âme à des intérêts capitalistiques de lobbies agroalimentaires fruitiers sans foi ni loi.

Chat OGM - mais si, puisqu'on vous dit qu'ils y travaillent !

C’est terrible et cela justifie amplement de sabrer le projet, de rouler en boulette la lettre de demande de prolongation et de la mettre à la poubelle avec le geste élégant du joueur de basket bureaucratique.

Évidemment, une telle attitude permet de conserver le public à l’écart de toute information réelle, documentée et scientifique des OGM : ce serait un comble si, par des recherches, on en venait à découvrir la liste précise des inconvénients et des avantages de ce genre de culture, et si, pire que tout, on en venait à déterminer de façon suffisamment précise les conditions de culture des plantes pour éviter toute diffusion des gènes modifiés dans la nature !

Car ici, c’est bien de précaution qu’il s’agit : il ne faut surtout pas, même de loin, étudier les choses qui pourraient, un jour, porter préjudice à des générations futures qui ont déjà fort à faire pour rembourser les milliers de milliards de dettes que nous leur laissons. Ces générations futures, pour lesquelles on devra donc se passer d’OGM, de voitures, de chauffage en hiver, de nucléaire, de gaz de schiste, de pétrole ou de toute technologie innovante qui comporte le moindre risque, pourront ainsi se consacrer à travailler la terre et leur carré de potager (sans intrants, svp) afin de conserver leur pouvoir d’achat rikiki que les dépressions carabinées leur auront laissées.

C’est aussi ça, la force de l’État, et, surtout, des associations anti-tout qui nous bordent bien serré dans notre lit avant d’ouvrir le robinet de l’intraveineuse qui va nous endormir : savoir poser des gestes forts permettant de bien nous ramener à la raison (la leur), celle qui consiste à ne jamais tenter le moindre progrès. Parce qu’avec tout ça et les satellites qui détraquent le temps, on sait bien ce qu’on perd en tranquillité d’esprit, et on ne sait vraiment pas ce qu’on gagne.

Et empêcher la science d’étudier et de faire des recherches, c’est bien le minimum pour conserver cette ignorance, non ?

—-
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  • Salut, je vais faire une remarque générale mais qui n’est peut-être pas valide dans tous les projets de végétaux OGM à buts agroalimentaires.
    Pour contrôler que le gène d’intérêt que l’on a transféré est vraiment présent, on l’associe souvent à un gène « marqueur » et celui-ci est souvent un gène de résistance à un antibiotique. Les plantes évoquées ici peuvent être stériles, mais l’ADN est toujours dans toutes les cellules de l’OGM considéré (lapalissade). Hors une cellule végétale vie, meurt et se remplace ; mais que se passerait-il si une bactérie passe au-dessus d’une cellule OGM morte (l’ADN même si relativement fragile, ne disparait pas instantanément) ? Le plus probable, rien. Mais il y a une possibilité très très infime que de l’ADN végétal soit incorporé dans l’ADN bactérien etc… Sans rentrer dans les détails, comme les probabilités de ce cas sont faibles (10^-xx) il se peut même que ce cas ne reste que purement théorique durant toute la période de présence de l’homme sur terre. Mais cultiver X milliers d’hectares pendant Y années revient à chaque instant à tester la probabilité de transfert plante->bactérie.
    Je suis bien d’accord avec l’auteur pour que la recherche continue de fonctionner sereinement pour le bénéfice de tous, mais il ne faut pas oublier que les investisseurs privés attendent un retour sur investissement des OGMs qui sont élaborés et poussent à les mettre sur le marché en piétinant quelques précautions qui peuvent-être justifiées.
    En espérant ne pas être trop confus.
    P.S : Je ne suis pas un écolo forcené ni un libéral insouciant.

    • Je n’ai plus les sources en têtes, mais des transferts d’ADN peu probables entre bactéries de genres forts différents ont déjà eu lieu dans le passé (en Amérique centrale je crois faudrait compulser la littérature à ce sujet). Concernant le passage de plante->bactérie je n’en ai pas connaissance, mais peut-être que l’on a jamais vraiment regardé dans cette direction depuis les débuts des biotechs.

    • Cela fait plusieurs années que le gène marqueur n’est plus un antibiotique. Maintenant on utilise souvent un gêne de résistance aux herbicides (gluphosinate)
      source, en bas de page: http://www.ogm.gouv.qc.ca/info_vegetaux.html

      Concernant le flux de gênes il ne semble pas poser de problème (http://www.ogm.gouv.qc.ca/envi_dispersion.html) surtout quand on le compare au melting pot génétique qui se passe dans la nature (http://gmopundit.blogspot.ca/2012/06/natural-gmos-part-137-radical-thoughts.html et aussi http://www.economist.com/node/21556898)

      • Merci pour tous ces liens,
        ils me permettrons de me refamiliariser avec les biotechs, mais à part le premier point auquel je vous accordes confiance (ne plus utiliser de gènes anti-AB comme marqueur), les autres liens sembles me confirmer que le flux de gènes est une sacrée pagaille incontrôlable (cf vos 2 derniers liens).
        J’ai pour souvenir une plante naturelle qui à cause de la pression de sélection induite de la culture d’une ogm résistante à un herbicide employé par les agriculteurs contamina des milliers d’hectares aux USA il ya environ 3 ans.
        http://www.omafra.gov.on.ca/french/crops/facts/01-024.htm
        http://www.lapresse.ca/environnement/201107/04/01-4414720-deux-mauvaises-herbes-resistantes-au-roundup.php
        http://www.france24.com/fr/20090419-super-mauvaises-herbes-menacent-patrie-monsanto-
        Même si ma formation de biologiste dâte un peu (je reconnaît bien volontier que d’énormes progrès ont eu lieu entre temps et que je ne suis plus trop à la page), ce que l’on supposait il y a ~15 ans (de mon temps) n’est toujours pas vraiment infirmé.
        P.S.: en espérant que la discution permette aux gens de se faire une meilleure idée.

        • L’art du consensus est maladroit, tant que vous ne serait pas honnêtes et reconnus comme tel on vous accusera de pencher d’un côté ou d’un autre. Il est dommage que l’auteur du billet ici présent n’incite pas ses lecteurs à penser différemment qu’une doctrine de l’acceptation d’aphorismes vulgaires. Un journalisme de bon aloi se permettrai d’exposer aussi neutralement que possible les différentes thèses : des écoterroristes vs progressistes, aux St Simoniens touchés d’hubris vs pragmatistes « conservateurs » etc…
          Sa n’en finit pas.
          P.S.: je peux me tromper, mais serais heureux de le reconnaître.

          • « ….d’exposer aussi neutralement que possible les différentes thèses… »

            C’est une blague ?
            Nous sommes bombardés des propos des anti-OGM, il est donc inutile, dans le court format d’un billet, de perdre du temps à rappeler la doxa du moment.
            Si le principe de précaution avait eu cours à la préhistoire, le feu aurait été interdit d’utilisation.

          • Le consensus est le mal de notre siècle. Le peuple veut des «sciences citoyennes» qui trouvent un consensus. C’est de l’arnaque. La science n’est pas faite pour trouver un consensus, la science est fondamentalement clivante. 2+2= 4 pas 3 ni 5. L’homme domestique le vivant de façon active depuis 10 000 ans. C’est grâce à lui que l’est passé du teosinte minuscule au maïs bénéficiant de la vigueur hybride: http://mots-agronomie.inra.fr/mots-agronomie.fr/index.php/Le_ma%C3%AFs,_de_la_t%C3%A9osinte_aux_vari%C3%A9t%C3%A9s_hybrides
            Les OGM sont la juste suite des progrès agronomiques et contrairement à leurs aînés conventionnels, ils sont étudiés sous toutes les coutures et approuvés (ou non) par les autorités sanitaires/scientifique de chaque pays. Pas mal comme progrès non ?

            Par ailleurs, à quoi bon exposer la thèse des anti-OGM puisque tous leurs arguments scientifiques sont bidon et qu’ils font appel à la croûte scientifique hexagonale (Seralini, Dufumier, Vélot…). Non franchement les OGM ne vont pas mener le monde agricole à sa perte: http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1850
            . Mieux ils vont exister sous de multiples formes et ouvrir des perspectives très intéressantes pour combattre les maladies des cultures: http://www.biofortified.org/2012/05/next-gen-disease-resistance/

        • Le glyphosate est bien plus vieux que les OGM round-up ready. L’apparition de résistance n’est pas réservée au OGM, l’humanité lutte contre les adventices depuis les débuts de l’agriculture. Toutefois cela reste un vrai problème, car le glyphosate est très bon marché (son brevet ayant expiré il y a longtemps). Les chercheurs s’en préoccupent: http://www.bioone.org/doi/full/10.1614/WS-D-11-00177.1 . L’empilement de gènes de résistances aux herbicides (dont le 2,4D) pourrait être une solution, mais ce ne sera pas la seule j’en suis certain.

          Pour la «pagaille» génétique, c’était pareil avec des variétés conventionnelles. On risquait de voir les avantages obtenus par sélection se disperser dans l’environnement. Pire on n’hésitait pas à manipuler à grande échelle les génomes du blé et du seigle pour donner le triticale.
          De plus il n’y pas eu à ma connaissance de drame agronomique concernant ce fameux flux de gêne. Les OGM continuent de progresser dans le monde de puis 16 ans. La superficie actuelle est de 160 M Ha.

          Le drame avec la position française sur les OGM c’est que les agriculteurs n’ont jamais pu s’approprier cette technologie qui leur était destinée. Dès lors ils ne peuvent défendre, car ils ne savent pas ce que peuvent leur apporter ces technologies (réduction des pesticides, facilité du semis direct, baisse des coûts de production, travail réduit du sol).

  • L’auteur porte-t-il un masque à gaz depuis le scandale de l’amiante ?

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