M. Draghi, relevez les taux directeurs de la BCE !

Plutôt que de résoudre la crise, la politique des taux bas l’alimente et en empêche la résorption par le système économique

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M. Draghi, relevez les taux directeurs de la BCE !

Publié le 6 juin 2012
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Plutôt que de résoudre la crise, la politique des taux bas l’alimente et en empêche la résorption par le système économique.

Par Pasm, depuis la Belgique.

Comme avant chaque réunion de la BCE, les experts, économistes, banquiers, journalistes et boursicoteurs espèrent tous une baisse des taux directeurs et nous en décrivent les innombrables miracles attendus qui reviennent tous, plus ou moins, à donner quelques semaines de répit au système social-démocrate. Pourtant, la véritable décision courageuse, utile et nécessaire serait bien de relever ces fameux taux directeurs. En matière de taux d’intérêt comme dans tout autre domaine, l’imposition d’un écart important et prolongé par rapport au marché libre finit toujours par produire des effets pervers imprévus. Plutôt que de résoudre la crise, la politique des taux bas l’alimente et en empêche la résorption par le système économique.

Mario Draghi, président de la BCE.

Dans mon article sur le bon et le mauvais crédit, j’avais résumé la théorie autrichienne de la crise. Celle-ci explique qu’une politique de taux bas induit les acteurs en erreur quant à la quantité de biens capitaux à leur disposition et incite à une sur-consommation de ceux-ci détruisant les possibilités d’investissement futurs. La crise survient au moment où les acteurs découvrent qu’il n’y a plus de capital matériel derrière la fiction comptable et le marché du crédit se bloque. Il n’y a plus d’autre solution à ce moment que d’acter les pertes, d’effacer le mauvais crédit et de permettre à l’épargne de se reconstituer à travers un cycle déflationniste. Pendant l’inévitable krach, on assiste aux fameux épisodes de destruction créatrice décrits par Schumpeter et la crise est finalement dépassée par un nouvel élan économique.

Depuis trois ans maintenant, dans leur présomption fatale, les dirigeants occidentaux s’ingénient à éviter l’inévitable. Les lois de l’économie interdisent tout espoir de relance économique avant que le mauvais crédit n’ait été totalement purgé, mais l’indispensable credit crunch fait peur à tout le monde et les choix politiques actuels maintiennent le système au bord du ravin avec toutes les conséquences funestes que l’on voit, destruction des économies du sud de l’Europe, crise interminable, régression sociale, renforcement du centralisme bureaucratique, décomposition politique, replis identitaire, résurgence du fascisme et du communisme. En relevant les taux d’intérêt, la BCE enverrait enfin le signal clair que l’on change de cap, qu’on accepte de prendre nos pertes et que l’on est prêt à dépasser la crise.

La politique des taux bas est généralement justifiée par trois facteur.

Au niveau des entreprises : L’accès des banques à un crédit bon marché auprès de la BCE devrait normalement les inciter à prêter plus facilement aux entreprises. Celles-ci auraient ainsi la possibilité d’investir facilement dans leurs nouveaux projets et l’activité industrielle serait donc soutenue par les taux bas. Hélas, en période de crise économique, la mécanique se grippe. En effet, même si l’accès au crédit est facile, les entreprises n’en profitent pas parce qu’elles ne voient pas d’issues économiques à leurs nouveaux investissements. Mario Draghi lui-même a dû convenir devant le parlement européen que les opérations de LTRO s’étaient soldées par un échec sur ce plan par manque d’appétit des entreprises pour le crédit.

Au niveau des citoyens : Les taux bas de la BCE se répercutent sur les taux des différents investissements des bons pères de famille, carnets d’épargne, bonds d’État et obligation d’entreprises. Ils modifient donc l’arbitrage entre épargne et consommation, au bénéfice de cette dernière. En réalité, si le surcroît de consommation est réputé soutenir l’activité économique, la gestion de l’épargne est totalement chamboulée par la nécessité de trouver des rendements plus attrayants et de se protéger d’une inflation inévitable. On voit donc l’apparition de bulles, comme dans l’immobilier, et la réorientation de l’épargne vers des investissements improductifs comme l’or.

Au niveau des États : Ce sont évidemment les grands gagnants d’une politique de taux bas qui leur permet de soutenir un niveau de dépenses incompatibles avec les réalités économiques. Par ailleurs, il apparaît de plus en plus clairement que nos gouvernements cherchent à provoquer une inflation importante pour réduire proportionnellement leur endettement. Si les politiciens s’effarouchent à l’idée d’un défaut partiel sur la dette souveraine, ils ne semblent pas être gênés par l’idée de rembourser leur dette en monnaie de singe, ce qui pourtant revient quasiment au même pour le créancier.

On remarquera que tous ces prétendus avantages ne portent en réalité que sur la partie demanderesse de crédit. Or, dans un marché sain, il devrait aussi y avoir une offre qui disparaît pourtant totalement des raisonnements habituels. De même que les politiques de blocage des loyers sont officiellement mises en œuvre au service des locataires et jamais des propriétaires, la politique des taux bas est au service des emprunteurs pas des prêteurs. Un siècle de centralisme bancaire nous a plongé dans l’illusion que les banques (et les banques centrales en particulier) sont à l’origine des prêts alors qu’elles n’en sont normalement qu’un intermédiaire. Tout emprunt doit être couvert, d’une façon ou d’une autre, par une épargne équivalente. Comme le blocage des loyers qui détruit le marché immobilier, le blocage des taux d’intérêt détruit le marché du crédit. En empêchant l’épargne de se constituer, la politique des taux bas a causé la crise actuelle. Mettre fin à cette politique est une condition nécessaire à la sortir de crise.

Au niveau des entreprises, le renchérissement du crédit conduira à une modification des avantages comparatifs. Les entreprises les moins rentables et les plus endettés seront mises en faillite laissant la place libre aux concurrents (et aux nouveaux entrants) plus efficaces. L’épuisement relatif du crédit fera place à un plus grand investissement sur fond propre et à une nouvelle génération d’entrepreneurs. En moins de deux ans, le marché sera complètement épuré et une nouvelle dynamique de croissance se sera mise en place.

Au niveau des particuliers, une fois qu’un rendement significatif sera disponible, on va voir apparaître des capacités d’épargne insoupçonnées. Les exemples récents, en Belgique, en Italie et, dans une moindre mesure en Espagne, prouvent que lorsque les taux d’intérêts dépassent les 4%, les citoyens se découvrent tout un coup un esprit civique et sont capables de mobiliser des milliards pour acheter des bonds d’État. La modification du risque perçu vis-à-vis de la dette étatique redirigera cette épargne vers les investissements productifs du secteur privé, ce qui aura un effet bien plus direct sur le dynamisme économique que toutes les politiques de relance par la consommation.

Au niveau des États, bien sûr, la potion risque d’être plus amer. Dans la situation actuelle, l’essentiel du mauvais crédit est logé dans la dette souveraine. Les emprunts contractés par les États n’ont jamais servi à une politique d’investissement et furent dépensés en frais courants, aides sociales et consommation immédiate. Aucune valeur réelle n’a été créée qui puisse garantir le remboursement des dettes. La question du défaut se posera donc nécessairement lors du cycle d’apurement du mauvais crédit. Reculer l’échéance de ce défaut n’a de sens que si on s’y prépare activement. Dans le cas contraire, ce n’est que du temps perdu. Une hausse des taux directeurs serait le signal qu’il est temps de se préparer au futur plutôt que de tenter de ressusciter le passé.

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  • Je vous suis sur la teneur général du billet. Là ou j’arrête, c’est sur le prêt aux entreprises. Même avec des taux bas, voir de l’argent quasi gratuit, les PME ont extrêmement de mal à avoir des financements, que ce soit pour des projets ou même pour du BFR.

    Le souci n’est donc pas de l’aboutissement de crédits octroyés mais l’accessibilité aux crédits.

    J’enfoncerais même le clou en disant que c’est justement en période de crise que les entreprises essaye de développer et de sortir de leur marché propre pour obtenir de nouveaux clients. D’où un besoin de financement.

    Si déjà avec des taux aussi bas nombre d’entre elles coulent pour des souci de trésorerie, je vous laisse imaginer le désastre avec des taux hauts.

    Le poids et la force d’action des grande banques est un énorme souci pour nos économies AMHA, une partie du blocage des économies occidentales vient de là.

    • On ne doit pas s’endetter pour répondre à un besoin en fond de roulement (BFR). Tout emprunt doit etre couvert par un investissement. Le seul écart que j’ai fait par rapport à ces règles , c’était en 2009 pour licencier un technicien avec 10 ans d’ancienneté. Cout 25000 € que je n’ai pu financer que par l’emprunt adossé à ma garantie personnelle, mais ce n’est pas normal.

      • Le BFR reste un « trou » dans un compte, donc du crédit. Les banques depuis 5-6 ans restent extrêmement frileuses quand à leurs autorisations, alors que c’est le cœur de leur métier que de financer l’économie.

        En effet payer ses frais courants par des prêts s’appel de la cavalerie et c’est ce que fait actuellement la majorité des États endettés. Ce n’est autre que du surendettement et doit être proscrit sauf cas exceptionnel (le votre par exemple).

  • Tant qu’il n’y aura pas un marché du crédit, concurrentiel (monnaies privées), avec des prix (taux intérêts) libres plutôt que des tarifs (taux directeurs) fixés artificiellement par un fonctionnaire (Super Mario), nul ne peut savoir si les taux doivent être relevés ou abaissés, le taux naturel étant inconnu de tous. Appeler à la hausse des taux procède de la même erreur que de les baisser, erreur dénoncée par les économistes autrichiens.

    • Ecoute, Bubulle, je suis très heureux que le mouvement libertarien s’étoffe de nouveaux motivés. Et je pense que, à moins que le contraire ne soit évident, tu pourrais envisager de partir du point de vue que j’ai lu et réfléchi au moins autant que toi et éviter de perdre ton temps à sortir des truismes. A l’époque où les autrichiens nous ont expliqué ce que tu dis, les taux voltigeaient allègrement entre 10 et 20 %. Il y avait de la marge à la hausse comme à la baisse. Quand les taux sont à 1% en plein milieu d’une immense crise bancaire (le vrai marché, le crédit interbancaire, est complètement bloqué), ça m’étonnerait qu’on trouve un quelconque économiste sérieux pour défendre l’idée qu’un marché libre produirait des taux inférieurs.

      • On peut défendre n’importe quelle supposition, même la plus illogique, dès lors que le cadre légal interdit absolument de connaître le vrai prix de l’argent. Taux plus ou moins élevés en cas de marché monétaire privatisé concurrentiel, vous n’en savez tout simplement rien, ni moi non plus d’ailleurs, ni personne. Mais peu importe, le taux fourni par le marché sera le bon taux.

  • Très bon article que je soutiens à 100%.

    Mais je pense que cela demanderais un « glissement de paradigme ». Actuellement, les emprunts servent à refinancer en liquidités et non en capital. C’est d’ailleurs la théorie largement dominante : notre crise serait une crise de liquidité et non de solvabilité (c.f QE, LTRO etc…). Nous savons tous ici (enfin je crois) que ce n’est pas le cas.

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