La France : un pays dans le déni

En ignorant les problèmes économiques de son pays, la classe politique française complique les choses et contribue à les rendre beaucoup plus difficiles à traiter

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La France : un pays dans le déni

Publié le 1 avril 2012
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En ignorant les problèmes économiques de son pays, la classe politique française complique les choses et contribue à les rendre beaucoup plus difficiles à traiter. Voilà le regard porté par The Economist sur la présidentielle française dans un article du 31 mars 2012.

A country in denial, un article de The Economist.
Traduction de Georges Kaplan.

Visitez la zone euro et vous serez revigoré par des rafales de réforme. Le plan « sauvons l’Italie » a suffisamment bien fonctionné pour que Mario Monti, le Premier Ministre, déclare, quoique prématurément, que la crise de l’euro est presque terminée. En Espagne, le gouvernement de Mariano Rajoy s’est attaqué au marché du travail et est sur le point de dévoiler un budget serré (voir l’article). Malgré leurs problèmes, les Grecs savent que les dépenses en roue-libre et l’évasion fiscale sont finies. Mais un pays doit encore faire face à ses circonstances nouvelles.

La France est entrée dans les trois dernières semaines de sa campagne présidentielle. Le classement du premier tour, le 22 avril, demeure très incertain mais les sondages créditent François Hollande, le challenger socialiste, d’une victoire au second tour. En effet, lors des élections intervenues depuis que la crise de l’euro a éclaté, presque tous les gouvernements de la zone euro ont été lâchés par les électeurs. Mais Nicolas Sarkozy, le président gaulliste, a récupéré du terrain. La récente atrocité terroriste de Toulouse a remis la sécurité et l’islamisme au devant de la scène et ces questions tendent à favoriser la droite – ou l’extrême droite en la personne de Marine le Pen.

Pourtant, ce qui est le plus frappant avec ces élections françaises c’est de constater à quel point on parle peu de l’impasse économique désastreuse du pays (voir l’article). Les candidats font au moins autant de promesses de dépenses supplémentaires que de réduction des dépenses. Personne n’a de programme sérieux pour réduire le taux d’imposition pathétique de la France. M. Sarkozy, qui, en 2007 promettait des réformes en parlant d’une rupture, offre maintenant aux électeurs du protectionnisme, des attaques contre les exilés fiscaux, des menaces de quitter la zone de Schengen et (du moins avant Toulouse) parle des maux liés à l’immigration et à la viande halal. M. Hollande promet d’accroitre la taille de l’État, de créer 60 000 postes d’enseignants, de revenir en partie sur la hausse de l’âge du départ à la retraite de 60 à 62 ans voulue par M. Sarkozy, et de pressurer les riches (qu’il a un jour dit joyeusement ne pas aimer) avec une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu à 75%.

Une pléthore de problèmes

Les défenseurs de la France soulignent que le pays n’est en rien comparable à ceux de la zone euro méditerranéenne. Contrairement à ces économies, il devrait éviter la récession cette année. Bien qu’une agence de notation ait privé la France de son AAA, le coût de ses emprunts reste bien en-deçà de ceux de l’Italie et de l’Espagne (même si l’écart avec l’Allemagne a augmenté). La France dispose d’enviables atouts économiques : une main-d’œuvre instruite et productive, plus de grandes entreprises dans le Fortune Global 500 que n’importe quel autre pays européen et des points forts dans les services et l’industrie haut de gamme.

Toutefois, les fondamentaux sont beaucoup plus sombres. La France n’a pas équilibré son budget depuis 1974. La dette publique s’élève à 90% du PIB et continue à augmenter. La dépense publique, à 56% du PIB, engloutit une plus grosse part de la production que dans n’importe quel autre pays de la zone euro – plus encore qu’en Suède. Les banques sont sous-capitalisées. Le taux de chômage, qui atteint des niveaux que l’on n’avait plus vu depuis la fin des années 1990, n’est pas tombé en dessous des 7% depuis près de 30 ans, créant un déficit d’emploi chronique dans les banlieues en proie à la criminalité qui entourent les grandes villes françaises. Les exportations stagnent alors qu’elles explosent en Allemagne. La France affiche maintenant le compte courant nominal le plus déficitaire de la zone euro. La France pouvait peut-être vivre à crédit avant la crise financière, lorsque l’emprunt était facile. Plus maintenant. De fait, une France trainarde et non réformée pourrait même se retrouver au centre de la prochaine crise de l’euro.

Il n’est pas inhabituel que des politiciens évitent certaines vérités dérangeantes durant les élections ; mais il est plus inhabituel, ces derniers temps en Europe, de les ignorer aussi complètement que les politiciens français le font. En Grande-Bretagne, en Irlande, au Portugal et en Espagne les électeurs ont soutenu des partis qui promettaient un réalisme douloureux. Une partie du problème réside dans le fait que les électeurs français sont connus pour leur croyance en la bienveillance de l’État et en la cruauté impitoyable des marchés. Fait presque unique parmi les pays développés, les électeurs français ont tendance à considérer la mondialisation comme une sourde menace plutôt que comme une source de prospérité. Avec une extrême gauche et une extrême droite qui prêchent le protectionnisme, tous les candidats sentent qu’ils doivent consolider leurs bases.

De nombreux chefs d’entreprise s’accrochent à l’espoir qu’un certain réalisme verra le jour. Le débat se déplacera vers le centre quand M. Sarkozy et M. Hollande s’affronteront au second tour ; et une fois élu, le nouveau président abandonnera ses promesses extravagantes et poursuivra un programme de réforme raisonnable comme les autres gouvernements européens. Mais est-ce vraiment possible ? Il serait difficile pour M. Sarkozy de proposer tout d’un coup de profondes coupes dans les dépenses publiques compte tenu de ce qu’il a dit jusqu’ici. Il serait encore plus difficile pour M. Hollande de laisser tomber son taux d’imposition de 75%.

1981 etc…

De plus, il y a une possibilité plus inquiétante que la mauvaise foi. Les candidats peuvent effectivement penser ce qu’ils disent. Et avec M. Hollande, qui après tout est encore le vainqueur le plus probable, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques.

La dernière fois qu’un candidat socialiste est devenu président c’était en 1981. En tant que protégé de François Mitterrand, M. Hollande se souviendra de comment les choses ont tourné pour son mentor. Après avoir nationalisé des pans entiers de l’industrie et soumis le pays à deux dévaluations et à des mois de punition par les marchés, Mitterrand a été contraint à la marche arrière.

Les défenseurs de M. Hollande disent qu’il est pragmatique et a un programme plus modéré que celui de Mitterrand. Sa réduction de l’âge du départ à la retraite ne s’applique qu’à un petit nombre de travailleurs ; son taux d’imposition à 75% n’affecte qu’une infime minorité. Néanmoins, ces politiques marquent une hostilité à l’entrepreneuriat et à la création de richesses et reflètent l’incapacité du Parti Socialiste français à comprendre que le monde a changé depuis 1981 ; lorsque le contrôle des capitaux était en place, alors que le marché unique européen était inachevé, que les jeunes travailleurs étaient moins mobiles et qu’il n’y avait pas de monnaie unique. Pas plus que les rivaux européens de la France ne poursuivaient de grandes réformes avec la vigueur actuelle.

Si M. Hollande gagne en mai (et si son parti remporte les élections législatives de juin), les investisseurs pourraient commencer à fuir le marché obligataire français en quelques semaines plutôt qu’en quelques années. Le nombre de français jeunes ou fortunés qui passent en Grande-Bretagne (avec sa tranche supérieure d’impôt à 45%) pourrait augmenter rapidement.

Même si M. Sarkozy est réélu, les risques ne disparaîtront pas. Il ne peut rien proposer d’aussi stupide qu’une taxe de 75%, mais il n’offre ni les réformes radicales, ni la réduction structurelle des dépenses dont la France a besoin. Les pique-niqueurs français sont sur le point d’être confrontés à la dure réalité, peu importe qui est président.

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