Vivre est une activité dangereuse

L’État-nounou carbure à la prolifération des peurs, à l’hyper-réglementation et, surtout, à l’infantilisation outrancière des citoyens

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Vivre est une activité dangereuse

Publié le 12 mars 2012
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L’État-nounou carbure à la prolifération des peurs, à l’hyper-réglementation et, surtout, à l’infantilisation outrancière des citoyens. Il affirme œuvrer pour le bien commun, mais on peut se demander si les politiques qu’il met en place ne lui servent pas uniquement à justifier son existence.

Par Nathalie Elgrably-Lévy, de Montréal, Québec.

Pour éviter les intoxications, les parents de bambins conservent les médicaments et les produits chimiques hors de la portée de leurs rejetons. Cette mesure, certes nécessaire, est néanmoins abandonnée dès que le petit est jugé suffisamment responsable par ses parents.

Toutefois, si les parents reconnaissent un jour la maturité de leurs enfants, les bien-pensants du Bureau du coroner du Québec nient régulièrement celle des citoyens, quelquefois de manière arrogante et vexatoire. La sortie récente des coroners [1] Dr Pierre Guilmette et Me Andrée Kronström en est un exemple.

Au nom de la sécurité publique, ces deux coroners recommandent de retirer les sirops antitussifs des tablettes pour que seul le pharmacien en ait le contrôle. Ils préconisent donc que l’État nous traite comme si nous étions de jeunes enfants. Pourquoi une mesure aussi radicale ? Parce que l’an dernier, deux hommes, âgés de 64 et 65 ans, sont décédés à la suite d’une intoxication accidentelle au dextrométhorphane, une substance présente dans les sirops contre la toux. Pour appuyer leur recommandation, les coroners soulignent que de 2000 à 2009, vingt décès ont été causés par une intoxication involontaire avec des antitussifs, de l’acétaminophène (Tylenol) et de l’acide acétylsalicylique (Aspirin). Oui, vingt décès en dix ans, et c’est la panique !

On ne peut que déplorer ces pertes de vie et ressentir de l’empathie pour les familles des défunts, mais deux décès par année justifient-ils pareille mesure ? Est-ce suffisant pour augmenter l’arsenal législatif et réglementaire des pharmacies, de même que pour pénaliser des millions responsables qui respectent les posologies ? Est-ce une raison pour que nos dirigeants nous prennent pour de parfaits imbéciles et s’autoproclament gardiens de notre sécurité ?

Que la consommation de médicaments présente incontestablement des risques. Néanmoins, la logique des deux coroners est dangereuse, car si deux décès par an suffisent pour justifier que l’on contrôle la vente d’antitussifs, où cette inquisition étatique s’arrêtera-t-elle ? Les dangers potentiels sont innombrables et omniprésents dans notre quotidien. On peut se couper avec un couteau de cuisine ou en manipulant des outils, tomber dans les escaliers, glisser dans la baignoire, s’étouffer en mangeant, etc. En quantité excessive, tous les produits que nous consommons, y compris l’eau, peuvent être mortels. Et que dire des interactions entre l’alcool et les médicaments ? Faudrait-il tout contrôler ?

Ce qui est encore plus désolant que le ridicule intrinsèque de la recommandation, c’est le fait qu’elle soit symptomatique d’une classe dirigeante impérieuse qui carbure à la prolifération des peurs, à l’hyper-réglementation et, surtout, à l’infantilisation outrancière des citoyens. Elle prétend vouloir nous protéger, mais elle nous déresponsabilise. Elle affirme œuvrer pour le bien commun, mais on peut se demander si les politiques qu’elle met en place ne lui servent pas uniquement à justifier son existence.

Les coroners ont fait leurs recommandations. À mon tour de leur en faire une : respectez donc notre intelligence et notre sens des responsabilités et, surtout, abandonnez ce réflexe de vouloir protéger les gens contre eux-mêmes : c’est franchement désagréable ! Vivre est une activité dangereuse qui mène à une mort certaine. Nous en sommes conscients. L’êtes-vous ?

—-
Sur le web

Note :
[1] Le coroner est un officier public nommé par le gouvernement qui intervient à l’égard de certains types de décès pour faire la lumière sur les causes médicales et les circonstances du décès.

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