L’Allemagne se prépare à une faillite de la Grèce

La chancelière allemande doit composer avec une opinion publique de plus en plus hostile au soutien de la Grèce

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L’Allemagne se prépare à une faillite de la Grèce

Publié le 13 septembre 2011
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Devant l’incapacité des dirigeants de la Grèce à assainir le budget du pays, l’exaspération se fait de plus en plus vive en Allemagne. L’un des derniers tabous est tombé après qu’un ministre a estimé que toutes les solutions devaient être étudiées pour sauver la zone euro, y compris celles d’une faillite et d’une sortie.

Les dirigeants européens s’étaient pourtant jurés que cela n’arriverait pas. Et pourtant, l’un des derniers tabous de la zone euro est tombé, lundi 12 septembre. Dans une interview accordée au journal Die Welt, le ministre allemand de l’économie Philipp Rösler a estimé que « pour stabiliser l’euro, il ne doit plus y avoir à court terme d’interdiction de penser à certaines options », dont celle d’une « insolvabilité ordonnée ». En d’autres termes, la Grèce pourrait bientôt devoir être mise en faillite pour restructurer sa dette. Certes Bruxelles a rejeté à nouveau cette possibilité le jour même, après les déclarations du ministre. Mais pour combien de temps ? On murmure déjà à Berlin qu’il pourrait s’agir d’une question de semaines, voire de jours.

En Allemagne, le scepticisme qui a accueilli l’annonce des différents plans de sauvetage est en train de se transformer en hostilité affichée. Le 9 septembre dernier, un sondage réalisé pour la chaine ZDF révélait que trois Allemands interrogés sur quatre se déclaraient hostiles à l’élargissement des garanties allemandes en faveur des pays surendettés de la zone euro, de €123 à €211 milliards, soit 27% du montant total. Autant dire qu’un retrait allemand priverait la zone euro tout entière de son principal sauveteur.

La classe politique allemande elle-même ne cache plus son impatience et les voix se font de plus en plus nombreuses pour demander la fin de l’indulgence vis-à-vis d’Athènes. La chancelière allemande Angela Merkel a estimé que la Grèce ne devait pas recevoir d’aides supplémentaires tant qu’elle n’aurait pas fait la preuve de sa détermination à entreprendre une réduction des dépenses, tout en appelant ses compatriotes à faire preuve de patience. Cependant, « en dernier lieux, on ne peut plus exclure que la Grèce doive sortir de la zone euro », a déclaré Christian Lindner, le secrétaire général du FDP, parti allié de la CDU d’Angela Merkel.

Hans-Werner Sinn, économiste et président du très influent think tank Institut for Economic, estimait le 12 septembre, lors d’une conférence de presse, qu’une faillite grecque serait une « libération » pour le pays. L’économiste a par ailleurs affirmé que « la seule issue pour la Grèce est de dévaluer au moins de 20% à 30% » sa monnaie, a-t-il dit. « Pour cela il faut quitter la zone euro, ce serait le scénario le moins grave ». Mais cette décision revient à la Grèce seule.

Deux scénarios grecs à l’étude en l’Allemagne

Ce sentiment d’exaspération en Allemagne fait suite à une succession d’événements qui ont envoyé les bourses européennes au tapis depuis le milieu de l’été. La Finlande a annoncé avoir passé un accord avec la Grèce prévoyant des garanties supplémentaires parallèlement au second plan d’aide de €158,6 milliards arrêté par les pays de la zone euro le 21 juillet dernier. Cette annonce de nature à faire vaciller le processus de sauvetage a fortement ébranlé les investisseurs sur les marchés.

En août, l’Italie est entrée à son tour dans la tourmente et a dû annoncer un plan d’austérité dans l’urgence afin d’éviter le risque d’un défaut de paiement. Un défaut évité de justesse grâce à l’intervention de la Banque centrale européenne qui s’est engagée à prêter de l’argent au gouvernement de Silvio Berlusconi en échange de coupes budgétaires drastiques. Ajoutée à celle de la Grèce, cette faillite supplémentaire serait insoutenable pour l’union monétaire européenne.

Puis, début septembre, une commission indépendante de contrôle du budget a estimé que la dynamique de la dette grecque était désormais « hors de contrôle ». Les représentants de la troïka (UE, FMI, BCE), qui menaient une inspection des comptes publics grecs, ont suspendu pour dix jours leur mission à Athènes après avoir constaté que les engagements de réduction budgétaire pris par la Grèce n’avaient pas été tenus.

Devant une telle accumulation de signes avant-coureurs, le ministère allemand des finances travaillerait déjà sur l’hypothèse d’une faillite grecque, selon l’hebdomadaire Der Spiegel, qui affirme qu’il a élaboré deux scénarios : 1. la Grèce garderait l’euro ; 2. elle réintroduirait la drachme. Des informations que n’a pas démenties un porte-parole du ministre qui a reconnu que ses services « se préoccupaient de développements potentiels » dans ce pays, rapporte l’AFP.

Sous la pression, le gouvernement grec a annonce le 11 septembre dernier l’instauration d’une nouvelle taxe immobilière qui devrait rapporter près de €2 milliards selon le Premier Ministre Georges Papandreou. Cet impôt devrait s’accompagner d’une privatisation accélérée des biens d’État, afin de boucher les trous dans le budget de l’administration grecque. Mais de toute évidence, la confiance ne règne plus et cette annonce a reçu un accueil glacial en Allemagne.

« Les mots sont une chose, l’action en est une autre », estimait Guido Westerwelle, ministre allemand des affaires étrangères lors d’une conférence de presse commune avec son homologue finlandais le 6 septembre dernier. Comprenne qui pourra : voter une loi ne suffit pas, encore faut-il la mettre en œuvre. Dans le cas contraire, faillite ou sortie, il faudra choisir.

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  • Madame Merkel doit faire face à une opinion qui doit travailler jusqu’à 67 ans et à qui on demande de combler la dette de Grecs qui prennent leur retraite à 50 ans. L’opinion SAIT que c’est de l’argent à fond perdu. L’opinion en a assez du laxisme grec (corruption, fraude fiscale)
    La Grèce est entrée dans la zone Euro avec des comptes trafiqués avec l’aide de S&P : elle n’aurait jamais dû entrer. Il est temps que les Grecs sortent de l’Euroland.
    L’Europe est en train de payer l’élargissement forcené à des pays beaucoup trop hétérogènes à qui elle veut imposer des règles communes.
    Quand on s’est trompé de façon aussi manifeste, on rectifie. Or là, on s’enfonce en se racontant que demain tout ira mieux, Madame la Marquise.

  • Et le côté paradoxal de l’affaire est que l’opinion publique allemande est hostile à l’aide à la Grèce mais qu’elle vote depuis quelques mois en faveur des partis de gauche qui y sont favorables. Comprenne qui pourra.

    • Ils votent contre Merkel, c’est-à-dire en faveur de l’opposition.

      Le reste se ramène à la maigre offre politique disponible outre-Rhin. Existe-t-il seulement un parti eurosceptique en Allemagne?

  • Les commentaires sont fermés.

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Auteur : Eric Dor, est Director of Economic Studies, IÉSEG School of Management

 

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