Faire du lobbying apporte-t-il encore quelque chose à la minorité homosexuelle en France ? N’est-il pas temps de prendre ses distances avec ce combat qui a l’air de plus en plus un combat opportuniste d’arrière garde, pour prendre la voie de la banalisation ?
Par Aurélien Véron
À l’occasion de la délibération et de la décision (insipide, mais qu’attendre d’autre ?) du Conseil Constitutionnel, la polémique Jacques Myard est venue percuter le débat sur le mariage des personnes de même sexe. Cet élu de la droite dure a exprimé avec une maladresse déplacée son mépris pour l’homosexualité. Bon, je sais un peu ce que c’est. En tant que libéral, je suis habitué à être perçu comme quelqu’un d’explicitement pervers. Je connais même des libéraux qui ont vu leur carrière sérieusement mise à mal à cause de cette “anormalité sociale”, et je ne parle pas des menaces personnelles. Hélas ici, une fois de plus, l’enjeu de l’accès des homosexuels à l’institution civile du mariage s’est retrouvé imbriqué dans le débat bien distinct autour de la liberté d’expression, dont la tendance au rétrécissement prend un aspect effrayant.
Je ne considère pas qu’être majoritaire autorise à brimer les minorités, dérive fréquente dans toute démocratie ; je ne suis pas davantage favorable à voir les minorités brimer la majorité, pas plus que d’autres minorités. Si chacun doit pouvoir mener sa vie comme il l’entend dans le respect des droits d’autrui, rien ne justifie d’imposer à tous ses choix propres. En dressant la liste des discriminations interdites par la morale puis, rapidement, par la loi, un univers bien pensant est en train d’ériger une monstrueuse discrimination en érigeant arbitrairement un mur entre le camp officiellement étiqueté “du bien” et celui “du mal”. J’ai pu observer que critiquer, voire insulter les chrétiens, les musulmans ou la classe aisée (bourgeoise) est admis, et presque encouragé. Mais qu’en revanche, ne pas considérer positivement les homos ou d’autres minorités à l’influence similaire aboutit à l’exclusion sociale, médiatique. Cette hiérarchisation des valeurs est-elle légitime ?
Depuis de nombreuses années, je défends l’alignement de la situation des couples de même sexe en France sur la plupart des pays européens pour le mariage, ou l’union civile selon les pays. D’ailleurs, cela pose la question de l’appropriation du mariage par l’État. À défaut de couper complètement le lien entre le mariage et l’État, nous devrions substituer un contrat d’union civile au mariage, celui-ci étant avant tout un contrat moral, mystique, religieux entre adultes consentants devant une autorité choisie. Cela simplifierait grandement le rapport du politique au mariage. Il serait beaucoup plus simple d’appliquer le principe d’égalité sans distinction de sexes, dans un cadre légal minimal. Le “mariage” relèverait alors de la vie privée, religieuse et/ou notariale. Mais l’enjeu réel du mariage étendu aux homos, c’est l’homoparentalité. Immense tabou dans un pays qui compte pourtant un grand nombre de familles homoparentales. Il me semble essentiel de clarifier la responsabilité des familles recomposées, adoptives ou qui ont eu recours à l’insémination artificielle, vis-à -vis des enfants dont personne ne souhaite le malheur.
La notion d’union civile, ou mariage dans le cadre actuel, concerne des dizaines de milliers de citoyens, mais aussi entre 30.000 et 300.000 enfants dont au moins l’un des deux parent est homosexuel. L’aspect fiscal et patrimonial a été en grande partie résolu par le PACS, qui n’impose pourtant pas les mêmes devoirs et obligations que le mariage proprement dit. Et la question de l’autorité parentale est en train de se mettre progressivement en place à travers le cheminement chaotique de la jurisprudence. Mais au terme de ces évolutions, la question de l’égalité de traitement entre hétéros et homos se pose. Surtout, encore une fois, sur le plan parental.
Pour autant, je me dois d’accepter l’expression de ceux qui rejettent l’homosexualité. Cela ne signifie pas que je partage leurs convictions, mais j’accepte de coexister avec eux dans une société ouverte. Or, je constate que les tenants de la pensée unique ne donnent souvent pas la parole à ceux qu’ils vouent aux gémonies. Cette condamnation sans débat contradictoire, en coupant le micro à l’opposant, est non seulement injuste et cruelle, mais elle engendre un sentiment de rejet chez tous ceux qui partagent plus ou moins ce sentiment refusé et condamné par une petite élite médiatique. Ce sentiment d’injustice devant une condamnation sans défense, ce goût de la marginalisation forcée nourrit et renforce ce clivage pourtant fragile. À la peur de ce qu’on ne connait pas se substitue la haine de ceux qu’on pense disposer de privilèges indus.
J’ai eu des discussions avec Christian Vanneste sur la question de l’homosexualité dans la société. Je ne partage pas son opinion, mais je ne vois pas en quoi je pourrais exiger qu’elle soit condamnée. Jacques Myard est un réactionnaire étatiste dont je ne partage pas les valeurs, je ne vois pas sur la base de quel principe moral je pourrais lui interdire de s’exprimer. Le pire, c’est que la gauche, en proportion aussi homophobe que la droite, est parvenue à capter une bonne part de l’électorat gay sur les fondements d’une escroquerie morale. Pourquoi la majorité de l’électorat homo accepte-t-il d’être ainsi instrumentalisé par une force politique qui n’a rien à faire d’eux, et ne s’intéresse qu’à leurs voix ?
Par ailleurs, je rappelle que l’idéologie d’extrême-gauche défendue par Mélenchon et Besancenot n’a pas seulement interdit l’homosexualité, elle a souvent envoyé les homosexuels à la mort. À Cuba s’exerce toujours, selon Têtu, « harcèlement policier permanent, interdiction des lieux de rencontre, internement pour les séropositifs, la dictature castriste impose toujours sa loi [aux homosexuels] ». Et cette idéologie largement répandue en France n’est jamais condamnée par les organisations homos. Désapprouver avec mépris est interdit, partager l’idéologie qui mène à la mort ne semble poser problème à aucune association de défense des associations LGBT. Pour autant, je ne comprends toujours pas ce que Gaylib fait à l’UMP.
Mais sur le fond, après tout, faire du lobbying apporte-t-il encore quelque chose à la minorité homosexuelle en France ? N’est-il pas temps de prendre ses distances avec ce combat qui a l’air de plus en plus un combat opportuniste d’arrière garde, pour prendre la voie de la banalisation ?
L’Etat ne s’est pas approprié le mariage. Il a remplacé l’autorité morale, qui était la religion, et qui organisait la vie sociale, dont le mariage.
Le mariage a donc toujours été régi par une autorité, fut-elle morale, et n’a jamais été un contrat libre entre deux personnes, devant une autorité choisi.
Cette autorité imposant des obligations, et des avantages aussi, que n’ont pas les célibataires.
(Est-ce qu’un raisonnement libertarien ne pousserait pas plutôt à la suppression du mariage, d’ailleurs?)
Ce qui manque aujourd’hui, c’est le débat. Je n’ai pas vu passer d’article s’interrogeant sur le mariage: qu’est-ce que c’est, ou qu’est-ce que ce devrait être, pourquoi a-t-il été imposé? C’est en fonction de la conception ce qu’est le mariage que l’on peut décider si une union homosexuelle est concernée.
On raisonne plutôt en terme de tradition, ou d’opposition à la tradition.
Mais ce n’est qu’un exemple de l’absence de débat de société. Nous sommes à l’époque des lobbys et de la communication. Nous vivons en démocratie, mais comment se faire une opinion, voter, sans personne pour développer des arguments, que nous ne pouvons raisonnablement pas tous inventer seuls dans notre coin?
Tout à fait, cette problématique du mariage civil proprement dit est curieusement absente.
Mais j’imagine que c’est le propre d’une société où l’omniprésence de l’Etat -jusqu’à définir légalement qui peut prétendre former une famille et qui ne le peut pas- est perçue comme normale et légitime.
Vous savez quoi ? Ce n’est pas un secret, mais en vérité, vous emblez découvrir le principe de la liberté d’expression dans une démocratie : elle est limitée. C’est ce qui protège notamment les minorités. Les homosexuels sont une de ces minorités qui ont longtemps souffert en France, qui souffre encore beaucoup ailleurs. Rappelons simplement que dans quelques pays, parce que certains « rejettent l’homosexualité », parce que l’Etat les y autorise, les y encourage même, on les tue. Purement et simplement. Ou au mieux, on les envoie en prison.
La marche des homosexuels vers un respect intégral de leur personne (respect qui leur est du, osons souligner l’évidence) n’est pas finie, y compris en Europe, notamment en France. En France, des homosexuels sont encore aujourd’hui discriminés, se suicident, sont parfois assassinés parce que justement certains « les rejettent ». Le rôle d’un élu, ce n’est pas d’encourager (car ça revient à ça : tenir des propos homophobes, c’est la première étape ; la mort, la dernière) l’homophobie.
Rejeter quelqu’un parce qu’il a une orientation sexuelle différente de la votre n’est pas acceptable. C’est moralement injustifiable ; c’est une violation des droits des homosexuels.
Un homosexuel a droit au même respect qu’un hétérosexuel, et personne – surtout pas les hétérosexuels ! – n’a le droit de décider qu’il a moins de valeur qu’un être humain, et qu’on peut le « rejeter » à cause de son homosexualité.
La République ne fait que rappeler toutes ces évidences en condamnant les propos homophobes. Et c’est d’autant plus grave quand ça vient d’élus de la République dont le rôle essentiel, dont le rôle premier (mais beaucoup l’ont semble-t-il oublié ; à mon sens, ils ne sont alors plus dignes d’être des représentants du peuple) est de protéger les droits de l’homme. L’homophobie est une violation des droits de l’homme. Ce n’est pas une simple opinion qu’on peut tolérer.
Pour conclure, juste une réponse à votre dernière phrase : « N’est-il pas temps de prendre ses distances avec ce combat qui a l’air de plus en plus un combat opportuniste d’arrière garde, pour prendre la voie de la banalisation ? ». En fait, j’ai envie de vous répondre : « mais de quoi je me mêle ? ». Je trouve toujours ça magnifique tous ces gens qui se permettent de décider de ce qui est bien ou non pour les homosexuels. Les homosexuels ont leur histoire propre, leur vécu, leurs associations qui les défendent très bien : mais toujours, il faut que quelqu’un – un hétérosexuel de préférence – vienne nous dire ce qui est bon pour nous. Un peu comme cette histoire de mariage : « ils ont le PACS, c’est suffisant, le mariage, ils en ont pas besoin ». Mais mince alors ! Laissez nous décider nous même de ce qu’on veut ! On est adulte, on est assez grand pour savoir ce qui est bon ou mauvais pour nous ! Il a fallu qu’on se cache et qu’on se taise pendant des décennies en France parce que les hétérosexuels en avaient décidé ainsi ; l’homosexualité a été condamnée par la justice parce que les hétérosexuels en avaient décidé ainsi ; on nous interdit le mariage parce que les hétérosexuels en décident ainsi. C’est simple : on ne vous demande rien. Ou plutôt on veut tout, comme vous. Ni plus, ni moins. Et on ne veut surtout pas de votre avis sur comment on devrait vivre ! Ou ne pas vivre plutôt… Puisque vos choix reviennent à ça pour nous !
Vouloir limiter la liberté d’expression, cela revient à la supprimer…
Ce qui revient à militer contre votre cause, car pour l’instant, ce sont surtout dans les pays où la liberté d’expression est “limitée” que l’on ne tolère pas les homosexuels.
Ensuite, par rapport au mariage, en tant que libéral, j’estime que l’Etat n’a pas à se soucier ou à favoriser les rapports intimes entre les individus. Accorder des privilèges étatiques parce que des personnes se seraient unies sexuellement est une discrimination vis-à -vis des célibataires et une immixtion de l’Etat dans la sphère privée.
Par contre, la seule raison qui justifierait à mon sens le mariage civil, c’est le droit d’adoption. Car le droit naturel d’un enfant est d’avoir un père et une mère. Si l’un des deux venait à manquer, l’Etat, qui devrait avoir pour seul mandat de garantir les droits naturels à un individu, se doit de repourvoir à l’enfant le parent manquant.
Si un enfant n’a pas de père, l’Etat doit lui retrouver un père, si un enfant n’a pas de mère, l’Etat doit lui retrouver une mère.
Et je tiens à souligner l’évidence qu’un individu de sexe masculin ne peut jouer le rôle de la mère et qu’un individu de sexe féminin ne peut jouer le rôle du père.