Rentiers v. entrepreneurs : l’erreur logique de Piketty

Inégalités : pourquoi les démonstrations de Thomas Piketty n’ont aucune valeur.

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Thomas Piketty (Crédits Parti Socialiste du Loiret licence Creative Commons)

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Rentiers v. entrepreneurs : l’erreur logique de Piketty

Publié le 1 avril 2016
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Par Guillaume Nicoulaud.

Thomas Piketty (Crédits : PS du Loiret, licence Creative Commons)
Thomas Piketty (Crédits : PS du Loiret, licence Creative Commons)

L’idée force du Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty peut se résumer comme suit : le taux de rendement du capital (r) est plus élevé que le taux de croissance des revenus (g).

C’est l’inégalité fondamentale r>g qui fait que, même si les détenteurs de capital ne capitalisent qu’une fraction des revenus tirés d’icelui, leurs patrimoines (et les revenus associés) croîtront plus vite que le reste de l’économie. À plus ou moins brève échéance, ils posséderont pratiquement tout tandis que l’immense majorité de ceux qui ne vivent que des revenus de leur travail n’auront, pour ainsi dire, rien.

À l’appui de sa théorie, Piketty compare la croissance du patrimoine moyen mondial à celle des un cent millionièmes les plus riches d’entre nous (le 0,000001 %) de 1987 à 2013 et observe, ce qui est sans doute exact, que ce x % a vu son patrimoine croître de 6,8 % en moyenne contre seulement 2,1 % pour le commun des mortels (Tableau 12.1, page 693).

De là, l’auteur du Capital au XXIe siècle conclut que :

De 1987 à 2013, les plus hauts patrimoines mondiaux ont progressé de 6%-7 % par an, contre 2,1 % par an pour le patrimoine moyen mondial .

 

Piketty se trompe

J’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer (voir The x % Puzzle) : c’est une erreur intellectuelle totale.

Le fait que le x % d’aujourd’hui soit y % plus riche que le x % d’hier ne signifie en aucune façon que le x % d’hier se soit enrichi de y % ni même, d’ailleurs, qu’il se soit enrichi tout court.

Plus précisément, la conclusion que tire Piketty n’est juste que si et seulement si le x % d’aujourd’hui est constitué, au moins en grande partie, des mêmes personnes que le x % d’hier (ou de leurs héritiers).

Une manière simple de comprendre ce principe consiste à imaginer que le x % d’il y a 10 ans possédait en moyenne 10 millions de dollars ; que tous, depuis, ont été intégralement ruinés et que, dans le même temps, une nouvelle génération d’entrepreneurs issus de milieux modestes aient construit des fortunes d’une valeur moyenne de 15 millions de dollars. On observe donc bien que les x % les plus riches d’aujourd’hui sont 50 % plus riches que les x % d’il y a 10 ans.

En quoi est-ce différent des observations de Piketty ? En rien.

En quoi est-ce différent des conclusions de Piketty ? En tout.

C’est même une description parfaitement orthogonale de la réalité ; un monde dans lequel les riches se sont considérablement appauvris et quelques pauvres se sont considérablement enrichis ; l’antithèse du monde de rentiers décrit dans Le capital au XXIe siècle.

 

Question de logique

De la même manière, le fait que les x % les plus riches aujourd’hui se soient plus enrichis que la moyenne au cours des dernières décennies ne signifie aucunement que les riches se soient enrichis plus vite que les autres.

C’est une simple question de logique : s’ils font partie du x % d’aujourd’hui, c’est peut-être (et même probablement) parce qu’ils se sont beaucoup enrichis récemment. C’est un biais de sélection à ce point classique qu’il porte même un nom : on l’appelle biais du survivant.

Bref, les démonstrations de Piketty n’ont aucune valeur. Cela ne signifie pas qu’il a nécessairement tort mais qu’il tire des conclusions sur la base d’observations qui peuvent tout aussi bien signifier l’exact contraire de ce qu’il dit.

Toute la question est donc de savoir si les données que nous observons tendent plus à confirmer les conclusions de Piketty — un monde d’héritiers oisifs qui se contentent de faire fructifier leurs fortunes — ou le scénario inverse : celui d’un monde dominé par des entrepreneurs qui bâtissent leurs fortunes de leurs propres mains. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, une rapide analyse du CV des plus grandes fortunes mondiales tend vers le scénario des entrepreneurs mais les partisans de Piketty ne manqueront pas d’y opposer la faible représentativité du panel — et ils auront raison.

Seulement voilà, en y réfléchissant un peu, il y a quelques bonnes raisons de penser que c’est bien la thèse des entrepreneurs qui décrit le plus fidèlement la réalité. Cela fera l’objet d’un prochain billet ici même mais je vous préviens tout de suite, ça risque d’être un peu technique.

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