Prix de l’énergie en hausse, rénovation qui stagne : comment expliquer ce paradoxe ?

Alors que les Français font face à une flambée des prix de l’énergie, la rénovation énergétique des logements n’atteint pas les niveaux espérés. Ce paradoxe révèle les complexités d’un marché où les incitations économiques se heurtent à des obstacles pratiques et financiers.

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Source : Cherry lin sur Unsplash.

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Prix de l’énergie en hausse, rénovation qui stagne : comment expliquer ce paradoxe ?

Publié le 11 novembre 2023
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Un article de Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, IAE Savoie Mont Blanc

Avec une hausse des prix de l’électricité de 26 % et du gaz de 50,6 % entre janvier 2018 et décembre 2022 en France, nous aurions pu nous attendre à une progression significative de la rénovation dans le résidentiel.

En France, ce dernier compte pourtant encore 36 % de chaudières au gaz et 26 % au fioul. Seuls 5 % des résidences principales sont classées en étiquette A ou B en 2022, et le nombre de logements mal isolés demeure considérable (39 % des logements en étiquettes E, F et G).

Répartition des logements par étiquette énergétique entre 2018 et 2022. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

 

Au cours de l’hiver 2021-2022, « 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid pendant au moins 24 h et 11,9 % des Français les plus modestes ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement en 2021 ».

Le secteur résidentiel reste ainsi un gisement important d’économie d’énergie, en particulier en matière de rénovations en efficacité énergétique. Et pourtant, les ménages semblent faire abstraction d’opportunités d’investissement apparemment rentables : c’est ce que l’on appelle « le paradoxe énergétique ».

Comment l’expliquer, alors qu’à première vue,  le prix de l’énergie devrait au contraire donner un coup de pouce à la rénovation ?

 

Prix de l’énergie, un incitateur ?

En réalité, la demande d’énergie est peu sensible au prix à court terme : pour une hausse de 100 % des prix de l’énergie en moyenne, les ménages les plus pauvres réduisent leur consommation de chauffage entre 6 % et 11 % en fonction de leur revenu.

Évolution des prix ménages pour l’électricité et le gaz entre 2018 et 2022. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, données et études statistiques, élaboration de l’auteure

 

Il est en effet plus facile de réduire sa consommation tant qu’une marge de manœuvre est possible et qu’il existe des solutions substituables sur le marché : pour le chauffage, par exemple, l’électricité peut se substituer au gaz dans de nombreux cas. A contrario, il n’existe pas de substitut à l’électricité pour l’éclairage ou les appareils électroménagers.

En revanche, la réaction s’observera avec plus de force à long terme : la chute de la demande est alors bien plus importante que l’augmentation du prix. C’est le concept d’élasticité-prix de la demande : à la suite d’un choc sur les prix, les ménages n’ont pas le temps, ni d’ajuster instantanément leur comportement ni de changer leurs équipements. En revanche, ces chocs de prix influenceront leur processus de décision et de consommation à long terme. Ainsi, quand bien même on n’observe pas d’effet à court terme de la hausse des prix de l’énergie, les effets pourraient se faire sentir dans un horizon plus lointain.

 

Un paradoxe analysé par les économistes

Si elle est cruciale, la question du prix de l’énergie n’est pas le seul argument à peser dans la décision des ménages de changer ou non leurs équipements.

Rappelons également que pour bénéficier de la plupart des aides de l’État, les ménages doivent faire appel à un professionnel du bâtiment agréé. Dans certaines régions, la tension sur l’offre est importante et il est parfois difficile de trouver un professionnel compétent rapidement disponible…

Pour tenter d’expliquer néanmoins ce paradoxe de la diffusion très progressive d’équipements énergétiques apparemment rentables, de nombreux économistes ont analysé la nature et l’occurrence des barrières à l’investissement. Ces dernières sont nombreuses.

 

De multiples freins à l’adoption

Parmi elles, le statut d’occupation joue un rôle : rappelons qu’en France le pourcentage de locataires s’établit à 35,3 % en 2021. Citons également les difficultés d’accès au crédit, ou bien l’hétérogénéité de revenus, de préférence et de sensibilité environnementale qui existent entre les individus.

Les dépenses d’investissement dans des nouvelles technologies sont en outre affectées par la combinaison entre différentes sortes d’incertitudes (incertitude sur les gains énergétiques, sur les prix de l’énergie, sur les politiques publiques ou encore sur les prix des futurs produits et des coûts d’installation), et de leur irréversibilité (car les coûts sont irrécouvrables). Ce qui pousse les ménages à retarder autant que possible les investissements, en attendant d’obtenir de nouvelles informations.

D’autres freins à l’adoption interviennent, tels que les coûts associés à la recherche d’information sur les technologies ou encore ceux engendrés par la gêne occasionnée durant les travaux. Tous ces éléments, non pris en compte dans la plupart des analyses coûts-bénéfices, rendent des investissements profitables à première vue, moins rentables que ce qu’ils semblent être en réalité.

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  • Peut être aussi que les investissements ne sont pas rentables. Mettre 15k dans une PAC pour économiser 500€ par an, on a un ROI défavorable. Comme le diesel, comme les voitures électriques.

    • Exactement. Avant de parler de paradoxe, il conviendrait de vérifier les chiffres. Et dès qu’on regarde les cas individuels au lieu des pourcentages de la population, on constate que l’investissement dans l’isolation, quand il était rentable, a été effectué depuis 10 ans au moins et que ce qui reste n’est pas le moins du monde rentable, c’est une arnaque monstrueuse.
      Que l’auteur nous fasse le calcul avec l’équipement en pompes à chaleur d’un immeuble dans une station de sports d’hiver…

    • Ne l’ébruitez pas malheureux. Car certains pourraient en conclure que le prix de l’énergie est encore bien trop bas.

    • vous oubliez que les 500 euros reposent sur un prix de l’énergie à venir..

      que le gouvernement peut et veut contrôler..

      il peut rendre l’investissement « rentable ». à confort équivalent..

      le pauvre peut éviter la dépense en baissant le chauffage..
      on le FORCE à perdre ce degré de liberté car le confort est un droit..
      qui devient une obligation.

      c’est assez rigolo il est « criminel » de chauffer à plus de 19° C mais …il est aussi criminel de vivre dans un appart à 12°

  • Ce n’est pas du tout un paradoxe. Pour investir il faut des capitaux et/ou des emprunts à taux inférieurs au taux de rentabilité , ce qui n’est pas réuni
    dans un pays qui s’appauvrit rapidement et où les emprunts sont à, des taux supérieurs au taux de rentabilité. Aux propriétaires, assommés par les impôts,
    il ne reste rien pour investir. Demandez à Mme Hidalgo.

  • Paradoxe : mot inventé par les élites pour excuser leur manque de compréhension de la situation du commun des mortels .

    • Définition du ROBERT:
      « paradoxe
      nom masculin
      1.Opinion qui va à l’encontre de l’opinion communément admise.
      2.Association de deux faits, de deux idées contradictoires. »
      Il n’y a ni paradoxe, ni contradiction entre d’une part le coût de l’énergie que l’on est bien obligé d’économiser faute de moyens financiers d’en suivre la hausse, et d’autre part les promesses mal évaluées des économies réalisables grâce à la rénovation énergétique dont les coûts extrêmement variables et souvent élevés ne sont pas financièrement à la portée des classes moyennes ou inférieures. Les aides publiques ne sont là que pour déclencher une action coûteuse de rénovation puisqu’elles ne prennent en charge qu’une fraction très limitée du coût total( et à condition d’être éligible selon d’obscurs critères de revenus!). Ces mesures ( mesurettes) n’attirent en fait que les pigeons ayant l’habitude d’acheter des promotions plus ou moins réelles, des ristournes habilement déguisées et autres attrapes nigauds! Et dans le climat actuel d’incertitude et d’instabilité réglementaire généralisée en France ( et en Europe), l’important c’est d’attendre ( et de voir !).

  • Il y a encore 5 ans, par l’intermédiaire des normes de confort thermique des logements, l’État promouvait et même subventionnait le chauffage au gaz.
    Aujourd’hui, il nous demande de nous débarrasser de notre chauffage au gaz pour adopter la nouvelle lubie à la mode : la pompe à chaleur.
    Qu’en sera-t-il demain ? Quand on aura plus efficace que la PaC, est-ce qu’il nous encouragera à nous débarrasser de nos « vieux équipements inefficaces » ?
    Quand on achète un équipement de ce type, ce n’est pas pour 5 ans, durée de vie classique de ce type de lubies, c’est pour 10 à 20 ans. Le « paradoxe » n’en est peut-être un que pour les personnes qui n’ont jamais eu à se demander comment ils vont chauffer leur logement dans les 15 ou 20 prochaines années. Sans parler des logements collectifs, où l’inertie pour prendre une décision de ce type est encore plus grande !

    • Maison de 250 mètres carrés en pierre. Ancienne. Dans les alpes.
      (Isolation : perte de son « cachet »…ce qui n’est pas rien !)
      Chaudière à condensation au fuel qui fonctionne depuis 30 à 40 ans…et qui peut encore durer longtemps. Vu avec un chauffagiste : Une PAC n’arriverait pas à la chauffer.
      Il en faudrait deux grosses pour un montant d’environ 40.000€ pour une durée de vie estimée à 15 ans…en sachant que quand il fait moins de -15° les PAC ne suivent plus.
      Donc il faut un autre moyen de chauffage en backup !
      Et parlons de toutes les maisons ayant du style : vieille maison périgourdine, belle maison à colombage etc…ill faut les massacrer avec une isolation extérieure ??
      Nos dirigeants et les écolo-bobos n’ont vraiment pas les pieds sur terre.

      • En fait la PAC c’est pire. La COP s’effondre très rapidement. Déjà en dessous de zéro, c’est vraiment pas terrible. Et vers -7, les panneaux rayonnants deviennent meilleurs.
        Par contre quand il fait 5C dehors c’est bien efficace.
        Pour votre maison par exemple, il faudrait plutôt une petite PAC (enfin vu la taille de la maison, pas si petite), qui pourrait servir de soutien de chauffage en intersaison. Il faudrait calculer les économies de fuel potentielles. Surement pas assez pour un investissement de 40000€ par contre…

      • La PAC en montagne, c’est comme avoir une plume géante dans le cul en guise de manteau… 😉

  • Bonjour,
    « Avec une hausse des prix de l’électricité de 26 %entre janvier 2018 et décembre 2022 »
    Curieux article. Chez EDF en 2018 j’ai payé 0.142€ TTC (taxes +contributions) et pas 0.17€
    0.174€ en 2022
    0.227€ en 2023 octobre donc +30% en 10 mois

  • « 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid pendant au moins 24 h et 11,9 % des Français les plus modestes ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus « . Je trouve honnêtement que ce n’est pas beaucoup. Les français les plus modestes, soit le smic, 8%, cela fait dans les 1000€ par an. Pour un prêt amortissable sur 15 ans, et en comptant 50% d’économies (ce qui est énorme), cela fait un prêt dans les 6000€. C’est bien peu pour une rénovation de l’isolation ou des fenêtres.
    Je suis concerné par les difficultés de chauffage. Isolation intérieure impossible (bâtiment ancien). Changer les fenêtres, au moins 10000€. Changer la chaudière? Avec un modèle à condensation, on gagne au mieux 8%. La PAC peut être intéressante (j’en ai installé une moi même, ce qui est interdit d’ailleurs…), mais la performance est tout de même loin d’être optimale (c’est surtout efficace dans l’intersaison, pas en hiver froid). Notamment en dessous de zéro, ça consomme beaucoup.
    Mon investissement le plus rentable? Des rideaux épais isolants. Pour quelques centaines d’euros, vous avez une différence notable.
    Sinon des petites techniques, comme faire fonctionner la PAC de jour et pas de nuit. Chauffer uniquement la chambre la nuit. Les rideaux épais. Un feu de cheminée pour les nuits les plus froides de l’année.

  • À force d’appauvrir les Français depuis 40 ans, ils n’ont tout simplement plus les moyens de payer les rénovations thermiques. Il suffit de regarder la chute du PIB/habitant en France par rapport à la Suisse pour se rendre compte de la paupérisation des Français. Pas d’argent, pas d’investissement.

  • Pourquoi se presser?
    La réglementation change à fond régulièrement, invalidant ce que vous avez fait récemment.
    En outre, dans une copro, il faut se mettre d’accord.
    Ceux du 2ième et 3ième étage ne sont pas motivés comme ceux sous les combles oi ceux du Rez.
    En outre, il faut pouvoir. Prix astronomiques, efficacité discutable…
    Pas toujours possible de mettre du double flux, ou d’isoler un garage dont vous réduisez la hauteur de 10 à 15 cm.
    Du coup certains véhicules ne pourront plus rentrer, pour charger leur batterie sur leur borne qu’ils auront financé.
    Autant raser le bâtiment et construire un immeuble aux dernières normes pour les richissimes wokes du pays.

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