Quand la Foire du livre de Francfort invite un admirateur de Lénine

L’invitation de Slavoj Žižek à la Foire du livre de Francfort illustre la persistance de la complaisance à l’égard du communisme.

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Source : Flickr

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Quand la Foire du livre de Francfort invite un admirateur de Lénine

Publié le 20 octobre 2023
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La Foire du livre de Francfort est la plus grande foire du livre au monde et accueille des milliers d’exposants venus de près de 100 pays pour présenter plus de 400 000 titres de livres. À la veille de la foire de cette année, le philosophe slovène Slavoj Žižek a provoqué un tollé en profitant de son discours lors de la cérémonie d’ouverture pour aborder le conflit actuel entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza.

M. Žižek a condamné les attaques terroristes du Hamas contre la population israélienne, mais a également déclaré qu’il était important d’écouter les Palestiniens, et de prendre en compte le contexte du conflit pour le comprendre. Plusieurs invités ont quitté la salle en signe de protestation, notamment Uwe Becker, commissaire à l’antisémitisme du Land de Hesse, qui avait interpellé M. Žižek avant puis pendant qu’il était sur scène. M. Becker a accusé l’éminent philosophe de relativiser les crimes du Hamas et a quitté la salle à plusieurs reprises en signe de protestation.

À mon avis, les organisateurs du salon du livre ont pris une décision scandaleuse en invitant M. Žižek à prononcer le discours d’ouverture. Un scandale qui prouve une fois de plus qu’une grande partie de l’élite intellectuelle occidentale est aveugle de l’œil gauche.

Qui est cet homme ?

Žižek fait partie de ces intellectuels qui ont tendance à s’exprimer de manière confuse, nébuleuse et floue, et qui espère à juste titre que certains de ses lecteurs prendront avec révérence son verbiage vague pour de la profondeur philosophique.

Žižek n’est cependant pas flou lorsqu’il s’agit de faire des déclarations politiques.

Dans son livre Une gauche qui ose dire son nom, publié en 2020, Žižek appelle à un « nouveau communisme » :

« Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une gauche qui ose dire son nom, et non d’une gauche qui dissimule honteusement son essence sous une quelconque feuille de vigne culturelle. Et ce nom, c’est le communisme ».

Selon lui, la gauche devrait enfin abandonner le rêve socialiste d’un capitalisme plus équitable et plus « juste » et adopter des mesures communistes plus radicales. Comme objectif clairement formulé, il affirme que « la classe adverse doit être détruite ».

Žižek exalte la « grandeur de Lénine », qui réside dans le fait qu’après la prise du pouvoir par les bolcheviks, il est resté fidèle à ses principes socialistes, même si les conditions n’étaient pas réunies pour une véritable « construction du socialisme ». Selon les théories développées par Marx et Lénine, le « socialisme » est une étape transitoire nécessaire jusqu’à ce que l’objectif final du communisme soit atteint. Žižek propose d’inverser cette séquence et de viser directement le communisme, qui devrait ensuite évoluer ou régresser vers le socialisme.

Selon M. Žižek, le Grand Bond en avant de la fin des années 1950 sous Mao – la plus grande expérience socialiste de l’histoire de l’humanité – a été l’occasion de « contourner le socialisme et d’entrer directement dans le communisme ».

Malheureusement, beaucoup de gens ne savent rien du Grand Bond en avant de Mao.

Sur la base d’analyses effectuées par les services de sécurité chinois et de rapports confidentiels détaillés publiés par les comités du Parti au cours des derniers mois du Grand Bond en avant, l’historien Frank Dikötter parvient à la conclusion suivante : au moins 45 millions de personnes sont mortes inutilement à la suite de cette grande expérience socialiste entre 1958 et 1962. La majorité d’entre elles sont mortes de faim, tandis que 2,5 millions d’autres ont été torturées ou battues à mort, privées délibérément de nourriture et mortes de faim. Et c’est précisément ce Grand Bond en avant que Žižek vante avec tant d’euphorie.

Le Grand Bond en avant de Mao a également servi de modèle à la terreur communiste au Cambodge. Entre un cinquième et un quart de la population cambodgienne a péri entre la mi-1975 et le début de 1979 – les estimations varient entre 1,6 et 2,2 millions de personnes. Le chef des Khmers rouges, Pol Pot, a qualifié cette période de « super grand bond en avant ».

Žižek a déclaré que les Khmers rouges n’étaient pas allés assez loin :

« Les Khmers rouges n’étaient, d’une certaine manière, pas assez radicaux : s’ils ont poussé à son paroxysme la négation abstraite du passé, ils n’ont pas inventé de nouvelle forme de collectivité ». Il ajoute néanmoins que « la violence révolutionnaire devrait être célébrée comme ‘rédemptrice’ et même ‘divine' ».

Le sociologue Paul Hollander a commenté :

« Les convictions de Žižek semblent être enracinées dans une conviction inébranlable que rien ne dépasse les maux du capitalisme et la violence qu’il génère. C’est une conviction partagée à des degrés divers par de nombreux intellectuels occidentaux qui étaient attirés par des dictateurs de différentes tendances politiques et qui avaient en commun une disposition anticapitaliste ».

Il convient également de noter que M. Žižek est un admirateur de Che Guevara et qu’il a qualifié la terreur stalinienne des années 1930 de « terreur humaniste » :

« Le stalinisme a sauvé l’humanité de l’homme ».

Enfin, dans un article de la New York Review intitulé « The Violent Visions of Slavoj Žižek », on peut voir la photo accrochée au-dessus du lit de Žižek : celle du meurtrier de masse Josef W. Staline.

Les références détaillées des citations de Slavoj Žižek se trouvent dans l’ouvrage de Rainer Zitelmann intitulé In Defence of Capitalism

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Créer un compte Tous les commentaires (14)
  • « Les Khmers rouges n’étaient, d’une certaine manière, pas assez radicaux ». C’est du lourd!
    A t il visité les pyramides de crânes? (ce n’est pas au figuré…) Comme disait Staline, « pas d’homme, pas de problème ». Pol pot a laissé vivre 80% des cambodgiens, ce qui, pour sûr, représente bien plus que le % des électeurs de LFI en France. D’une certaine manière, il a été soft en effet: il n’a pas exterminé tous ceux qui ne le soutenaient pas.
    Après, personnellement, je doute qu’en exterminant tous les non électeurs de LFI, nous (enfin, je serais mort) nous retrouverions dans un communisme heureux. Je n’ai pas de doute que certains voudront faire l’expérience pour en être sûr.

    • oui mais il faut lui dire à lui…

    • Mélenchon se rêve depuis le début en Staline, Mao ou Pol Pot. Chez les dirigeants communistes, c’est une compétition à qui fera le plus de morts. Castro et Maduro n’ont pas de chance, ils n’arrivent toujours pas sur le podium. Mais Mélenchon a ses chances si on considère que 15% des français votent pour lui, ça fait 55 millions de français qu’il doit exterminer. Il peut passer devant Pol Pot s’il fait le job correctement et consciencieusement comme lui ont enseigné les champions.

      • Pauvre Castro, il n’y a jamais eu assez de personnes à Cuba pour rentrer sur le podium. Quant à Maduro, il n’y a maintenant plus assez de personnes. Il a laissé passer sa chance…

  • anticommunisme oui , anticommuniste non… c’est le libéralisme..

    le problème est que la droite extreme n’est pas traitée de la même façon.. LEGALEMENT …
    l’extreme droite n’est pas la réponse l’extreme gauche…

    Je vois beaucoup de faux libéraux… qui tolèrent la tyrannie pourvue qu’lele FAVORISE le commerce et la prospérité le fameux mieux vaut Pinochet que le communisme..
    ce qui permet d ‘attaquer le libéralisme dont ils se revendiquent de cupidité ..et de complicité avec la droite extreme..

    non libérer la commerce… pas le favoriser…

    ils sont libres d’inviter qui ils veulent.. mais pas libres d’installer un auteur d’extreme droit et un libéral véritable entre les deux …

    -2
    • @ jacques Lemiere :
      Une tyrannie qui favorise le commerce et la prospérité, cela n’existe pas.
      Mais une dictature qui respecte un tant soit peu le droit de propriété comparé à des totalitarismes socialistes qui détruisent la propriété privé et donc l’humanité est bien sûr préférable.
      Mieux valait pour les espagnols Franco que le front populaire (lire à ce sujet le remarquable ouvrage de Pio Moa : les mythes de la guerre civile espagnole) et mieux valait pour les chiliens Pinochet que Salvador Allende.
      Après ce passage dictatorial (bien moins terrible qu’une dictature socialiste), l’Espagne et le Chili et surtout leur population s’en sont beaucoup mieux sortis que la totalité des pays ayant souffert d’une dictature socialiste.
      Attaquer le droit de propriété, en donnant libre cours à la pulsion d’Envie (principes de base du socialisme) détruit à courte échéance les structures économiques d’une société et plonge ses habitants dans la misère, mais détruit aussi à plus long terme les structures mêmes de la société, car la pulsion d’envie détruit toute société humaine.
      Bien cordialement;

    • Si l’on souhaite vivre, oui mieux vaut Pinochet que Pol Pot. Mieux valait le Tsar que Lenine.
      Toutes les dictatures ne se valent pas, dans certaines on y vit mieux que d’autres. Et il semble que celles d’extrême gauche sont pire que celles d’extrême droite.
      On préfère avoir des droits politiques, c’est sûr. Mais si on en n’a pas dans tous les cas, alors on aime bien avoir un peu de confort tout de même.

    • oh MILLE votes négatifs ne changent rien..

  • « Malheureusement, beaucoup de gens ne savent rien du Grand Bond en avant de Mao. »
    Malheuresement beaucoup de gens ne lisent pas, ne savent pas l’ Histoire. Et les medias ne produisent que du football, des concours idiots et des films et séries tv, pour la plupart inqualifiables.
    À Rome c’ étaient du pain et des jeux…

  • Bel article, ce Zizek est un véritable salopard, un disciple de notre inénarrable Mao-léniniste en chef qu’est Alain Badiou : un truc marrant dans votre article : « M. Becker a accusé l’éminent philosophe de relativiser les crimes du Hamas et a quitté la salle à plusieurs reprises en signe de protestation. » J’imagine une scène très chaplinesque : il quitte la salle à plusieurs reprises : il rentre il gueule et il sort etc ? ça dut être tordant à voir, mais tout est permis pour emmerder un connard comme Zizek : bravo M Becker

  • A décrypter les tendances actuelles, Mao, Staline, Pol Pot seront, à moyen ou long terme, largement dépassés par l’écologisme et sa décroissance forcenée…

    • croissance ou décroissance.. collective ..pareil…eh si…

      Libéral, on ne favorise pas la croissance ou décroissance, on rend les gens libres de choisir leur niveau de prospérité …

      soyez « décroissants » messieurs les écologistes je n’ai pas de problème avec ça. sur le plan libéral..

      vivez en petites sociétés communistes , non plus..
      l’imposer aux autres..non..
      or quand un pays s’octroie le privilège de produire de la monnaie.. il devrait déjà avoir débat…

      quand on se dit libéral on doit AUSSI dénoncer les constructivismes en court. qu’on ne réalise même plus … par exemple natalistes..mais aussi consuméristes et en effet pro »croissance » …

  • il n’admire pas Lénine, il envie les dictateurs, il exprime son rêve de dicktarure , mis sous pression, ce type va d’ailleurs vous expliquer que LUI il n’aurait pas fait les erreurs de lénine… et aurait sans doute se résoudre à purger les léninistes
    demain ce type sera écologiste..ou autre.. toute idéologie où il peut s’ imaginer décider du sort des autres , position qu’il pense mériter, lui va..

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François Kersaudy est un auteur, historien reconnu, spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale et de l’histoire diplomatique. Auteur de De Gaulle et Churchill (Perrin, 2002), De Gaulle et Roosevelt (Perrin, 2004), il a aussi écrit une biographie de Churchill pour Tallandier, et une autre consacrée à Lord Mountbatten pour Payot. Il est aussi l’auteur d’ouvrages consacrés à l’Allemagne nazie.

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