Une coopération Europe États-Unis pour construire une nouvelle station spatiale ?

Une coopération pourrait voir le jour entre l’Europe et les États-Unis pour la construction d’une station spatiale. Quels sont les enjeux ?

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Une coopération Europe États-Unis pour construire une nouvelle station spatiale ?

Publié le 29 septembre 2023
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La Station Spatiale Internationale (ISS) vit ses dernières années.

Actuellement il est prévu du côté américain qu’elle soit désorbitée en janvier 2031. Les Russes, eux, parlent maintenant de 2024 après avoir envisagé 2028 (c’était avant la guerre). Il faut se rappeler que les premiers éléments de la Station ont été lancés en 1998. Elle n’aura donc vécu que trente années. Mais il faut comprendre aussi que les conceptions et les technologies évoluent, et qu’au bout d’un moment il est plus efficace et moins coûteux d’arrêter d’entretenir et de réparer, pour construire à nouveau.

 

Avant de recommencer, on peut se poser la question de l’utilité de telles stations.

À la Mars Society, on a toujours considéré que l’ISS avait davantage été un obstacle à l’exploration spatiale par vols habités, qu’une facilitation.

Robert Zubrin, fondateur de l’association aux États-Unis, disait en 1998 lors de sa création : « If we want to go to Mars, let’s do it, directly ».

Il est vrai que tout ce qu’on a appris à faire dans la station, on aurait pu l’apprendre dans les vaisseaux spatiaux, au cours de voyages vers la Lune (pour commencer) ou en surface de la Lune dans des habitats plus vastes qu’en orbite dans l’espace proche, en utilisant un minimum de ressources locales, ne serait-ce que le régolithe pour protéger nos astronautes des radiations, et en leur faisant bénéficier d’une gravité, certes faible, mais moins invalidante que l’apesanteur où évolue aujourd’hui l’ISS.

L’avantage aurait été de pouvoir faire en même temps autre chose, c’est-à-dire de la planétologie sur la Lune, et y utiliser des instruments en préparation à l’exploration qu’on aurait pu ensuite faire sur Mars.

Quoi qu’il en soit, le pli est pris, et on continuera à construire et à vivre dans des stations.

On y mènera diverses expériences scientifiques utilisant l’apesanteur (cristallisation par exemple) ou étudiant le comportement du corps humain en apesanteur, jusqu’à ce qu’on ait vraiment compris qu’il faut absolument restituer une gravité minimum pour que ce corps puisse se maintenir en bonne santé.

À partir de ce moment, on construira d’autres stations, cette fois-ci en rotation sur elle-même ou en couple avec une autre, comme celles imaginées dans les années 1970 par Gerard O’Neill (cylindres ou tores). Mais ces stations de troisième génération seront plus que des lieux d’expérimentations, elles deviendront des lieux de vie pour des populations qui auront à faire dans l’espace, ou bien qui auront choisi de travailler ou de passer leur temps dans ces endroits merveilleux, puisque leur environnement sera contrôlable, plutôt que de rester sur une Terre appauvrie et dangereuse.

 

Pour le moment, restons où nous sommes, c’est-à-dire à l’aube de ces nouvelles stations de deuxième génération (après MIR et l’ISS, les stations russes précédentes, Saliout, n’étant que des préparations à MIR).

Plusieurs pays en envisagent, en plus de la Chine qui vient de construire puis de commencer à utiliser la sienne, baptisée Tiangong.

Il y a aussi la Russie qui a repris toute son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis dans le domaine spatial et qui envisage pour l’affirmer, une station séparée, nommée « ROSS ». En août 2022 les Russes projetaient deux phases pour ROSS, la première entre 2025 et 2030, la seconde avant 2035. Bien sûr une telle entreprise coûte cher mais les Russes ont le savoir-faire et les questions de coût sont relatifs dans les pays autoritaires. Les Indiens, toujours présents quand on parle de spatial, veulent aussi leur station. Mais comme c’est la plus récente et la moins qualifiée des puissances spatiales, on attendra de voir.

Les États-Unis veulent donc continuer, et ils le feront avec le programme Starlab. Ils souhaitent certainement embarquer avec eux les partenaires qui leur restent, c’est à dire l’ESA, le Canada et le Japon. Ces derniers ne disposent pas de moyens financiers pour faire cavalier seul, et l’ESA ne le peut pas, et ne le veut pas, puisqu’elle n’a plus de lanceur propre.

On attend toujours la preuve d’Ariane 6 (son lancement), et ce projet n’est pas un lanceur vraiment lourd, comparé par exemple au Falcon Heavy de SpaceX, et parce qu’elle a toujours considéré que les vols habités étaient périphériques par rapport à ses deux activités spatiales principales : mises en orbite de satellites terrestres commerciaux ou scientifiques et envois de missions scientifiques robotiques dans l’espace profond.

Ceci dit, les compétences européennes sont intéressantes techniquement, à moins que ce soit politiquement pour les États-Unis, et elles ont ainsi des chances de continuer à être utilisées.

Cela a été le module Columbus et la plateforme de chargement Bartolomeo construits par Airbus via L’ESA pour l’ISS.

Cela a été l’ATV construit par ArianeGroup encore via l’ESA pour approvisionner l’ISS en équipements ou en consommables (et ensuite pour servir de poubelle).

Cela a été l’EMS (European Module Service) toujours via l’ESA, constituant l’adjonction fonctionnelle indispensable à la capsule Orion (en fait le troisième étage de la fusée SLS).

Et cela pourrait continuer dans le cadre du programme Starlab, puisque la société Voyager Space a choisi Airbus comme partenaire dans ce projet lancé par la NASA, pour en réaliser le module habitat (en remplacement de Lockheed Martin écarté après l’implosion de Titan au-dessus de l’épave du Titanic, car la société voulait utiliser un module gonflable que le PDG de Voyager Space considère par analogie comme trop dangereux).

Le contrat n’est pas encore attribué. Il le sera en 2025 ou 2026, mais Voyager Space et l’un des trois candidats shortlistés par la NASA sur le plan financier et elle a reçu la plus grosse dotation pour continuer son étude.

Les autres sociétés bénéficiant d’un financement de la NASA sont Blue Origin (Jeff Bezos) et Northrop Grumman. À noter que des sociétés non financées comme Axiom, SpaceX ou Vast pourront toujours présenter leur candidature, car l’appel d’offres leur reste ouvert. Bien que moins bien placées, leurs chances ne sont pas nulles, car elles ont des compétences pour avoir travaillé toutes trois sérieusement sur des projets propres de station spatiale depuis déjà quelque temps.

Il est certain cependant que cette situation de fournisseur ou de sous-traitant ne permet pas d’initiative conceptuelle de la part des Européens (ils doivent faire aux Américains des propositions que ceux-ci doivent considérer acceptables… et préférer à d’autres en concurrence). Et il est étonnant/regrettable qu’ils se contentent de cette position. Imaginons que finalement ce soit un concurrent de Voyager Space qui remporte le contrat de Starlab.

Il ne resterait alors rien à l’Europe pour envoyer dans l’espace, sauf le module EMS de la mission Artemis. Mais que pèserait ce module si le Starship peut voler ? À ce moment, je parierais que ni le SLS ni son EMS n’étant plus d’aucune utilité, la NASA réviserait ses plans pour les missions Artemis non encore engagées, et opterait pour la solution la plus simple (sans transbordement), donc pour le Starship. Reste finalement la possibilité que la NASA veuille garder l’ESA sous son emprise, et qu’elle trouve un moyen de faire réaliser par cette dernière quelques travaux qui seront intéressants pour elle et lui donneront l’impression de rester, quoique dans de mauvaises conditions, un partenaire à la hauteur.

Il semble qu’en astronautique l’ESA soit engluée dans des problèmes décisionnels insurmontables : on se réunit entre membres, on fait des déclarations, on étudie, et finalement rien ne se passe, car rien ne se décide. L’organisation européenne fait preuve d’un manque criant d’audace et de volonté de porter jusqu’au bout des idées innovantes. Peut-être parce qu’il est difficile de décider quand on est trop nombreux ; que pour obtenir un consensus on est obligé de se contenter du plus petit commun dénominateur ? Mais sûrement aussi parce que par principe les vols habités ne passent toujours pas comme une activité sérieuse auprès des scientifiques et des dirigeants de l’institution.

 

Un article publié initialement le 17 août 2023.

 

Voir les commentaires (9)

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  • L’ESA est comme l’Europe. À la botte de l’Allemagne. Donc ce « machin  » entraine l’espace européen à sa perte, avec l’assentiment du toutou français qui ne sait que lui lécher les bottes (pour rester poli).

    • Avatar
      jacques lemiere
      19 août 2023 at 8 h 00 min

      que voulez vous dire à la botte de l’Allemagne???? je lis ça je vois une prétendue victime..
      je n’ai pas vu d’allemand armé dans les bureaux de vote..

      la france peut quitter lue..fin de la discussion victimaire…

      c’est nous le problème…l’allemagne ne nous contraint à rien…sinon à
      respecter des accords..
      ça me fait penser à Mélenchon qui voulait  » faire rendre gorge à l’allemagne »..

      dans cet article le problème « liberal » est l’argent public et donc le rôle la mission le financement des agences spatiales..

      là des gens prennent DE FORCE le pognon des autres pour faire des tucs qu’ils affirment or les « progrès qui découlent de ces « investissements » amènent des transformations que l’ont peut juger globalement bonnes mais la réalité individuelle est différente, tu as payé pour financer run truc qui détruit ton gagne pain… notez que ça justifie que l’etat vous aide !!!!

      • L’Allemagne paye (1ier contributeur désormais) et veut décider de tout y compris de ce qu’elle ne sait pas faire. Merkel refusait Galileo si l’Allemagne n’était pas maître d’œuvre et si la production n’était pas faite sur son sol ; résultats 3 milliards d’euros de perte sur ce projet.
        L’Allemagne accepte de participer à Ariane 6 si la production du moteur Vulcain est transféré en Allemagne. Etc, etc.
        Et la France a sa responsabilité la dedans : à force de distribuer de l’argent à droite et à gauche, il n’y en a plus pour l’espace (entre autre) et n’a plus son mot à dire.

        • Le premier problème est que la France a un Président de la République qui, formé à l’ENA, n’a aucune compréhension de l’économie libérale et qui croie que tout « s’administre ».
          .
          Le deuxième problème est que ce Président est européiste et est prêt à tout pour agir en Européen (au sens de la Commission) car il veut une Europe fédérale.
          .
          Le troisième problème est que la démocratie ne fonctionne plus en France puisque le même Président concentre tous les pouvoirs.
          .
          Le quatrième problème est que les élections n’ont lieu que tous les cinq ans et que ce même Président c’est fait élire sur un programme extrêmement succinct et démagogique: empêcher « l’extrême droite » d’arriver au pouvoir.
          .
          La bonne nouvelle c’est que la Présidence est limitée à deux mandats (mais la possibilité que ce système malade continue à très mal fonctionner avec son successeur n’est malheureusement pas exclu!).

  • « Coopération » ? Quand il y en un qui décide et l’autre qui paie, ça ressemble plutôt à une soumission servile.

    • Dans cette coopération, il n’y en a pas « un qui décide et l’autre qui paie ». L’ESA sera payée par la NASA pour le service rendu si le statut de l’ESA est celui de fournisseur, ou, si le partenariat est à égalité, elle réalisera son propre équipement et l’utilisera en coordination avec ceux de la NASA.
      .
      L’aspect négatif est « simplement » (mais c’est beaucoup) la conception, le fait que ce sera la NASA qui décidera ce dont elle a besoin.

  • Spacex en moins de dix ans a ridiculisé l’ensemble du monde spatial qui se glosait de lui et de ses fusées réutilisables. Cette année plus de 90 % des lancements ont été effectués par la société de Musk et sa Falcon9 qui va dépasser les 100 lancements en 2023. Si le starship fonctionne je n’arrive même pas à imaginer ce qui va se passer mais une chose est sure: 150 tonnes en orbite trois fois par semaine c’est multiplier par 20 ou 30 les seules possibilités de Spacex et pas des autres… Ils sont tous pétrifiés. Peut-être les chinois?

  • Pas de nouvelle station spatiale s’il vous plait! La première station spatiale, Skylab, était parfaitement adaptée. Un seul module, lancé en une fois. Des astronautes y restèrent des mois, permettant de découvrir les effets de l’apesanteur sur la biologie humaine. Le seul domaine où une station spatiale est utile. Toutes les stations qui ont suivi furent essentiellement inutiles, de l’argent parti en fumée.
    Le vrai objectif de ces stations: avoir une destination assurée pour des fusées construites par les états, ce qui assure une production régulière.

    • Vous êtes un peu « réducteur ».
      .
      L’étude des effets de l’apesanteur sur le corps humain a été faite et on a compris que ces effets étaient nuisibles. Au point où l’on en est il serait plus utile et intelligent de tester les possibilités techniques de créer de la gravité artificielle par mise en rotation des habitats.
      .
      D’autres stations pourraient voir le jour, comme station-service de navettes parcourant l’espace entre la Terre et Mars ou pour entretenir les futures fermes solaires.

  • Les commentaires sont fermés.

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