Extinction Rébellion : à Colmar, l’écologie prend l’eau

Alors que l’eau de la Petite Venise vire au vert, le vrai combat environnemental à Colmar a des racines profondes. Pendant des décennies, la question de l’enfouissement des déchets toxiques a divisé la région.

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Screenshot 2023-09-25 at 10-55-57 (21) Rivière vert fluo le colorant a-t-il pu provoquer la mort de poissons - YouTube https://www.youtube.com/watch?v=FaX-uKVmRGo

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Extinction Rébellion : à Colmar, l’écologie prend l’eau

Publié le 26 septembre 2023
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Le 29 mai 1453, alors que Constantinople était assiégée par les Turcs, l’on raconte que les clercs orthodoxes étaient bien trop occupés à discuter du sexe des anges. Si cette anecdote relève évidemment de la légende, elle est une représentation célèbre de l’art de débattre de choses superficielles pendant que la grande histoire suit son cours.

La Petite Venise, quartier touristique du sud de Colmar, est à son tour le théâtre de ce type de débats.

Entre ses maisons à colombages et ses restaurants traditionnels, ce secteur touristique a tout d’un décor de carte postale véhiculant une image bucolique.

Cette image bucolique a pourtant été troublée le 16 septembre lorsque la Lauch, sous-affluent du Rhin qui entoure le centre historique colmarien, est soudainement passée du bleu au vert sous l’effet de la fluorescéine, colorant organique réagissant au contact de l’eau.

Une action revendiquée par le collectif d’extrême gauche Extinction Rébellion sur fond d’épilogue à une controverse environnementale qui secoue la région depuis quarante ans.

L’objectif du collectif était ici de s’opposer à l’enfouissement de déchets d’amiante et de mercure sous une chape de béton sur le site d’une ancienne mine de potasse située dans la commune de Wittelsheim, à 30 km au sud de Colmar, afin d’éviter la contamination de la nappe phréatique.

 

Sécurité de l’eau contre sécurité des travailleurs

Cette question agite les associations et les élus locaux depuis une quarantaine d’années.

À l’origine, StocaMine était une filiale de la société des Mines de potasse d’Alsace destinée à permettre le stockage des déchets issus du puits Joseph Else, également situé à Wittelsheim, et actif durant près d’un demi-siècle, avant d’être fermé dans les années 1960.

Depuis les années 1980, la question de l’enfouissement de ces déchets a animé les passions dans la région. Les associations locales appellent à un déstockage de ces déchets qui, malgré le béton, finiront selon elles tôt ou tard par atteindre et polluer la nappe phréatique rhénane, plus grande réserve d’eau potable d’Europe, tandis que l’État justifie les travaux d’enfouissement, et l’impossibilité de déstockage par la sécurité des travailleurs du site.

Le 10 septembre 2002, un incendie provoqué par un mauvais enfouissement des déchets sur le site ravive un peu plus la contestation. Six et sept années plus tard, l’entreprise et son directeur seront condamnés par la justice, respectivement pour violation délibérée d’une obligation de sécurité ayant entraîné un risque de mort ou de blessure, et mise en danger de la vie d’autrui.

L’ex-directeur dirigeait auparavant une entreprise vosgienne de traitement de déchets dangereux. Ce passif a amené les magistrats à considérer qu’il connaissait nécessairement la réglementation, d’autant qu’il aurait été alerté plusieurs fois par des salariés sur les anomalies touchant certains pesticides stockés sur le site.

 

Un enfouissement acté

C’est dans ce contexte qu’aux côtés des associations locales, Extinction Rébellion a mené des actions similaires à celle faite à Colmar, mais cette fois à Strasbourg.

À partir de 2019, l’État entame des procédures afin que cet enfouissement soit définitif contre l’avis de la population et des acteurs locaux comme les associations Destocamine et Alsace Nature. Cette dernière a porté plainte contre le gestionnaire du site de stockage il y a quelques jours. La collectivité européenne d’Alsace, conseil départemental des deux départements alsaciens, s’est également lancée dans une bataille contre l’État.

Malgré cela, le 20 septembre dernier, le ministre de la Transition écologique a annoncé que l’enfouissement des déchets sera définitif.

Autant dire qu’à côté, la question de la couleur de l’eau est bien dérisoire.

 

Une substance inoffensive

L’édile colmarien, Éric Straumann (LR) a réagi dès le lendemain des faits en évoquant des retours d’habitants ainsi que ses propres constatations de cadavres de poissons flottant à la surface de la rivière colmarienne.

Depuis la dégradation de la Lauch, il a également rappelé être défavorable à l’enfouissement des déchets de StocaMine, se conformant sans surprise à l’opinion majoritaire dans le département qu’il a dirigé de 2015 à 2017.

 

Suite à ces accusations, le collectif d’extrême gauche a nié catégoriquement un quelconque lien entre l’utilisation du colorant et les décès de poissons qui seraient, selon lui, survenus bien avant les événements.

Cette absence de lien a été rapidement confirmée par l’Office français de la biodiversité, qui accuse la sécheresse.

Il faut dire que la fluorescéine est un composé bien connu depuis la fin du XIXe siècle. Elle permet essentiellement la détection de présence d’eau, et en particulier de fuites.

La fluorescéine est considérée comme une substance non toxique, aussi bien pour les humains que pour les animaux ou l’environnement lui-même, à l’exception évidente des cas de surdosages, d’allergies ou d’injections qui peuvent alors provoquer des complications allant jusqu’au décès par arrêt cardiaque ou choc anaphylactique.

En dehors de ces cas, l’innocuité de la fluorescéine l’amène à être régulièrement utilisée lors d’événements populaires tels que la Saint Patrick à Chicago sans qu’aucun cas de décès de poissons ne semble être recensé malgré le déversement chaque année de 18 kg de la substance dans le lit de la rivière traversant la capitale de l’Illinois qui prend sa source dans le lac Michigan.

Notons toutefois que le débit de la rivière Chicago est presque 200 fois le débit moyen de la Lauch, et que la concentration d’un même volume de fluorescéine dans l’eau n’aura pas le même impact. Au moment d’écrire ces lignes, aucune information sur la quantité de fluorescéine déversée dans la Lauch le 16 septembre n’a filtré.

 

De nombreux précédents

Annecy, Rennes ou Alès avaient déjà fait l’objet d’une protestation similaire. En mars dernier, en pleine contestation de la réforme des retraites, le Var avait également été verdi.

Avant la Petite Venise, c’est bien la Grande qui fut victime de cette utilisation. Le Grand Canal de la cité des Doges avait ainsi vu sa couleur passer étrangement au vert en mai dernier.

Mais à l’inverse des Vénitiens, les Colmariens ont rapidement identifié l’auteur des faits, reconnu par des touristes et interpellé par la Brigade Verte, garante de la préservation du patrimoine naturel. L’individu a écopé d’une contravention.

À ce jour, la municipalité colmarienne se réserve le droit de poursuivre l’auteur de la dégradation fluviale s’il venait à être placé en garde à vue par la police nationale.

 

Débattre sur sexe des anges

Depuis plusieurs années, Extinction Rébellion s’est positionnée comme le fer de lance associatif d‘un écologisme relevant d’une orthopraxie païenne : une religion basée sur des pratiques strictes. Le collectif tente ainsi de pousser l’État à intervenir sur la question climatique. Cette intervention passe par une planification revendiquée par le gouvernement. Une planification qui n’impacte jamais le cœur du problème, mais systématiquement la liberté.

Malgré les dernières actions du collectif, 42 000 tonnes de déchets toxiques seront sous peu enfouies à proximité de la plus grande source d’eau potable d’Europe.

Certains débattent de la couleur de l’eau et du décès de quelques poissons dans une rivière.

Alors que Constantinople est sur le point de tomber, les théologiens débattent donc bel et bien du sexe des anges…

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  • donnez une définition d’un écologisme qui ne serait pas sectaire ou à tout le moins arbitraire..

    si vous suivez le manifestant écologiste jusque son domicile en général vous vous rendez compte que vous pouvez protester tout pareil devant chez lui…
    en somme le militant écologiste est le type qui met sa poubelle devant votre maison pour respecter l’evironnement…qu’il voit.

    le développement humain se fait TOUJOURS au détriment de l’environnement naturel…

    pour autant… tout e dégradation ne se vaut pas…pour l’homme.. et pour l’humanité ..

    • on avait la notion imparfaite de progrès.. pour faire accepter à certain des sacrifices.. on veut remplacer ça par l’idée encore plus sotte que protéger l’environnement..autrement dit ne rien faire..c’est mieux..
      et non le progrès technologique ne permet pas de protéger l’environnement..mais en général… au moins à court et moyen terme.. ça améliore la situation sur certains soucis environnementaux .. et encore quand on est assez riche pour se soucier de l’environnement..

  • Les écolos refusent dogmatiquement s’affronter les problèmes. S’il y a des déchets, il faut trouver une solution. Certains proposent l’enfouissement et les écologistes ne proposent rien. Manifester est facile. Travailler à trouver des solutions n’est visiblement pas à la portée des écolos. Yaka, fokon : voilà les solutions.

  • Pas sûr que ce dossier soit le meilleur pour s’en prendre à Extinction Rebellion, groupuscule de cinglés dangereux que j’exècre autant que l’auteur. Mais là, cette question me semble aussi politique que possible et je ne fais aucune confiance au ministre pour la gérer conformément à un « intérêt général » déjà bien hypothétique.

  • Les commentaires sont fermés.

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