Le poulet ukrainien s’invite dans nos assiettes : une menace pour les éleveurs français ?

La croissance des importations de poulet, notamment Ukrainiens, en France met en évidence les défis auxquels les agriculteurs français sont confrontés, dans un environnement compétitif compliqué par les nombreuses normes et régulations.

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Le poulet ukrainien s’invite dans nos assiettes : une menace pour les éleveurs français ?

Publié le 18 septembre 2023
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La part de poulets consommés en France en provenance d’autres pays ne cesse d’augmenter : 41 % en 2020, 45 % en 2021, et désormais 50,5 % en 2022.

L’ANVOL, interprofession de la volaille de chair, note une progression de 5,3 % des importations de viande de poulet sur le premier semestre 2023.

Cette situation, actuellement exacerbée par des importations massives en provenance d’Ukraine présage de l’avenir de l’agriculture française.

Bien que le règlement (UE) n°1169/2011 impose que les denrées alimentaires présentées à la vente, qu’elles soient préemballées ou non, respectent un étiquetage clair et précis afin d’informer au mieux le consommateur, cette viande de volaille d’importation vendue deux à quatre fois moins cher, selon les catégories auxquelles on la compare, ne protègera pas les éleveurs français dans un contexte économique où les consommateurs sont confrontés à une inflation ruineuse.

 

Une clause de sauvegarde

Afin de se prémunir contre une concurrence aux effets délétères, dès 1985, la Communauté européenne a prévu dans ses règlements la possibilité de mettre en œuvre une clause de sauvegarde :

« En cas de difficultés graves et susceptibles de persister dans un secteur de l’activité économique ainsi que de difficultés pouvant se traduire par l’altération grave d’une situation économique régionale, un nouvel État membre peut demander à être autorisé à adopter des mesures de sauvegarde permettant de rééquilibrer la situation et d’adapter le secteur intéressé à l’économie du marché commun. Un État membre actuel peut demander à être autorisé à adopter des mesures de sauvegarde à l’égard de l’un ou des deux nouveaux États membres ».

La Commission européenne a usé de cette possibilité en 2020 pour autoriser les pays européens à laisser filer leurs déficits. La France s’est vu refuser cette clause en 2006 visant à se préserver de l’importation massive de pommes de l’hémisphère sud.

Contre cette concurrence des poulets ukrainiens, l’ANVOL sollicite la mise en œuvre de la clause de sauvegarde, mais le ministre de l’Agriculture n’a pas souscrit à la demande, « pour ne pas envoyer de signal hostile à l’Ukraine ».

Ces importations, qui sont exonérées de droits de douane en soutien à l’Ukraine dans la guerre contre la Russie, créent une distorsion de concurrence remettant en cause l’avenir de nombreuses entreprises françaises.

 

Une disproportion de taille et de moyens

Déjà contraintes au niveau de la taille des entreprises qui comptent en moyenne 40 000 poulets en France, les élevages en Ukraine pouvant atteindre un million de têtes, les entreprises françaises doivent se conformer à des mises aux normes drastiques et ruineuses.

La directive européenne 2007/43/CE établit des critères de densité, de durée d’élevage, de conditions de parcours selon les différentes dénominations qualitatives qui ont obligé les entreprises à réaliser des investissements onéreux quand ces normes ont diminué la rentabilité en réduisant le nombre d’animaux par m² utile.

On peut aussi épiloguer sur le bien-fondé de ces normes :

Quand l’arrêté du 1er février 2002 (art 5 à 7) fait passer au 1er janvier 2003 la dimension des cages de poules pondeuses de 450 à 550 cm², soit une augmentation de 22,22 %, cela peut paraître un succès pour les défenseurs du bien-être animal, mais ne représente qu’environ deux fois la surface d’une carte bancaire ! Pas sûr que les poules aient remarqué la différence. Par contre, de nombreux éleveurs, obligés de remplacer toutes leurs installations ont préféré jeter l’éponge avant l’interdiction de ces cages en 2012 !

L’exigence des associations en matière de bien-être animal conduit à durcir toutes ces normes qui ne sont pas appliquées aux denrées importées. Pour être objectives, ces associations devraient aussi militer pour contraindre les producteurs étrangers à respecter les mêmes règles, ne serait-ce qu’en promouvant le boycott de l’achat de leurs produits.

 

Le choix des consommateurs

Les consommateurs, influencés par les associations précitées, le soutien des pouvoirs publics et des médias peuvent choisir d’acheter des produits répondant aux normes de production nationales : acheter bio, local et écologique.

Mais depuis longtemps le geste d’achat est motivé par avoir plus pour moins cher. On ne peut en vouloir à un consommateur qui a lui aussi de plus en plus de contraintes obligatoires onéreuses à supporter, souvent incompressibles, qui se traduisent par un geste d’achat à l’économie.

C’est ainsi qu’a été délocalisée la quasi-totalité de nos productions nationales : charbon, acier, textiles, médicaments, industrie automobile. La disparité des salaires, la rigidité des normes sociales et environnementales ont placé les entreprises françaises dans des situations d’infériorité concurrentielle dont on commence à mesurer les impacts. La pénurie de masques pour le covid, la pénurie de médicaments, et maintenant le risque alimentaire qui se fait jour sont des dangers majeurs de déstabilisation sociale.

En 2021, la balance commerciale des produits agricoles bruts affichait un déficit de 96 millions d’euros, mauvais présage pour les agriculteurs français.

 

Une volonté écologique

À ces impératifs économiques, s’ajoutent des normes environnementales qui pèsent sur la compétitivité des producteurs français.

La pression médiatique et de lobbying des associations écologiques aboutit à interdire aux agriculteurs l’utilisation de produits qui leur apportent des solutions efficaces contre les maladies ou les ravageurs de leurs cultures. L’obligation de remplacer les herbicides par des opérations mécaniques implique une augmentation du coût à l’hectare du désherbage, une consommation de carburant accrue, et un coût de main-d’œuvre exponentiel par une multiplication du temps nécessaire.

Pour les écologistes, il est très positif de ne pas produire des poulets en France, car ainsi on n’est pas incommodés par l’odeur des fientes. Peu importent les conditions dans lesquelles sont produites ces volailles, peu importe ce qu’elles mangent, du moment que ce n’est pas chez nous, et qu’on les ait pour pas cher !

Cette idéologie a quand même des inconvénients : les producteurs français disparaissent progressivement, notre balance commerciale se dégrade, et nous devenons de plus en plus dépendants alimentairement de l’étranger. Nos idéologues, nos dirigeants, ont-ils conscience que lorsque le déficit de notre balance commerciale entraînera l’effondrement de notre monnaie, les exportateurs étrangers ne nous feront pas cadeau d’une nourriture vitale que nous ne serons plus en mesure de leur payer. Souvenons-nous des émeutes de la faim de 2008 dans de nombreux pays.

La disparition des agriculteurs s’accompagnera de l’ensauvagement des espaces ruraux. Si la forêt est considérée comme le poumon de la planète, elle ne produit que des châtaignes, des glands et des champignons. Pas sûr que cela suffise pour nourrir la population ! Ah, j’oubliais, la forêt produit aussi du bois… pour nos cercueils ! Ça fait rêver…

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  • C’est pas « Pro-Poutine » de critiquer un tel changement économique ? 🙂

  • Dites merci à l’État qui favorise des minorités politiques comme les écolos contre tout bon sens.

  • Glands = paresseux
    Châtaignes = violences
    Champignons = parasites

    on aura plus qu’à se greffer une queue en tire-bouchon pour ne pas finir dans le bois produit par la forêt.
    Touchons le ce bois.

  • le droit d’interdire..
    quand il s’appique aux autres ça va..et puis un jour..

    si vous voulez que les poulets vivent confortablement..vous achetez des poulets qui vivent confortablement et vous n’achetez pas les autres poulets..

  • article libéral…

    suppression du ministère de l’ agriculture.

    les consommateurs on le pouvoir « légitime » dans une société libérale…

    défendre les producteurs de poulets n’est pas un but acceptable pour un libéral.

    • Si vous ne défendez pas les producteurs, vous mangerez quoi quand ils auront disparu ? des glands… !!!

      • ben du poulet .car puisque je veux du poulet, et suis prêt à payer…nul besoin de DEFENDRE les producteurs!!!

        notez que l’état fait le contraire avec le cannabis ou le tabac…. mais que…

        quand l’etat dit je viens vous aider..

        • vous illustrez la malaise profond de l’agriculture…et la CAUSE de sa perte de compétitivité…. vous voulez que les politiques vous aide..

          m’état defend aussi les consommateurs..bien entendu…
          ben voyons…

          • et ce que vous dites AUSSI…c’est que même si je ne mange pas de poulet je dois contribuer!!!! à défendre les éleveurs de poulets!!!! c’ets à dire payer pour que mon voisin mange ce qu’il veut manger!!!!

            et ce que vous dites implique aussi…que par principe je dois choisir l’ebeveur français même si il est stupide dans son travail et se fout d’etre compétitif..
            !

            • la seule requête des agriculteurs devraient être bas les pattes!!
              le problème est que le monde agricole et les éleveurs ne sont pas ce et ceux qu’il devraient être!!!!

  • le libéralisme, ça dépend à quel niveau on le situe. Autrefois, il y avait une forme de concomitance entre le grand et le petit capital. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et le libéralisme pour le grand capital n’est pas nécessairement libéral pour le petit capital. Ainsi la globalisation et les délocalisation ont été « néolibérales » pour ceux qui pouvaient en profiter, mais « dirigistes et malthusiennes » pour les acteurs économiques qui ne pouvaient pas en profiter. Là c’est pareil. Détruire l’appareil productif français permettra aux cartels boursiers de concentrer leurs productions dans certains pays, et d’opérer des gains de productivité. « Réensauvager » les campagnes peut sembler au premier abord illibéral, mais c’est ignorer le marché des compensations carbone et des droits à polluer. Je connais des gens fortunés qui investissent dans des forêts en Lituanie. Pourquoi ? Les terres rurales réensauvagées (qui ne demandent pas de main-d’oeuvre pour les travailler) sont acquises via des fondations/ONG ou des entreprises spécialisées, qui en tirent des « droits à polluer » qu’ils mettent en vente sur les marchés boursiers. Ces droits à polluer et autres compensations carbone sont achetés par les grandes industries (ou les riches particuliers circulant en avion privé). C’est ce qui explique que le Pérou (de mémoire, à vérifier) a renoncé à exploiter ses ressources : il vendra des droits à polluer. Le déclin économique de la France peut donc être une forme de libéralisme, mais ça dépend pour qui.

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