L’intrapreneuriat, un subtil équilibre entre organisation et désorganisation

L’intrapreneuriat vise à susciter l’innovation ou le renouvellement stratégique au sein de l’entreprise.

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L’intrapreneuriat, un subtil équilibre entre organisation et désorganisation

Publié le 14 septembre 2023
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Par Frédérique Blondel, Élodie Loubaresse et Valentine Georget.

 

L’iLab, Léonard, The Garage, Google Labs, l’Atelier, Innovation Factory, la Fabrique… tous sont des dispositifs intrapreneuriaux, définis comme « un ensemble de ressources, d’actions, de processus, d’outils managériaux et de formes organisationnelles mis en place pour favoriser l’adoption d’approches entrepreneuriales au sein d’entreprises établies ».

Construit à partir de mythes entrepreneuriaux, l’intrapreneuriat, au départ, s’est formalisé au sein des organisations depuis les années 2010 en France. Ces dispositifs visent à susciter l’innovation ou le renouvellement stratégique au sein de celle-ci.

Cependant, l’innovativité des projets intrapreneuriaux peut-être décevante pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, on constate une sélection des projets de plus en plus en lien avec la ligne stratégique de l’entreprise. Les intrapreneurs répondent ainsi à des problématiques d’innovation pré-identifiées par le top management, ce qui restreint le champ d’action par définition large des entrepreneurs.

De plus, même si l’on sait depuis des années que trouver des indicateurs de performance de l’innovation est un vœu pieux, la recherche de rentabilité des investissements reste un objectif pour les organisations. Les dispositifs d’intrapreneuriat n’échappent pas à la règle, et doivent justifier de leur contribution économique au reste de l’entreprise.

Enfin, on constate un contrôle de plus en plus important du temps dédié au développement du projet intrapreneurial. Au début, les dispositifs intrapreneuriaux n’affichaient pas de réels objectifs de temps pour les projets hébergés, puis au fur et à mesure, on a pu constater que le temps alloué se réduisait et que des organes de gouvernance de plus en plus formalisés et standardisés émergeaient. Ce contrôle du temps de développement des projets intrapreneuriaux est justifié pour optimiser les coûts.

 

« Comment faire cohabiter ces deux logiques ? »

Cette rigidification des dispositifs intrapreneuriaux est une forme de contamination des activités d’exploration par les activités d’exploitation davantage valorisées au sein des entreprises.

Les travaux consacrés à l’intrapreneuriat se sont intéressés aux conséquences que peut amener cette tension entre contrôle et liberté sur les individus et les organisations. Cette double tension contrôle-liberté peut notamment mener à une « schizophrénie individuelle et/ou organisationnelle » du fait de la cohabitation de différentes logiques contradictoires.

Ainsi, selon Alain Fayolle, professeur et directeur du centre de recherche en entrepreneuriat à EM Lyon Business School :

L’intrapreneur est sur une logique d’exploration (création d’un marché, d’un produit, d’un service, développement d’innovation, etc.), quand le management se situe plus sur un système d’exploitation : une logique de continuum qui fait tourner l’existant pour l’optimiser au mieux et dans un souci de rendement. Le challenge est là : comment faire cohabiter ces deux logiques ?

 

« Zones structurées et contrôlées »

Les deux livres blancs de la plateforme dédiée à l’entrepreneuriat social Makesense, publiés en 2021 et 2022, identifient deux types de leviers de réussite des dispositifs intrapreneuriaux : des leviers organisés et des leviers que nous qualifierons de « désorganisés ».

Ainsi, les principaux leviers de réussite « organisés » de l’implémentation et de l’institutionnalisation des dispositifs intrapreneuriaux au sein des organisations seraient les suivants :

  • Définir les objectifs du dispositif intrapreneurial en fonction des ambitions stratégiques de l’organisation. Par exemple, si une entreprise cherche à innover de manière disruptive – ainsi, potentiellement à faire face à un désalignement entre le projet intrapreneurial et l’activité traditionnelle de l’entreprise – il faudra réfléchir à un dispositif qui permet un éloignement de l’entreprise. À l’inverse, une organisation qui cherchera à produire des innovations incrémentales (pas à pas, à partir de l’existant) pourra facilement introduire le projet dans les processus connus de l’organisation.
  • Penser aux scénarios de sorties. Il est important pour les organisations de réfléchir à la forme que peut prendre le projet en sortie de dispositif intrapreneurial (filiale, nouvelle unité d’activité, intégration du projet dans une équipe existante, etc.).
  • Accompagner les intrapreneurs. Afin de permettre le ré-arrimage de l’individu au sein de l’organisation, il est important de réfléchir à la trajectoire individuelle de l’intrapreneur lui-même (réintégration de sa direction d’origine, évolution de poste, changement de poste, etc.)

 

À l’inverse, les leviers de réussite désorganisés d’un dispositif intrapreneurial seraient le fait de :

  • Laisser vivre un dispositif au moins trois ans pour avoir du recul sur les résultats. Les travaux de Makesense mettent en avant l’importance de laisser du temps – soit une liberté sur un temps donné – au dispositif intrapreneurial pour « faire ses preuves » et comprendre les apports de celui-ci.
  • Accepter l’échec comme faisant partie de l’apprentissage sur l’intégration des dispositifs intrapreneuriaux dans l’organisation notamment dans les démarches exploratoires.

 

L’identification de ces leviers apporte des premiers éléments de réponses pratiques pour résoudre cette tension entre liberté et contrôle. Les dispositifs intrapreneuriaux tendent ainsi à devenir des « zones structurées et contrôlées ».

 

Frédérique Blondel, Maître de conférences en sciences de gestion , Université Paris-Saclay; Élodie Loubaresse, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Saclay et Valentine Georget, Maître de conférences en management, Université Côte d’Azur

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.The Conversation

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