« L’équité sociale » de Giorgia Meloni : des taxes socialistes

La taxe sur les bénéfices des banques instaurée par Méloni en Italie au nom de l’équité sociale s’est retournée contre elle.

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« L’équité sociale » de Giorgia Meloni : des taxes socialistes

Publié le 21 août 2023
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Dans notre imaginaire, l’Italie nous renvoie à Rome et au Colisée, à la Cité du Vatican, ou plus près de nous, à Cinecittà établie sur une idée de Mussolini, grand admirateur des débuts du cinéma soviétique.

Mais on oublie que l’Italie fut le berceau des banques et du capitalisme.

On lui doit, entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’invention de la lettre de change ancêtre du chèque, de la comptabilité analytique et des dépôts à l’origine des banques.

Madelin avait coutume de dire qu’en France, quand on était à court d’idées, on avait toujours une idée de taxe. Cet adage pourrait apparemment avoir cours chez nos voisins transalpins où l’on parle de taxation des superprofits des banques italiennes. Mais la Bourse a fait reculer le gouvernement italien.

Parti d’une mise en place prochaine d’une taxe sur les bénéfices des banques dont les revenus ont augmenté en 2022 et 2023 en raison de la hausse des taux, certaines valeurs ayant dévissé de plus de 10 % en une journée à la suite du lâchage par les investisseurs du secteur bancaire italien en bourse, le gouvernement Meloni a sagement descendu le plafond maximal de contribution de 25 % du total de leurs actifs net à… 0,1 %

 

Mesure présentée comme un exemple d’équité sociale

Lors du Conseil des ministres le 7 août, le vice-Premier ministre Matteo Salvini avait pourtant déclaré  vouloir prélever une taxe de 40 % sur les « surprofits de milliards » d’euros des banques pour compenser le coût pour les ménages et entreprises de l’envolée des taux d’intérêt… Avant de revenir en arrière.

Si certaines ONG et organes écologistes réclament une mise en place de taxes sur les profits afin de financer une transition écologique, en Italie, cette mesure est présentée comme un exemple d’équité sociale. Les profits de cette taxe devraient permettre des baisses d’impôts des ménages et des entreprises. Cette taxe des banques devait être réglée d’ici juin 2024, et ne concernait que les exercices comptables 2022 et 2023. Elle devait surtout permettre à Giorgia Meloni de bâtir son prochain budget sur fond de ralentissement économique.

Les recettes provenant de la taxation des « marges injustes des banques » serviront à « financer des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises » qui traversent « une période difficile en raison du coût élevé de l’argent », avait ainsi fait valoir la Première ministre, Giorgia Meloni. « Nous avons décidé d’introduire une taxe de 40 % sur la différence injuste du revenu net d’intérêts », à savoir la différence entre ce que « les banques vous facturent pour vous prêter de l’argent, et ce qu’elles concèdent lorsque vous déposez de l’argent », avait-elle expliqué dans une vidéo postée sur Facebook. « Nous disons depuis des mois que la Banque centrale européenne a tort de relever les taux d’intérêt », et cette taxation en « est la conséquence inévitable », avait renchéri le vice-Premier ministre, Antonio Tajani.

Mais le lendemain de l’annonce de cette décision, les valeurs bancaires de la Bourse de Milan, Intesa Sanpaolo et Unicredit, perdaient respectivement 8,6 % et 5,9 % à la clôture ; monte dei Paschi di Siena a dévissé de 10,8 %, Bper Banca de 10,9 %, et Banco Bpm de 9 %. Les banques italiennes ont en principe perdu 9,5 milliards d’euros de capitalisation en une seule séance, selon l’agence d’informations financières Radiocor ; en principe parce que la valeur n’est réelle qu’au moment de la liquidation.

Face à cette réaction qui a tiré l’indice de la bourse de Milan à la baisse de 2 % mardi, le gouvernement a d’abord fait un premier geste en assurant que la taxe s’appliquerait finalement aux groupes bancaires italiens dont le revenu net enregistré a augmenté de 5 % entre 2021 et 2022, et de 10 % entre 2022 et 2023.

Une annonce qui n’a pas calmé les investisseurs et qui a poussé le gouvernement à un pas en arrière, beaucoup plus conséquent.

Mardi soir, après avoir constaté les dégâts après la clôture de la bourse, les équipes du gouvernement ont annoncé qu’« afin de préserver la stabilité des institutions bancaires », le décret prévoit « un plafond pour la contribution, qui ne peut excéder 0,1 % du total des actifs » d’une banque… contre 25 % annoncé la veille. Ce qui « réduit considérablement l’impact de la taxe », ont commenté ce mercredi les analystes de Jefferies qui estiment désormais le coût total pour les banques à 2,5 milliards d’euros contre 4,9 milliards auparavant.

En outre, les banques qui ont « déjà ajusté leurs taux » en réduisant l’écart entre les taux d’emprunt et la rémunération des comptes courants, « ne seront pas affectées de manière significative » par la taxe, a également promis le ministère de l’Économie mardi soir. En effet, les banques italiennes ont vu s’envoler leurs revenus engendrés par les intérêts dans la foulée de la hausse des taux, sans pour autant augmenter la rémunération des comptes courants de leurs clients dans les mêmes proportions. Selon l’organisation patronale Unimpresa, les banques italiennes rémunèrent les 669 milliards d’euros de dépôts bancaires à hauteur de 0,32 % en moyenne, alors que les taux sur les 1312 milliards d’euros d’emprunts aux familles et entreprises atteignent 4,25 %.

Cette taxe sur les « surprofits » des banques, qui devra être réglée d’ici juin 2024, concernera les exercices comptables de 2022 ou 2023.

Après ce rétropédalage salutaire de la coalition conservatrice au pouvoir, les financiers ont finalement été rassurés. À 12 heures mercredi dernier, Intesa Sanpaolo prenait 3,1 %, Unicredit 4,2 %, Monte dei Paschi 3,7 %, Banco BPM 3,6 %, et BPR Banca 3,4 %.

Précédemment, l’Italie avait déjà visé les grandes entreprises du secteur de l’énergie.

En mai 2022, elle avait fait part de son intention de porter à 25 % la taxe sur les profits engendrés par la hausse des prix due à la guerre en Ukraine. Une mesure intervenue en même temps que celle décidée au Royaume-Uni, avec là aussi, une taxe temporaire de 25 % sur les bénéfices des géants du pétrole et du gaz.

Le chef du gouvernement socialiste espagnol, Pedro Sanchez, a sauté le pas mi-juillet de l’année 2022, et s’est attaqué aux banques et au secteur de l’énergie. L’Allemagne verte et social-démocrate a de son côté adopté une mesure similaire en décembre dernier, en votant une taxe appelée « contribution sociale » des compagnies pétrolières et gazières, en taxant les bénéfices réalisés en 2022 et 2023.

 

La justice sociale présuppose que la société serait « un ordre construit »

Mais au fond, qu’est-ce que la fameuse justice sociale prétexte à toutes ces taxes ?

Pour l’économiste Friedrich Hayek, l’adjectif « social » est le mot qui prête le plus à confusion dans notre vocabulaire politique.

Est social tout phénomène produit par l’interaction de plusieurs hommes. Mais l’on qualifie aussi une action ou une institution de « sociale » pour indiquer que l’on approuve ses effets sur un secteur particulier de la société (les pauvres, les enfants, etc.). Ainsi, l’adjectif a acquis une connotation normative qui s’est graduellement transformée, présomption fatale, en une exhortation « au service d’une morale rationaliste, considérée comme devant supplanter la morale traditionnelle ».

L’expression « justice sociale » possède donc deux acceptions.

Elle peut désigner, soit la justice en société, soit la justice distributive, auxquelles correspondent deux types de droits différents :

  • d’une part, les droits généraux ou droits de base que peut exiger tout membre de la société.
  • d’autre part, les droits particuliers qui naissent des relations spécifiques, par exemple entre parent et enfant, mari et femme, patron et salarié, etc.

 

On utilise généralement le terme « justice » pour désigner les droits de base. L’expression « justice sociale » désigne des droits particuliers auxquels correspondent des devoirs spécifiques envers les travailleurs, ou les catégories sociales défavorisées.

Selon Hayek, le plus grave, c’est que le glissement de la première vers la seconde acception est imputable au libéral John Stuart Mill, une conséquence du développement des thèses socialistes. Mill a eu tort de prendre à cœur les critiques des saint-simoniens et de proposer de mettre en place des institutions favorisant la justice sociale dans le cadre de la propriété privée et de la concurrence.

Hayek nous rappelle que la notion de justice sociale présuppose que la société serait une « organisation », un ordre « construit », alors que l’on doit laisser poindre les harmonies de « l’ordre spontané ».

Hayek avance une explication anthropologique du succès de l’idée de « justice sociale ».

Cette revendication serait une résurgence de la « morale tribale » prévalant dans le « micro-ordre primitif » où quelques individus entretiennent des relations personnelles, par opposition aux relations impersonnelles de « l’ordre de marché ». La recherche de la justice sociale est anachronique, elle exprime « une nostalgie nous rattachant aux traditions du groupe humain restreint des origines, mais qui a perdu toute signification dans la société ouverte des hommes libres. »

Giorgia Meloni devrait relire Roger Scruton dont elle fait l’éloge, mais qui reprend complètement les thèses de Friedrich Hayek quand il dénonce la notion de « justice sociale ».

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  • Cette taxe aurait permis de financer la réforme fiscale nécessaire pour l’Italie mais dans un pays membre du G7 ce n’est pas réalisable et de plus augmenterait l’évasion fiscale.

    • On peut rêver quand on est particulier à une autre répartition fiscale. Un peu plus d’IS et un peu moins d’IR.
      Mais.
      Et d’une.
      On ne change pas la règle du jeu en cours de partie. Ni aussi abruptement.
      L’instabilité fiscale ou juridique crée des dommages collatéraux épouvantables.
      Pas besoin de relire Hayek ou Scruton.
      Et de deux.
      Avant d’augmenter les taxes, toujours faire du benchmarking.
      Et de trois.
      La taxe a rarement eu dans l’histoire de l’humanité des vertus durables. Elle est l’équivalent du verre de rhum qu’on donne à l’alcoolique.

  • Positivons. Pour une fois ça changera.
    Le gouvernement italien a corrigé le tir en… une nuit seulement.
    On aurait aimé la même chose pendant la crise des Gilets jaunes.
    Que de temps perdu à cause du 80 km/h, de la taxe carbone, et d’un PM psychorigide.

    • J’ajoute. Pour l’auteur.
      Qu’il est inutile de feindre la naïveté pour nous servir un cours sur Hayek et Cie.
      [S’il est naïf, c’est grave].
      Les Etats, cupides, ont toujours besoin d’argent. Et l’occasion fait le larron.
      Ensuite.
      Justifier. C’est le plus dur. Et le plus subtil. Car il faut choisir un bouc émissaire présentable. Dans une liste préétablie.

  • Méconnaissance économique des politicards, comme d’habitude. Si les prêts bancaires sont aux alentours de 4%, c’est parceque la BCE prête aux banques aux alentours de cette valeur. La Banque elle-même ne doit toucher que 1% sur cette somme. Le montant de ses prêts étant très inférieur au montant des comptes courants, on comprend que ces derniers ne soient rétribués qu’aux alentours de 0,35%.

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