L’OTAN, une organisation de concurrence militaire

La dépendance de la Russie à l’innovation occidentale se révèle problématique. Comment cela affecte-t-il la position de la Russie sur la scène internationale et sa capacité à rivaliser avec l’OTAN ?

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L’OTAN, une organisation de concurrence militaire

Publié le 12 juin 2023
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Le 4 avril 1949, le traité de l’Atlantique Nord pose les bases d’une coopération dans le domaine militaire entre les Alliés.

Les objectifs sont les suivants : « empêcher la montée du nationalisme militant et constituer le fondement de la sécurité collective qui favorisera la démocratisation et l’intégration politique de l’Europe ».

Aujourd’hui, l’OTAN est une alliance de 31 pays souverains, ses effectifs sont de 145 000 hommes au total, avec une puissance de frappe de 25 000 hommes. Cette alliance implique une forme de concurrence entre les forces armées des pays membres : les armements de pointe, comme les chars Leopard 2, véhicules blindés de combat les plus puissants au monde, sont livrés dans le cadre de la guerre en Ukraine, par exemple. De leur côté, les Russes ont fait le choix de l’étatisation, un choix qu’ils paient cher à présent.

 

De la Bosnie-Herzégovine à l’Ukraine : l’envoi des armes les plus performantes avec l’OTAN

La mise en concurrence des armées de l’OTAN a permis de réaliser, avec succès, de nombreuses opérations militaires.

La guerre de Bosnie-Herzégovine en 1992, durant laquelle les forces serbes ont lancé plusieurs offensives meurtrières contre les séparatistes albanais de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), a été la première grande opération de combat de l’OTAN. Dans le but d’éviter une extension du conflit dans les Balkans, plusieurs opérations ont été menées contre les chasseurs-bombardiers bosno-serbes (Deadeye, Deliberate Force, Joint Endeavour). Elles ont bénéficié d’un matériel de qualité fourni par différents membres de l’Organisation de défense.

Les bombardements en 1995 ont ainsi mobilisé des avions de combat américains F16 et F18 qui provenaient de la base aérienne d’Aviano, dans le nord-est de l’Italie ; des porte-avions à propulsion nucléaire de l’US Navy (USS Theodore Roosevelt, USS America) ; des chasseurs-bombardiers français (Mirage 2000N) ; mais aussi des chars britanniques (Challenger 2). Ces opérations ont permis de déboucher sur les accords de Dayton la même année.

La guerre en Ukraine illustre là aussi les bénéfices de la concurrence dans l’industrie de l’armement. Du fait de l’invasion par la Russie, l’article 4 du traité sur la défense collective a été invoqué par des pays comme la Pologne, la Bulgarie ou la République tchèque dès février 2022. Il prévoit des consultations en cas de menace contre l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité d’un membre de l’OTAN. Les parties peuvent donc mettre en œuvre une stratégie de soutien militaire défensif.

S’il n’y a pas d’intervention directe de l’OTAN, rien n’empêche les pays membres d’envoyer à l’Ukraine leurs équipements militaires les plus performants : missiles antichars américains (GM-148 Javelin, Stinger) et suédois (NLAW), obusiers allemands (RCH 155), britanniques (M777) et américains (M119), lance-roquettes Himars envoyés par les États-Unis, fusils d’assaut de type AK-47 fournis par la République tchèque, mortiers LMP-2017 envoyés par la Pologne, ou encore chars allemands (Leopard 2, Leopard 1A5) envoyés par le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne.

 

Quand la centralisation nuit à l’innovation : l’exemple de la Russie

À l’inverse, l’armée russe illustre les problèmes liés à une trop forte centralisation, déjà pointée du doigt dans les années 2000 par l’ancien ministre de la Défense, Sergei Ivanov, selon lequel 70 % du budget militaire était alloué aux troupes et aux bureaucrates.

La Russie a vendu ses dernières armes de l’ère soviétique et a progressivement perdu la puissance de son complexe militaro-industriel, les grandes industries ayant soit fait faillite, soit s’étant reconverties à l’exportation. En 2005, les dépenses en R&D de la Russie étaient 30 à 50 fois inférieures à celles des États-Unis, et 10 fois inférieures à celles des pays de l’OTAN. La Russie a multiplié les abandons de ses programmes d’armement depuis la fin de la Guerre froide. Ce fut le cas du programme 2007-2015, dont l’objectif était de remplacer 9 à 11 % de son armement, mais aussi du programme d’acquisition pour la période 2010-2020, dont l’objectif était d’augmenter les dépenses militaires de 11 % et de renouveler 70 % de l’équipement opérationnel et logistique militaire terrestre.

Ce retard majeur s’est amplifié avec la guerre en Ukraine. Contrainte de ressortir de vieux chars soviétiques T-54 et T-55, la Russie est également freinée par les sanctions occidentales sur les puces électroniques et les semi-conducteurs, fabriqués majoritairement aux États-Unis, en Europe, à Taïwan et au Japon.

Cette dépendance russe à l’innovation occidentale ne date pas d’hier : les équipements militaires soviétiques, en particulier les semi-conducteurs, utilisaient déjà à l’époque de la guerre froide des copies de puces américaines. Pour tenter de combler ses lacunes, la Russie n’a eu d’autre choix que de conclure des accords avec des pays industrialisés : achat de drones auprès d’Israël, tentative d’achat de porte-hélicoptères français Mistral, acquisition de blindés Lynx auprès du constructeur italien Iveco, et plus récemment achat d’avions de chasse Sukhoï Su-35 à l’Iran. Mais cela ne permet pas à Moscou de compenser le retard. L’espion et la diplomatie ne sauraient remplacer l’entrepreneur et la dynamique innovante des marchés.

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  • L’analyse me parait un peu courte…
    Certes l’OTAN est une fantastique machine à vendre des armes américaines à tous les pays membres et à étouffer toute velléité d’industrie d’armement autre qu’américaine. De ce point de vue, pour les Américains, c’est une réussite. Pour les autres pays, c’est plus discutable car la défense est une marque de souveraineté et trop dépendre de son fournisseur, surtout d’armement, surtout des USA, peut s’avérer mortel.
    Côté technologie, certes des milliards sont investis en innovation mais force est de constater que les différentes guerres menées par l’OTAN depuis 40 ans (Irak, Syrie, Libye, Yougoslavie, Afghanistan) l’ont été contre des pays ou des troupes très inférieures en nombre et en équipement. Les résultats sont plus que catastrophiques. La stratégie est d’abord le tapis de bombes puis le combat asymétrique avec une énorme supériorité en personnel et armes côté OTAN. On ne peut pas dire que les résultats soient probants comme le montre la pitoyable fuite d’Afghanistan après 20 ans de guerre, les désastres Libyens, Irakiens et Syriens…
    La guerre en Ukraine est différente. L’armée Russe est une armée moderne avec aviation, artillerie, marine et la coordination entre tout ça. C’est donc plus une confrontation à « armes égales ». On verra ce que ça donnera à la fin lorsque les passions partisanes se seront calmées, mais force est de constater que, pour l’instant, l’Ukraine et l’OTAN sont mis en échec et que, s’il faut lancer plein de missiles Patriot à quelques centaines de milliers de dollars pièce, voire millions, pour descendre un drone à 10 000 dollars, le calcul est vite fait…
    L’innovation est certes importante mais, en matière de guerre et d’armement, il y a bien d’autres considérations souvent bien plus importantes pour être efficace.
    Donc, attention de ne pas tomber dans ce sempiternelle travers occidental qui est de sous-estimer celui que l’on pense être son ennemi…

    10
    • Je suis d’accord. Il faut rajouter que l’URSS est une puissance régionale (150 millions d’habitants seulement). Elle ne peut pas rivaliser en termes d’armements avec les USA. Face à la France, la Russie n’en ferait qu’une bouchée : la France n’a même pas de munition pour ses armes. La Russie produit tous ses armements et munitions. Elle peut ainsi tenir une guerre dans la durée. Ce n’est le cas d’aucun pays d’Europe. L’histoire de l’Ukraine n’est pas encore terminée.

    • Dire que c’est un peu court c’est bienveillant… C’est un discours qui est malheureusement à côté de la plaque pour ne pas dire dans le déni de la réalité.
      Certes les Russes n’ont pas réinvesti dans des chars plus performants que ceux de l’OTAN qui coûtent une « blinde ». Ils ont préféré investir dans des armes plus légères, plus agiles comme les drones, l’artillerie et la coordination, qui au final rendent obsolètes les bindés de l’OTAN, qui sont devenus les dinosaures de l’art militaire.
      Dans cette configuration, comparer le poids des budgets, n’a pas de sens. Ce qui compte c’est le résultat final. Au bout de 40 ans de victoires médiatiques, l’OTAN peut encore faire ses preuves sur le terrain.
      Les seuls gagnants restent les actionnaires du complexe militaro-industriel américain

      • Les russes avaient un gros retard sur les drones en février 2022 qu ils ont compense avec ceux de l iran
        L artillerie devient de l armement léger ????
        La coordination russe l’aise beaucoup a désirer par sa faible réactivité sur le terrain due à sa structure hyper centralisee
        Les blindes de l OTAN seraient obsolètes ???
        Le mafieu russe vous remercie pour cette vibrante propagande……

        -2
  • Vraiment un texte plus que léger montrant une méconnaissance des forces en présence, à moins que ce soit un article de propagande. Voici: 1/ C’est une guerre électronique où tous les type de drones font des dégâts précis. 2/ L’artillerie est maîtresse du terrain et fait mouche à chaque coup car à nouveau la détection électronique est au top.3/ Les chars russes sont des T80/T90 recouverts de tuiles anti-char et sont supérieurs aux Léopards tous modèles ( Il y en a déjà 5 et plus détruits par les Russes) 4/ La chasse et les hélicoptères russes voient tout et ont la supériorité aérienne etc…Les vieux chars servent d’artillerie d’appoint étant entérrés aux endroits stratégiques des champs de mines. Ces vérités rendent nul l’article précédent.

  • L’OTAN « prévoit des consultations en cas de menace contre l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité d’UN MEMBRE DE L’OTAN. Les parties peuvent donc mettre en œuvre une stratégie de soutien militaire défensif ». Depuis quand l’Ukraine est un pays membre de l’OTAN ? Elle ne l’a jamais été, qu’est-ce qui fait que l’OTAN y « met en oeuvre une stratégie de soutien militaire » si ce n’est que les USA prennent prétexte de tout et de rien de ce qui se passe dans les anciens pays de l’URSS pour utiliser l’OTAN afin d’essayer de jouer son rôle absurde de « gendarme du monde » entraînant avec eux les pays de l’UE qui les suivent les yeux fermés. Pour suivre le troupeau, on n’a pas besoin de cerveau, quatre pattes suffisent ! c’est pour suivre le .

  • et plus récemment achat d’avions de chasse Sukhoï Su-35 à l’Iran
    Si c’est vrai, c’est la preuve que les sanctions à l’égard de l’Iran sont inefficaces…

    Vous m’avez bien fait rire.
    Merci.

    • … de plus l’auteur lit mal les communiqués de presse. C’est l’Iran qui a acheté des Sukhoi 35 à la Russie, pas l’inverse ! Il faudrait lui dire que Sukhoi est un avionneur Russe. A moins que la Russie ne rachète les avions qu’elle a vendus… De la part d’une bande d’alcooliques qui fait sauter ses propres pipe-lines, bombarde la seule centrale nucléaire d’Ukraine sous son contrôle, il est vrai qu’il faut s’attendre à tout…
      Bref, notre « coordinatrice de Students for Liberty – France » semble avoir une grande connaissance des industries d’armements et de son marché, ce qui l’autorise à des analyses d’une grande finesse.

  • L’auteur vit dans un autre monde manifestement.
    Je ne vois pas l’intérêt d’un tel article sur contrepoints.

  • Elodie a reçu un mandat par un quelconque « think tank » en échange de quelques sous; pond nous rapidement un petit papier de propagande avec le theme suivant; les russes sont nuls, nous sommes les meilleurs. Et voila le résultat; l’Iran est un producteur indispensable de Sukhoi 35 pour la Russie!

  • Il y a une confusion sur les événements en début d’article. La guerre de Bosnie Herzegovine 1992-1995 qui se termine par les accords de Dayton en 1995 concerne les serbes, croates, bosniaques et groupes séparatistes serbes de Bosnie soutenus par Belgrade. La guerre du Kosovo 1998-1999 concerne l’affrontement Serbie contre UCK dans la région du Kosovo et se termine avec la campagne de bombardements de l’OTAN contre Belgrade entre mars et juin 1999 qui force Milosevic à signer les accords de Kumanovo.

  • Je suis toujours sidéré par l anti americanisme primaire qui règne en France pour se réfugier dans les bras du mafieux russe qui est absolument l opposé du libéralisme ????
    L OTAN nous a préservé du communisme pendant 40 ans et continue maintenant contre l impérialisme russe
    Les leaders nationalistes souverainistes…..n ont qu une idée en-tête asservir leur peuple pour le pousser hors des frontières vers des conquêtes sanglantes……

    -4
    • Et que dire du sentiment anti-russe viscéral des britanniques depuis Pierre 1er, qui combiné à la haine anti-russe de Brzezinski (achetée en bloc par les Démocrates américains), qui guide la stratégie profonde américaine depuis la chute de l’URSS? Une fois l’anti-communisme sans objet cela laisse perplexe.
      L’impérialisme russe ? Il n’a rien à envier à l’impérialisme de la sphère anglo-saxonne.
      Non, les leaders nationalistes n’ont qu’une seule idée défendre l’identité de leur peuple, de leur culture de leur nation, tandis que les leaders mondialistes qui se battent pour la « démocratie » ne respectent même pas la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ces mêmes mondialistes n’ont qu’un seul dessein, asservir un peuple unifié, pour se gaver au profit exclusif de sa caste dirigeante qui haït le peuple.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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