La leçon d’économie sur le plafonnement salarial d’Antoine Dupont

Au micro de Sud Radio, le capitaine du XV de France, Antoine Dupont, a donné une leçon d’économie au sujet du blocage des prix et de l’interventionnisme économique.  

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La leçon d’économie sur le plafonnement salarial d’Antoine Dupont

Publié le 3 juin 2023
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Le capitaine du XV de France et demi de mêlée du Stade toulousain parle peu, mais juste. Interrogé par Sud Radio, il a évoqué le plafonnement salarial et ses effets néfastes pour les joueurs. Des propos qui sortent des habituelles phrases convenues.

« … Il y a pas mal de règles, dont notamment le salary cap, que nous avons du mal à comprendre et qui se veulent très strictes. On dit aussi que le rugby doit rester dans un milieu familial, avec de la solidarité. On a peur des déviances que peut causer l’argent.

On échange souvent sur cela entre joueurs, car on sait que tous les clubs sont soumis au salary cap et qu’ils sont au taquet. On est obligé d’avoir des effectifs étoffés étant donné le nombre de matches par saison. Il faut pouvoir recruter des joueurs, mais le salary cap ne le permet pas, donc on use toujours les mêmes joueurs et on a toujours les mêmes problèmes de blessures, de rythme et de cadence infernale. »

Le salary cap ou plafond salarial est une règle imposée par la Ligue nationale de rugby en 2010 pour limiter la masse salariale des clubs. Comme le dit la Ligue elle-même, il s’agit d’éviter que les mêmes clubs gagnent chaque année le championnat. Sous-entendu, un investisseur qui mettrait beaucoup d’argent dans un club pourrait acheter les meilleurs joueurs et donc gagner le Brennus. Premier bémol : si l’argent suffisait à gagner un championnat, cela se saurait. La victoire n’est pas obtenue par l’addition des meilleurs joueurs, mais par un esprit, une maitrise du jeu, une stratégie.

En football, le PSG démontre bien que l’argent ne suffit pas.

Fixé entre 10 et 11 millions d’euros selon les saisons, le plafonnement salarial est particulièrement restrictif. Un match de rugby rassemble 23 joueurs (15 titulaires et 8 finisseurs). Pour effectuer une saison complète avec les rotations nécessaires et les indisponibilités des joueurs internationaux à cause des matchs du XV de France, un club ayant des prétentions de trophées doit donc disposer d’une quarantaine de joueurs. Soit un plafonnement salarial rapidement atteint.

 

Surveiller et encadrer

Comme toute mesure de contrôle des prix (puisque le salaire est un prix), celle-ci nécessite la mise en place d’une milice chargée de contrôler et vérifier les comptes.

La Ligue nationale de rugby a donc créé le poste de salary cap manager, « un expert indépendant qui dispose de moyens d’investigations », c’est-à-dire de contrôle des bulletins de salaire et des budgets des clubs. Un homme pour 14 clubs, c’est peu. Il dispose donc désormais d’un informateur dans chaque club, des agents des joueurs qui doivent lui fournir les informations, d’une commission de contrôle des comptes (DNACG), d’un cabinet d’avocats et d’un cabinet d’audit financier. Une belle armada de miliciens pour vérifier, contrôler, surveiller.

Il serait intéressant de savoir avec quel budget cette armée est payée. Au rugby comme ailleurs, contrôles et restrictions aboutissent à créer une administration pour vérifier le respect des normes imposées.

L’objectif est bien celui de l’égalitarisme et de l’uniformité. Une mesure qui est pourtant contestée par les faits.

 

Les plus riches ne sont pas les vainqueurs

Le classement des budgets des clubs du Top 14 s’établit ainsi (saison 2022-2023) :

  1. Stade toulousain : 43,697 millions d’euros
  2. Stade français : 41,378 millions d’euros
  3. Toulon : 38,290 millions d’euros
  4. Lyon : 34,582 millions d’euros
  5. Clermont : 32,506 millions d’euros
  6. La Rochelle : 30,804 millions d’euros
  7. Montpellier : 30,427 millions d’euros
  8. Bordeaux-Bègles : 29,672 millions d’euros
  9. Racing 92 : 29,399 millions d’euros
  10. Pau : 24,541 millions d’euros
  11. Castres : 23,406 millions d’euros
  12. Bayonne : 21,621 millions d’euros
  13. Brive : 19,809 millions d’euros
  14. Perpignan : 17,797 millions d’euros

 

Si l’on compare avec leurs résultats : les deux derniers en budget (Brive et Perpignan) sont les deux derniers au classement 2023.

Bayonne, 12e budget, a fini 8e au classement. Clermont, 5e budget, et Montpellier (champion en titre) ne se sont pas qualifiés pour les phases finales, c’est-à-dire n’ont pas fini parmi les six premiers.

La Rochelle, 6e budget, a gagné la coupe d’Europe pour la deuxième année consécutive, et a atteint la finale pour la troisième année consécutive. Comme quoi il est possible de remporter des trophées majeurs avec des budgets restreints. Treize millions d’euros séparent La Rochelle et Toulouse, les deux clubs ont fini aux deux premières places du championnat en 2023.

Le Stade français a le deuxième budget cette année, mais était jusqu’à présent premier. Or, il faut remonter à 2015 puis 2007 pour trouver une victoire du Top 14. Seul Toulouse, qui oscille entre le premier et le deuxième budget a un palmarès en conséquence, avec, depuis 2010, quatre Brennus et deux coupes d’Europe.

Castres, 11e budget, a réalisé l’exploit d’atteindre quatre fois la finale en dix ans et d’en remporter deux. Son petit budget ne l’empêche pas d’étoffer son palmarès.

Cette comparaison budget/titre gagné montre qu’il n’y a pas de lien automatique entre les deux. L’objectif visé par la Ligue est donc caduc. En revanche, les conséquences négatives sont grandes pour les joueurs.

 

Quand les prix sont bloqués, les joueurs trinquent 

Le salaire étant un prix, bloquer les salaires revient à bloquer les prix. Et l’on sait qu’en économie cela engendre toujours des drames qu’Antoine Dupont évoque dans le rugby.

Premier effet : le départ de certains joueurs vers d’autres clubs français ou à l’étranger afin de ne pas dépasser le plafond, ce qui limite leur liberté de choix de club où ils souhaitent jouer.

Second effet : la réduction de l’effectif des clubs et donc la sursollicitation de certains joueurs (notamment les internationaux) qui ainsi se blessent. Ce qu’évoque notamment Antoine Dupont. Ces conséquences négatives nuisent aux joueurs et au rugby.

D’autant que le plafonnement va au-delà du salaire : il prend en compte également les contrats entre les joueurs et les sponsors, si ceux-ci sont liés au club. Et cela afin d’éviter « les salaires déguisés ». Si Antoine Dupont a un contrat avec Peugeot, partenaire du Stade toulousain depuis 30 ans, sa rémunération entrera dans le salary cap, car considérée comme du salaire déguisé. Si en revanche, il a un contrat avec Mercedes ou une autre marque qui n’est pas partenaire du Stade toulousain, alors cela n’entre pas dans le salary cap. C’est une situation absurde qui démontre l’absurdité de la fixation des prix.

Ce en quoi abonde Yohann Huget, ancien international et joueur de Toulouse :

« On joue trop, c’est vrai, mais ça fait combien d’années qu’on dit que ça joue trop ? Combien d’années ça fait qu’on dit que le salary cap bloque les clubs ? On entend tout, mais aujourd’hui, il faut préserver la santé des joueurs et Antoine Dupont parle surtout pour la santé des joueurs, car ils ont besoin de souffler. »

Antoine Dupont n’est pas qu’un joueur de rugby, il est aussi un chef d’entreprise. Avec son frère Clément ils ont relancé le restaurant familial, dirigé par la famille depuis six générations, mais fermé en 2012. Ils ont fait du domaine de Barthas un lieu de restauration, de séminaires et d’élevage du porc noir de Bigorre. Son activité économique de chef d’entreprise lui permet peut-être de mieux comprendre les dangers du dirigisme économique que beaucoup d’économistes de plateaux télé.

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    The Real Franky Bee
    3 juin 2023 at 8 h 23 min

    « Taxer les riches », « taxer les super-profits », « bloquer les prix », « protéger les Français ». La cause peut être l’inflation, l’éternelle « crise du logement », ou encore le réchauffement climatique, on en reviendra toujours à ce bon vieux réflexe marxiste, l’opium du peuple français. Pendant ce temps-là, vous seriez surpris du nombre de nos compatriotes chercheurs, ingénieurs ou entrepreneurs partis à New York, Londres, en Californie ou encore en Asie. Et mieux vaut parler d’émigrés plutôt que « d’expatriés » si l’on veut comprendre le phénomène. Mais bon, il paraît que « la France se réindustrialise », c’est la dernière blague à la mode à l’Elysée.

    • Vous avez raison de dire que c’est une « blague » cette histoire de réindustrialisation de la France. En France, il y avait de très bonnes entreprises françaises. On les a soit fait fuir de la France avec les impôts, taxes et redevances de toutes sortes, soit bradées au profit de la finance, des banques et des étrangers en les vendant à la découpe et pour « pas cher ». A présent, que font M. Macron et son gouvernement ? Ils invitent des entreprises étrangères à venir s’installer en France en leur déroulant le tapis rouge avec l’argent des contribuables français parmi lesquels on retrouve … les quelques entreprises françaises restées au pays. Dans ces conditions, les entreprises étrangères auront vite fait de se défaire ou d’absorber leurs « concurrentes » françaises redues anémiées et faméliques. Résultats : parallèlement à la submersion économique et financière de la France par des entreprises étrangères, il y a une submersion sociétale, sociale, culturelle et religieuse de la France par des populations étrangères bien décidées à ne pas s’intégrer. Que restera-t-il de la France ? Rien : elle aura perdu son âme, son nom et sa souveraineté. Le « grand remplacement » est sournoisement instillé dans les consciences par l’obligation d’accrocher le drapeau européen au fronton des mairies ds communes de plus de 1500 habitants, un peu comme dans l’histoire du « couteau chinois » (vous la connaissez certainement, non ?).

    • Bien sur il y a pas de reindustrialisation en France ( c est de la com gouvernementale, donc il fait son job) mais on doit reconnaître que la desindustrialisation est en voie d extinction alors que l industrie automobile subit la fin du diesel et bientôt du thermique……
      La vie n est pas faite en noir ou en blanc mais de beaucoup de nuances de gris….🤗🤗🤗🤗🤗

  • Le football est l’opium de la société française (et même du monde). La masse d’abrutis qui suit les matchs ne se rebelle pas tant qu’elle a sa drogue. Ce n’est pas le cas du rugby qui reste relativement confidentielle en comparaison. Dès que le rugby aura atteint le même niveau de popularité que le football, alors les salary caps disparaîtront et on assistera à tous les excès du football, y compris ceux des dirigeants de la Ligue.
    Football et canabis même effets sur les gueux : ils planent béatement quand ils ont leur dose. D’où le nombre de championnat de football dans l’année.

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