Santé : le projet de loi Valletoux loupe sa cible

Les nouvelles contraintes du projet de loi Valletoux risquent d’aggraver la crise de la santé, sans régler les inégalités territoriales.

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Santé : le projet de loi Valletoux loupe sa cible

Publié le 28 mai 2023
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Les députés Frédéric Valletoux, Laurent Marcangelli (Horizon), Aurore Bergé (Renaissance) ont déposé un projet de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

L’objectif principal de ce projet de loi est de proposer des solutions aux inégalités territoriales. Le constat est exact, mais les propositions aboutiront au résultat inverse, avec le risque de déconventionnement.

Certes, 87 % du territoire national est un désert médical, résultat d’une longue fragilisation du système de santé et d’aspirations professionnelles des nouvelles générations jusqu’à présent mal anticipées.

Ce constat est sans appel : nous manquons de professionnels pour couvrir nos besoins de santé, et cette tendance devrait s’accentuer avec l’accélération de la transition démographique de la population : 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux ; 11 % des Français de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant ; 45 % des médecins généralistes seraient en situation de burn out, la moitié ont plus de 50 ans.

Les retards de prises en charge, qui en sont souvent la conséquence, peuvent entraîner des pertes de chance pour les patients.

Dans mon livre Blouses blanches, colère noire, j’explique en quoi les raisons sont politiques.

 

La médecine de ville en crise

Les soignants sont inégalement répartis sur le territoire.

Ces inégalités sont particulièrement marquées chez les médecins. Une quarantaine de départements sont aujourd’hui sous le seuil de 40 spécialistes pour 100 000 habitants. Parmi les spécialités les plus touchées, on trouve la gynécologie et la pédiatrie : 23,6 % des femmes vivent dans un désert médical gynécologique et 27,5 % des enfants dans un désert médical pédiatrique.

Six mois d’attente sont nécessaires pour obtenir un rendez-vous chez de nombreux spécialistes.

La surcharge des obligations est telle que les anciens médecins ne veulent plus prendre de nouveaux patients et effectuer des gardes. Plus de six millions de Français n’ont plus de médecin traitant, dont 700 000 malades en ALD.

 

Hôpital en crise

À l’hôpital, faute de personnels soignants, de nombreux services d’urgences ferment ou sont à la peine. Des dizaines de milliers de lits ont été supprimés pour appliquer la politique de la tarification à l’activité (T2A) ; l’hôpital est à flux tendu. Par manque de personnels, 20 % des lits restants, de nombreux services d’urgences et de nombreux blocs opératoires sont encore fermés dans certains hôpitaux.

Les praticiens des CHU ne peuvent plus accomplir la triple fonction soins-enseignements-recherche, à cause du poids des tâches administratives qui multiplient les réunions et les obligations non soignantes. Les démissions se multiplient.

Aux urgences, on meurt encore sur un brancard faute de lits et de personnels. Le tri par le 15 n’a fait que déplacer les problèmes, entraînant d’autres décès par retard de réponse aux appels, sans compter les pannes comme celle du 17 janvier 2023 : ni le 15 ni le 18, ni le 112 ne répondaient.

 

Crise ancienne et réformes inefficientes

Affolés par les déficits qu’ils ont creusé eux-mêmes, nos élus et les hauts fonctionnaires ont multiplié les agences de santé pour mieux la contrôler, ce qui a eu pour effet de la détruire.

La crise a commencé à bas bruit, il y a plus de 50 ans, dès mai 1968, avec la réforme des universités. Elle a eu des conséquences imprévues et décalées dans le temps.

Après la réforme Edgard Faure, l’université noyautée par le monde politique et l’administration a détruit le mandarinat des grands patrons, vite remplacé par des petits mandarinats de fonctionnaires hospitaliers.

Ce fut la fin de l’élitisme avec la suppression des concours d’externat puis plus tard d’internat de Paris en 2002.

Pendant les années Giscard, période au cours de laquelle le budget français est devenu déficitaire, la santé a commencé à être bridée. Ce fut pire avec la période Mitterrand pendant laquelle le numerus clausus s’est réduit à 3500, situation maintenue ensuite pendant de nombreuses années.

Les ordonnances Juppé ont ensuite détruit les cliniques indépendantes via les normes. Les Lois santé qui ont suivi n’ont jamais tenu compte de ces erreurs car la même pensée habitait ce monde politique : moins de prescripteurs = moins de dépenses.

La Loi Rist et le projet de PPL Valletoux présenté à l’Assemblée nationale accélèrent ces choix. Le conflit avec les médecins va s’accélérer.

La haute administration et ses serviteurs poursuivent ce travail de sape. La Haute école de santé publique (HESP) et l’ENA forment sur le même moule des hauts fonctionnaires avec la même vision opposée à la médecine libérale.

 

Conclusion

Les conséquences désastreuses touchent la formation, le nombre de soignants et l’organisation générale du système de soins, plombé par les déficits et paralysé par le système qu’elle a créé.

La pensée unique « moins de prescripteurs pour avoir moins de dépenses » a montré son échec et a multiplié les doublons des agences.

Les contraintes du projet de loi Valletoux vont aggraver la situation et entraîner des déconventionnements en chaîne.

Sans changer les orientations politiques qui ont amené cette crise et sans simplifier l’organisation, le système va continuer de s’effondrer.

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Créer un compte Tous les commentaires (19)
  • Il est amusant de constater que la médecine libérale, qui en échange de petits avantages ponctuels a soutenu et accompagné pendant de longues années la pensée unique « moins de prescriptions pour avoir moins de dépenses », n’ait jamais anticipé les conséquences de ce qu’elle sous-entendait « moins de prescripteurs libres de prescrire ».

  • Il y a de moins en moins de soignants car ils sont mal payés au regard de leurs responsabilités et du nombre d’années d’étude effectuées (un plombier est mieux payé qu’un médecin). À l’opposé, il y a de plus en plus d’enarques et de fonctionnaires très bien payés à pentoufler sans responsabilités.
    À noter que s’il y a peu de médecins dans les déserts médicaux, il n’y a aucun énarque dans ces mêmes déserts.

    • D’apres votre référence (Public sénat humm..) c’est bien l’état qui a décidé du numerus clausus, mais c’est surtout les socialistes qui ont décidé du nombre ridicule de médecins formés (3500 entre 1981-2000).
      Pour expliquer le numerus clausus, il faut revenir en arriere. C’est de Gaule avec la loi Debré (1958) qui a mis en branle une mécanique infernale avec l’explosion du nombre de CHU. En 1968 on a formé 16000 médecins par an, parce que le nombre de facultés de médecine a été multiplier par 2 pour attirer les médecins dans les centres hospitaliers (ceux-ci devenaient professeur..)
      Il a fallu mettre un frein et passer à 8000 ( ce qui fait 240 000 médecins). Ce sont bien les socialistes qui ont décidé d’un nombre insuffisant de médecins formés.

      • « Si le « numerus clausus » est maintenant décrié, ce sont pourtant les médecins libéraux, en 1971, qui ont réussi à convaincre l’Etat de limiter leur nombre. »
        Archi-classique. Les chauffeurs de taxis obtinrent la même chose, des années plus tôt.
        Un simple examen du graphique plus loin dans l’article montre que le numerus clausus s’est montré imperméable à la couleur politique du pouvoir (droite ou gauche) pendant 20 ans de 1975 à 1995.
        Il faut s’armer d’une profonde mauvaise foi pour tenter de faire croire que le numerus clausus aurait pu se faire à l’insu du plein gré des médecins libéraux et que seule la gauche en fût responsable, quand la loi a été votée sous la droite et non amendée lorsque la droite fut au pouvoir.

        • Mon point est que le numerus clausus était nécessaire en 71 les Fac formant 12k médecin par an soit 420k médecins (12k x 35 ans). La droite a mis un numerus clausus raisonnable, 8K/ans soit 280k (8k x35 ans) ce qui devait déjà doubler à l’époque le nombre de médecins. Vous nous parlez du SAEM qui est un syndicat de médecins hospitaliers et non des médecins libéraux. D’ailleurs les médecins libéraux ont vu la valeur de leur clientele s’éffondrer avec la chute du NC. Je rappelle qu’une clientèle se vendait 6 mois de chiffres d’affaires.
          Je note que le NC est resté inférieur a 6000 (210k 6k x35) qui est le niveau de remplacement des médecins entre 1983 et 2005 où les socialo étaient au pouvoir (Miterrand I, Miterrand II, Jospin I) les périodes de cohabitation ou Juppé I trop courte pour modifier le NC.

          • Cessez donc de jouer au loup de la fable « Le loup et l’agneau ».
            Vous sauverez votre crédibilité. C’est important. Elle ne sert qu’une fois.

            -3
            • A propos de crédibilité, celles des socialo avec la MICA (preretraite des médecins à 57 ans) qui a fonctionné de 1988 à 2003 (Miterrand II, Jospin I). On aurait trop de médecins..
              Décidement la prospective est un art difficile, surtout quand on est socialo.

              • Mais vous prêchez un convaincu. Les socialos sont nuls et l’ont toujours été, avec leur manie de confondre leurs rêves avec la réalité. Ils ne sont égalés dans la bêtise et l’aveuglement que par les communistes et les écolos.
                De là à leur attribuer tous les péchés de la terre…
                Ce serait faire preuve d’autant de bêtise et d’aveuglement que de croire que les autres ne peuvent pas être aussi mauvais qu’eux.

  • Il est assez cocasse de voir que les énarques aux manettes ont à la fois réduit les places aux concours de médecine (pour faire des économies?) et augmenté les places des concours scientifiques les plus prestigieux ENS, X, grands corps (espérant affaiblir le niveau de leurs concurrents trop qualifiés?).
    L’aveuglement au pouvoir.

  • Le problème n’est pas tant du côté des médecins que de celui de la sécu. Il suffirait sans doute de permettre la multiplication d’assurances santé privées pour que les pistes d’amélioration s’éclairent et s’imposent d’elles-mêmes.

    • Oui tout à fait. On peut faire toute les réformes mais tant que la sécu existe et paye sans controler ce sera le gaspillage.
      Les assurances privées vérifiront le travail des médecins et ne valideront pas les médecins qui font des actes sans intérêt comme beaucoup le font. Beaucoup de médecins font surtout des renouvellements d’ordonnances, ce qui n’apporte pas grand chose comme service.

      • « renouvellements d’ordonnances, ce qui n’apporte pas grand chose comme service. »
        Vérifier (même rapidement) l’état du patient pour voir si les prescriptions sont tjrs ad hoc ou si un nouveau pb n’est pas en train d’apparaître, ce n’est pas négligeable.
        Si le renouvellement d’ordonnance n’était qu’un acte purement administratif, cela fait longtemps que la SS aurait validé des ordonnances à renouveler sans contrôle, ne serait-ce que pour économiser le remboursement des consultations de renouvellement.
        Vous remarquerez qu’aucun administratif est prêt à endosser la responsabilité d’une ordonnance à renouveler sans contrôle alors que, selon votre propre appréciation, cela pourrait être un gisement d’économie :-)! Cela devrait pousser à la réflexion…

    • Tout à fait.
      Le sain principe de mise en concurrence des offres de soin.
      Évidemment, face à une concurrence même minime, la SS ne sera pas à son avantage. A lui seul, ce constat peut expliquer le blocage ad vitam du système.

    • Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie !
      Et coûteuse…
      Nul doute que le privé gérerait mieux. Nul doute aussi que ce serait à la marge.
      Sinon, on remercierait, chaque jour que dieu fait, les assureurs auto de l’impact positif de leur saine gestion sur l’insécurité routière…

      -1
  • Il est dommage que vous n’expliquez pas en qq mots en quoi consiste la réforme Valletoux. Cela permettrait de mieux comprendre en quoi elle ne résoudra rien, accentuera les pbs et est, in fine, dans la droite ligne de l’interventionnisme administratif étatique dans le système de santé.

  • Ah ah, ils sont bien plus efficaces qu’en URSS 🙂

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