Politique du logement : pilotage à vue

La Cour des comptes révèle que l’État français navigue à vue en matière de logement, manquant de données fiables pour piloter efficacement sa politique.

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Politique du logement : pilotage à vue

Publié le 24 mai 2023
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Par Philbert Carbon.
Un article de l’IREF

La crise du logement qui se profile a tout pour être « historique, » selon Les Échos. De son côté, la Fédération française du bâtiment (FFB) a annoncé mi-avril que les mises en chantier de logements étaient en baisse sévère et que les projections pour 2025 étaient catastrophiques. L’organisation patronale en a donc appelé à l’État et a réclamé un « bouclier logement ». Mais est-ce vraiment la solution ? Car selon la Cour des comptes, en matière de logement, l’État navigue à vue.

Les chiffres du logement ne sont pas bons. C’est la FFB qui le dit : baisse de 6,4 % des mises en chantier entre février 2022 et février 2023 ; baisse de 5,1 % des permis de construire sur la même période, et de 26,7 % depuis le début de l’année. Les ventes de logements neufs sont aussi en chute (-31,4 % pour les particuliers et -16,2 % pour les promoteurs), ce qui n’augure rien de bon pour les chantier futurs. Les projections pour 2025 ne sont pas meilleures, avec une baisse de 25 % des mises en chantier de logements neufs qui entraînerait la suppression de 100 000 postes.

 

Le recours à l’État

Immanquablement, l’organisation patronale en appelle à l’État afin qu’il instaure un « bouclier logement » pour les ménages : prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu’à la fin de l’année 2024 sans discrimination territoriale ; instauration, au moins jusqu’au 31 décembre 2024, d’un crédit d’impôt lié à la règlementation environnementale RE 2020 équivalant à 15 % des annuités d’emprunt pendant cinq ans ; restauration du dispositif Pinel dans sa version de 2022 et sans exclure la maison individuelle, dans l’attente de la mise en place du statut de bailleur privé.

Cet appel à l’intervention publique est inquiétant, tant nous savons combien elle est inutile.

L’Iref n’a pas cessé de montrer, ces dernières années, que les gouvernants mènent en la matière une politique de gribouille qui produit irrémédiablement des résultats inverses à ceux que l’on recherchait : surprotection des locatairesréglementations écologiques, imposition excessive des revenus locatifsplafonnement des loyerssurimposition des propriétaires, multiplication des logements sociauxrationnement du foncier constructibleaides en tous genres, interdiction des locations touristiques, réglementation de l’accès au crédit, etc.

On pourrait continuer longtemps à lister les maux qui frappent le logement et la propriété immobilière en France, maux qui s’aggravent à chaque changement de ministre – déjà neuf titulaires ou cotitulaires depuis qu’Emmanuel Macron est président de la République –, le nouveau voulant à tout prix se distinguer de son prédécesseur.

Cela dit, pour la Cour des comptes, ce n’est pas l’excès de réglementations et de taxes qui empêche le marché du logement de fonctionner correctement, mais le manque de données.

 

L’État manque de données pour piloter la politique du logement

Dans un référé rendu à la fin du mois d’avril 2023, la Cour des comptes révèle que les décideurs publics ne regardent jamais les pratiques de nos principaux voisins. Pourtant, affirment les magistrats, la politique française du logement « pourrait bénéficier d’une approche européenne comparée pour améliorer son efficience ». Nous en sommes convaincus à l’Iref, et nous nous efforçons de mettre régulièrement en avant des exemples étrangers, bons ou mauvais.

Nos gouvernants, sans doute persuadés de leur génie, préfèrent travailler en vase clos. Encore faut-il qu’ils puissent prendre des décisions sur la base d’informations correctes. Dans un autre référé, rendu public l’été dernier, la Cour des comptes estime que « pour garantir l’efficience d’une politique publique qui représente pour l’État un coût annuel proche de 40 milliards d’euros », il est essentiel de disposer de « données fiables, exhaustives, récentes et accessibles aux responsables et aux acteurs du logement ». Notamment, la Cour précise que les décideurs publics doivent avoir « une connaissance raisonnable des parcs de logement social et privé afin d’établir, à partir des réalités territoriales, de l’expression du besoin des demandeurs et des caractéristiques humaines et sociales de ces derniers, les stratégies les plus appropriées en matière d’offre de logement neuf, de lutte contre l’habitat indigne, de rénovation énergétique ». Or, selon les magistrats de la rue Cambon, ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Pourtant, la Cour a identifié douze bases de données publiques sur la politique du logement, mais elles sont complexes, non actualisées, insuffisamment fiables et non exhaustives. Les observatoires des loyers et les associations départementales d’information sur le logement (Adil), financés sur fonds publics, sont ainsi beaucoup moins fiables que les sites internet privés qui fournissent des informations sur les loyers et les ventes de logement. À tel point, s’étonne la Cour, que ces derniers « viennent parfois nourrir ou étayer les bases publiques ».

Pour ne pas dépendre des données privées, la Cour des comptes enjoint l’État à accroître substantiellement « sa capacité d’information territoriale », notamment en décloisonnant les bases de données publiques. Par ailleurs, elle constate que la suppression de la taxe d’habitation prive l’État de données essentielles et demande, pour y remédier, la création d’un « répertoire interadministratif des locaux, adossé aux bases de la DGFiP ». D’où la nouvelle inquisition dont sont victimes les propriétaires !

 

L’oubli du marché

Nous ne voyons pas pourquoi s’appuyer sur des données privées plutôt que publiques serait un problème. Si le secteur privé est capable de fournir des informations fiables à moindre coût que le public, pourquoi s’en priver ?

Cependant, ce n’est pas parce que l’État disposerait de données satisfaisantes et qu’il s’inspirerait de ce qui se fait à l’étranger que la politique publique du logement ne naviguerait plus à vue.

En effet, les magistrats de la Cour des comptes, manifestement peu formés à la science économique, oublient que l’on n’a rien trouvé de mieux que les prix pour coordonner les actes de millions d’individus et pour transmettre l’information. Seuls les prix provenant de la coopération volontaire peuvent indiquer la valeur relative des biens et services sur le marché comme l’a montré Hayek. En intervenant à tout bout de champ sur le marché du logement, en taxant et en réglementant, les gouvernants faussent les prix.

Par conséquent, quoi qu’ils fassent, ils ne disposeront jamais des bonnes informations nécessaires pour prendre des décisions correctes. Qu’ils abandonnent donc leur « présomption fatale » et laissent les millions d’individus concernés échanger librement sur le marché. Le logement des Français ne s’en porterait que mieux.

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  • Politique du logement, politique de la transition écologique, politique de la transition énergétique, aucune de ces politiques n’est véritablement pilotée, vu que le gouvernement ne tient aucun compte des alertes que lui présentent les instruments de son « tableau de bord »! Je dirais plutôt que l’on se précipite vers l’abîme les yeux bandés! C’est un suicide!

  • Je propose de simplifier le titre :
    Politique : pilotage à vue

  • La politique du logement en France est très simple et se résume en 2 mots : logements sociaux. Cela permet par exemple de loger à Paris et à bas loyer ses enfants, cousins et autres Ministres : Simone Veil (un exemple pour tous les Français) n’était elle pas logée dans un logement social de la ville de Paris lorsqu’elle était Ministre (la pauvre ministre) ?
    Ça a plein d’avantages : ceux qu’on loge sont redevables et votent donc à gauche ; on peut loger les immigrés à l’oeil (et on en voit les conséquences dans le 93, mais ça c’est pour les générations futures)…
    Mais il y a aussi des inconvénients. Il faut taxer le privé pour compenser ceux qui ne veulent plus payer leurs loyers et les taxes sur les mutations (dites frais de notaires) qui rapportent plus de 7% actuellement.
    Enfin n’oublions pas un modèle de logement à appliquer qui fonctionne hyper bien : le modèle soviétique ou maoïste. Russie et Chine ont abandonné ce modèle mais nous, en France, on le remet au goût du jour. On sait ce qui fonctionne en copiant les échecs des autres !

  • En ce qui concerne l’état macronien, on ne peut plus vraiment parler de pilotage.
    Dans la plupart des cas, ça ressemble plus aux auto tamponneuses qu’au pilotage de rallye !
    Encore 4 années comme ça et la France ne sera plus qu’une immense casse automobile !

    • En matière de pilotage, ça ressemble au crash du Rio Paris! L’équipe aux commandes ne sait pas piloter, n’a pas confiance dans les rares instruments qui fonctionnent encore, n’a pas conscience que la France a depuis longtemps décroché, et toutes les mesures pour reprendre le contrôle ne font qu’aggraver la situation!
      Ce pays fonce à toute vitesse vers le néant!

  • L’immobilier dépend aussi du désir d’être propriétaires or la propriété apparait comme trop taxé et trop compliqué à gérer pour un investisseur particulier dans l’immobilier locatif. En plus du classement DPE, du permis de louer et de l’interdiction en cas de mauvais classement DPE, un député assimilé Renaissance (EELV), Guillaume Vuilletet, vient de déposer le 10 mai une proposition de loi visant à créer un contrôle technique décennal pour les propriétaires. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/renforce_controle_decence_logements
    Et à la même date une autre proposition de loi visant à réduire de 10% l’Indice de Référence des Loyers (IRL) et à augmenter le taux de l’IFI pour les propriétaires qui y sont assujettis : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1209_proposition-loi
    On aurait donc en même temps une baisse de revenus, bref la double peine.
    La Russie et la Chine vont se trouver moins communistes que la France.

  • Votez communiste : votez LREM ❗

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