L’IA bouge encore en Europe ? L’UE choisit donc de la réglementer

Alors que la Chine et les États-Unis multiplient les startups, les modèles et les équipes dans la course à l’intelligence artificielle, l’Europe décide de réguler tout ça.

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L’IA bouge encore en Europe ? L’UE choisit donc de la réglementer

Publié le 19 mai 2023
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En novembre dernier, alors que les artistes avaient déjà découvert depuis quelques mois la puissance de l’intelligence artificielle avec MidJourney, le grand public faisait connaissance de ChatGPT et ses surprenantes capacités de dialogue. En quelques semaines, le gros modèle de langage occupait tous les esprits.

Pensez donc : voilà que déboule un outil capable de distribuer des informations de façon facilement digérable, apte à se mettre au même niveau que son interlocuteur, dans un dialogue poli et courtois ! Difficile de faire plus attractif, et, sans surprise, alors que la Chine et les États-Unis – notamment – multiplient les startups, les modèles et les équipes dans la course à l’intelligence artificielle, vite, vite, l’Europe a donc joyeusement décidé de réguler tout ça.

Tandis que les principales puissances économiques et intellectuelles du monde se sont lancées dans une course sans merci à l’amélioration de leurs moteurs et de leurs usages de l’intelligence artificielle, au travers d’un Parlement au taquet, le Vieux Continent s’est immédiatement réjoui il y a quelques jours d’être la première puissance au monde à se doter d’un cadre juridique bien gluant pesant solide pour limiter les abominables dérives possibles de ces outils.

Parmi ces dérives, il pourrait être question de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le pistage numérique des citoyens, de son utilisation pour les empêcher de s’exprimer comme ils le souhaitent, voire de canaliser les informations dans un seul sens, bref, tous ces dévoiements de l’innovation dans lesquels l’Union européenne n’est jamais tombée du tout du tout circulez il n’y a rien à voir.

C’est ainsi que les eurodéputés se sont employés à produire un premier brouillon de texte de loi qui, pour suivre avec brio ses précédents succès dans des domaines similaires, s’inspire donc des réglementations existantes en matière de sécurité des produits et imposera des contrôles reposant d’abord sur les entreprises. L’odeur du succès est déjà très forte et les milliers d’amendements en cours de discussion ajouteront nuances et finesse dans un résultat qu’on pressent déjà indispensable à l’avenir européen dans ce domaine ; il suffit pour s’en convaincre de constater que des restrictions et des contraintes seront imposées aux applications à « haut risque », comme les infrastructures critiques, l’éducation, les ressources humaines, le maintien de l’ordre ou la gestion des migrations.

Devant l’étendue de cette liste qui recouvre de façon commode – c’est une pure coïncidence – les domaines dans lesquels l’État veut absolument avoir la primauté de sa propre propagande communication, on comprend qu’à part la recette des saucisses et les collections de timbres, il n’y aura aucun secteur dans lequel l’intelligence artificielle pourra se développer sans qu’interviennent délicatement les fiers législateurs de l’Union européenne et de chacun de ses États membres.

Notons toutefois des aspects positifs à ces législations en cours d’élaboration, comme des interdictions relatives, de façon presque ironique, aux systèmes de « notation citoyenne » ou de surveillance de masse, actuellement utilisés en Chine. Cependant, on ne pourra s’empêcher de rappeler que c’est ce même Parlement européen qui a autorisé, avec la même application, la mise en place d’un pass vaccinal en Europe et a imposé des mesures extrêmement drastiques au sein même de son institution, en violation d’à peu près toutes les valeurs qu’il prétend à présent sauvegarder avec son brouillon.

Non, pas de doute à avoir : la direction prise est assurément la bonne, et au bout de la route que l’Union emprunte maintenant en accélérant se trouve un succès aussi flamboyant que garanti. À l’instar des États membres de la Vieille Europe dont la France est une fière représentante surtout en matière de numérique, pour se rassurer, il suffira de se rappeler les précédentes interventions des institutions européennes dans les domaines de l’informatique.

Ainsi, on se souviendra de l’obligation faite à Microsoft de séparer, au début des années 2000, le butineur internet du système d’exploitation : ce fut une victoire sans conteste d’autant plus qu’elle fut concomitante avec l’arrivée de Firefox et Chrome, des concurrents nettement plus solides et rapides qu’Internet Explorer et qui lui taillaient déjà des croupières phénoménales pendant que les scribouillards européens tançaient vertement le géant du logiciel américain. L’impact des réglementations fut à peu près nul.

De même, le RGPD a été un succès fulgurant qui porte, lui aussi, la marque de fabrique du Machin européen. Grâce à ce règlement transformant l’internet européen en clickodrome de l’enfer, tout le monde valide sans plus réfléchir du tout les abrutissants panneaux qui déboulent à chaque nouveau site visité et qui vendent pourtant à vil prix notre âme numérique aux diables étrangers.

Bien sûr, les performances passées ne préjugent pas des performances des futures législations mais donnent néanmoins une bonne idée de ce à quoi on peut s’attendre, c’est-à-dire un échec mou et gluant.

Déjà, parce que se lancer dans un moratoire (comme le suggéraient Musk et d’autres signataires), des régulations et des contraintes législatives est probablement trop tard : la plupart (pour ne pas dire la totalité) des techniques d’intelligence artificielle sont directement disponibles en sources libres, que les matériels sont achetables et déployables sans licences ou droits spécifiques (et heureusement) et que, du reste, la communauté de l’OpenSource ne se gêne guère pour le faire (il existe déjà de nombreux moteurs plus ou moins proches de GPT3 libres d’accès).

Ensuite, parce que les recherches, totalement indépendantes et finalement assez loin de ces considérations, continuent de plus belle sans attendre l’avis des doctes législateurs perdus dans leurs amendements.

De surcroît, les gains à attendre de l’Intelligence artificielle en matière de surveillance poussée des agaçants citoyens poussera sans le moindre doute les États soit à bâtir les lois en laissant ces aspects soigneusement disponibles pour eux, soit à ignorer superbement les textes comme ils l’ont amplement prouvé les trois dernières années.

En fait, dans les appels des uns et des autres soit à freiner ces technologies, soit à les réguler plus ou moins fermement, on sent les mêmes pulsions que celles qui animent le commissaire Breton, pourtant élu par personne, lorsqu’il tente de faire plier Twitter et sa vilaine liberté d’expression un peu trop libre : accepter de laisser l’intelligence artificielle aux mains du peuple, des sans-dents, c’est confier à ces derniers des outils qu’on aimerait beaucoup restreindre et limiter pour en conserver les versions débridées à la seule exclusivité des représentants de l’État, seuls capables de déterminer vraiment ce qui est lisible, audible, pensable.

Selon toute vraisemblance, l’agitation législative autour de ce sujet va très probablement aboutir au mieux à une souris inutile, au pire à une montagne ridiculement handicapante pour tous les projets européens du domaine. L’analyse du texte tel qu’il existe penche pour la montagne, et la catastrophe paralysante qui surviendra si le texte est voté en l’état promet quelques atermoiements humides en Europe, pendant que la concurrence, elle, s’emploiera à fournir un service chaque mois plus stupéfiant.

Bref, encore une fois, l’administration (ici européenne) prouve qu’elle applique à la lettre les principes économiques socialistes de base : si ça bouge, on le taxe. Si ça continue à bouger, on le règlemente. Et quand ça ne bouge plus, on subventionne.

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  • Les législateurs et les régulateurs n’ont manifestement pas compris à quoi l’IA pourrait leur servir. Pourvu que ça dure !

    • La stupidité naturelle est mal armée pour comprendre quoi que ce soit à l’intelligence artificielle.

  • Les tyrannies/régimes autoritaires/dictatures ne sont jamais le fait des Peuples mais toujours de ceux qui ont accès au Pouvoir armé. L’U.E n’a pas de police ni d’armée propres mais elle a accès à celles des États membres qui, eux, en sont pourvus.

    La seule dérive que l’U.E devrait interdire est celle de l’utilisation de l’I.A. par les gouvernements, incluant le Parlement européen, contre leurs citoyens.
    Staline, Pol Pot, Castro, Mao et les autres auraient adoré avoir ces technologies. Xi les a et s’en sert contre ses citoyens.

  • Pour faciliter ces réglementations, le mieux est que l’Europe demande à Chatgpt de les créer….

  • Les députés européens craignent peut-être d’être avantageusement remplacés par l’IA.
    Qu’ils se rassurent : l’intelligence artificielle ne remplacera jamais la crétinerie naturelle !

  • Avatar
    jacques lemiere
    19 mai 2023 at 18 h 43 min

    bah..ils réglementent tout…
    il faut faire un article quand ils ne réglementent pas..

    • « il faut faire un article quand ils ne réglementent pas »
      Vous avez raison! L’Europe est devenue un pays de Shadoks: il vaut mieux pomper (réglementer) même s’il ne se passe rien plutôt que risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant (réglementant) pas! On est très mal partis!

      • Avatar
        jacques lemiere
        20 mai 2023 at 9 h 52 min

        en fait ce qui est intéressant est la philosophie derrière la réglementation.. c’ets souvent protéger tel ou tel coté lors d’echanges libres.. souvent le consommateur car il est vraiment trop con..

        on va réguler car car les gens sont cons.. ils ne savent pas ce qu’est leur interet.. ils ne savent pas dépenser leur argent « bien »..autant leur prendre pour le dépenser à leur place..mieux.

  • Tout se déroule comme prévu en europe.
    L’IA va être réglementée puis progressivement interdite d’usage pour la populace.
    L’état en aura alors le monopole et ne se privera pas de l’utiliser pour générer sa propagande et surveiller/controler la plèbe.

    • Ne vous inquiétez pas. Toutes les associations, tous les syndicats, tous les publicitaires, tous les propagandistes ont aussi les moyens de se payer un VPN et d’utiliser l’IA à l’étranger pour polir leurs mensonges.

  • Sans doute l’IA comporte-t-elle des dangers, mais l »Europe est un vieux continent qui s’efface lentement et a peur de tout, voulant réglementer pour tout maintenir en l’état (en l’État ?).
    La population française pense naïvement, par lassitude ou par paresse, que l’État la protège, alors qu’il la saigne économiquement et fiscalement, plombant ses capacités d’évolution dans un monde qui avance rapidement.
    Sans produire autre chose que des éléments de langage qu’une population de moins en moins éduquée avale goulûment, la technocratie ronge fièrement le pays qu’elle coule…

    • J’ai bien aimé et notamment votre finale : « la technocratie ronge fièrement le pays qu’elle coule »
      Bonne journée

  • Bah, les vassaux européens n’ont pas le droit de faire de l’ombre aux États Unis, that’s all. Réglementer c’est sans doute interdire comme les ogm etc.

  • Ce cher Thierry Breton dont la réussite d’Atos nous a laissé sans voix, trouve à ce poste de commissaire (non élu) toute la surface de nuisance nécessaire à l’échec de l’Europe dans le domaine numérique. C’est l’art de la France dans le domaine économique d’un socialiste qui s’ignore mais qui donne ainsi la pleine mesure du risible… encore un « occupant de l’intérieur » qui nous aurait manqué

    • A part l’argent, qu’est-ce qui fait avancer un Homme ? Les bretons ne sont pas plus idiots que les autres !….. He oui, les paradis fiscaux n’ont toujours pas disparus… Comme si ce type (et les autres) pouvait avoir leur niveau de vie avec leur ‘travail’ ?
      Mais c’est normal, j’en ferais autant à leur place et leur carnet de bonnes adresses…

      -1
      • Le pouvoir, la puissance et la gloire comptent bien plus que l’argent pour ceux qui nous dirigent.

  • Les commentaires sont fermés.

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