Discours de la Sorbonne : ce que le président oublie de dire

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Discours de la Sorbonne : ce que le président oublie de dire

Publié le 18 mai 2024
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Il y a bien un déclin de la France au niveau de l’Europe et du monde, et une tentative de contrôle toujours grandissant de la Commission européenne sur les politiques nationales.

Selon Georgina Wright, « il faudrait déplorer à la fois le déclin du poids de la France au sein de l’Union européenne et la mainmise de Bruxelles sur la politique menée par Paris ».

Dans un article publié par Le Monde, Georgina Wright, directrice à l’Institut Montaigne déplore que les Français considèrent, à tort, que l’Europe serait la cause du « déclin du poids de la France au sein de l’Union européenne ». Pour l’auteur, « l’Union européenne semble plus que jamais naviguer sous pavillon français. »

Elle a raison sur un point, s’il y a déclin de la France au sein de l’Europe et du monde, ça n’a rien à voir avec l’Europe. Malheureusement, le déclin relatif de la France à l’intérieur de l’Union et dans le monde est bien réel. Ce déclin relatif n’est pas une perception, mais une réalité. Quant au grignotage de Bruxelles sur les pouvoirs nationaux, il est souterrain et permanent.

Effectivement, la France décline au sein de l’Union européenne, et la Commission européenne essaie d’une manière constante d’étendre ses pouvoirs, soutenue en cela par notre président qui a une certaine tendance à confondre Europe (nécessaire) avec supranationalité communautaire.

 

Déclin du poids de la France au sein de l’UE et du monde

Dans son discours du 25 avril à la Sorbonne, le président Macron parle du déclin de l’Europe, et masque celui de la France sous le voile pudique du déclin de l’Europe.

Qu’on en juge :

Il compare la croissance entre l’Europe et les États-Unis (nous n’avons pas trouvé les mêmes chiffres que ceux mentionnés dans son discours). La croissance du PIB per capita en dollar (PPA) constant de l’Union européenne de 1993 à 2022 est la même pour les États-Unis (57 %) et l’UE (60 %) (source Banque Mondiale). Mais il existe une forte divergence entre les taux de croissance au sein des pays de l’Union européenne. Les pays riches ont une croissance inférieure aux nouveaux venus, ce qui est normal. L’Europe a donc permis un extraordinaire effet de rattrapage pour les nouveaux pays.

En termes de croissance du PIB per capita (à prix constant) de 1995 à 2022, la France se situe au 25e rang (sur 27 pays de l’UE) (cf. tableau 1). La France est à la traîne en matière de croissance (32 %) par rapport à la moyenne de l’UE (52 %). Ce que le président Macron a oublié de mentionner. C’est embarrassant pour un pays ayant une certaine propension à expliquer ce qu’il faut faire à ses partenaires. Cette croissance faible n’a rien à voir avec l’Europe, elle est due à une insuffisance de travail en France, un excès de bureaucratie, trop d’impôts et de charges, et trop de normes qui ont un effet anti-croissance (la Commission européenne est ici très responsable).

 

Tableau 1 : ce qui est frappant, c’est la croissance exceptionnelle des nouveaux entrants au sein de l’UE

 

Le président Macron a oublié de célébrer l’un des plus grands succès de l’Europe : l’intégration réussie et très bénéfique de onze pays ex-communistes au sein de l’Union à partir de 2004. Il n’est pas étonnant que ces pays aient fait le choix de l’Europe, et tiennent à y rester.

En termes de PIB, la France reste bien le deuxième pays de l’Union, mais son poids au sein de l’Europe diminue, comme celui de l’Allemagne. Si on compare les PIB de 1980 à 2023, le poids de la France dans le PIB de 13 pays de la zone euro passe de 25 % du total en 1980-1985, à 21 % de 2018-2023.

Si maintenant on compare la France au niveau mondial, sur les 48 pays les plus riches du monde (en termes de PIB per capita) elle passe du 12e rang en 1995 au 20e en 2023 (cf. tableau 2). La France a un poids diplomatique supérieur à son poids économique, la puissance française « cinquième puissance » mondiale repose plus sur le verbe que sur la substance.

 

Tableau 2 : décrochage de la France au niveau mondial

Un pays où l’on travaille moins pour gagner plus avec l’assentiment tacite des politiques (et de l’opinion publique) ne peut être un pays de croissance.

Alors, on me rétorquera que le PIB n’est pas l’alpha et l’omega pour mesurer l’importance d’un pays, ce qui est tout à fait vrai, mais un pays qui décline économiquement par rapport à ses pairs voit inéluctablement son pouvoir se réduire. Ce n’est pas visible à l’œil nu, car c’est un processus long.

 

Mainmise grandissante de la Commission européenne sur les politiques nationales

Prenons quelques exemples concrets dans le domaine diplomatique, de la défense et des normes.

Juridiquement et politiquement, l’Europe n’est pas un pays, la Commission européenne n’est pas un gouvernement. Comment une entité bureaucratique sans légitimité politique peut-elle avoir des ambassadeurs ? Comment la présidente de la Commission peut-elle être invitée, au même rang que les chefs d’État, à des réunions au sommet ? L’Europe (la Commission) souveraine, ça ressemble à un oxymore.

Depuis la présidence de Mme von der Leyen, la Commission européenne veut tout faire, y compris s’occuper de défense… Elle veut instaurer un commissaire à la défense, alors que celle-ci est théoriquement une prérogative nationale.

Le Commissaire Thierry Breton, qui a toujours de grandes idées pour dépenser et inventer de nouveaux programmes, propose la création d’un fonds de 100 milliards d’euros pour la défense, puis dans le même souffle, il reconnaît que la défense est bien « un élément de souveraineté. » Il n’est pas à une contradiction près. Autrement dit, la Commission gérerait un fonds pour la défense européenne, mais la défense nationale reste une prérogative nationale… Celui qui gère le budget a le pouvoir. M. Breton demande tout simplement un transfert d’un pouvoir souverain vers la Commission européenne. Quant au financement, on verra bien, on émettra une dette communautaire (qui, bien entendu, sera gratuite puisqu’européenne…)

S’il est exact que les pays européens ne dépensent pas assez en matière de défense, c’est un leurre d’imaginer que leur carence sera palliée par « l’Europe. »

Le président Macron propose une Europe de la défense.

C’est un slogan qui masque la réalité : la France dépense moins de 2 % de son PIB pour la défense (1,9 % du PIB en 2023). Il paraît que ce budget va augmenter dans les années à venir. La France n’a plus d’espace budgétaire et tellement de demandes de la part des citoyens…

 

Tableau 3 : la France consacre 1,9 % du PIB à la défense

Source : NATO, Defence Expenditure of NATO countries

 

Tous les politiques et commentateurs plaident pour un nouvel emprunt au niveau communautaire afin de financer ces dépenses militaires.

C’est un leurre de croire qu’un financement européen serait gratuit. Le président Macron, Mme von der Leyen, le Commissaire Breton, etc. se demandent-ils qui gérera ce fonds et qui paiera cette dette ?

Des ânes nous disent que cette dette européenne ne figurera pas dans la définition de la dette nationale au sens de Maastricht. Une dette invisible est donc bonne à prendre. Admettons qu’elle soit communautaire (ce qui est bien le souhait de Bruxelles), admettons qu’on la rembourse, qui va payer ? Le contribuable européen n’existe pas, il n’y a que des contribuables français, belges, italiens, allemands, etc. Que la dette soit européenne ou nationale, le service de la dette ne pourra être assuré que par des contribuables nationaux.

La Commission européenne a infligé toujours plus de normes au nom de l’harmonisation et de l’écologie.

Grâce aux agriculteurs, on commence à prendre conscience que ces normes et règlements juridiques ont comme effet de brider la croissance et l’innovation. Les États-Unis ont une industrie vigoureuse dans le domaine de l’IA, et n’ont pas de réglementations dans ce domaine, l’Europe a la meilleure réglementation du monde sur l’IA, mais n’a pas d’IA.

Monsieur Breton, on ne fait pas de l’innovation en commençant par le droit. Il serait souhaitable de mettre un frein à l’appétit insatiable de régulation de la Commission européenne.

« Dès qu’une nouvelle technologie arrive, le premier réflexe est de réglementer. » R. Saadé, patron de CMA-CGM.

Il serait sans doute temps que la Commission commence à écouter les chefs d’entreprises (un agriculteur, même modeste, est un chef d’entreprise).

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  • Merci pour cet article .

  • Je ne vois pas pourquoi Macron se préoccupe de défense européenne. La France a payé et paie très cher pour développer, maintenir et perfectionner sa dissuasion nucléaire.
    Les autres pays européens ont choisi le parapluie américain, sans doute illusoire. C’est leur problème, pas le nôtre.
    En quoi une défense européenne ramènerait la paix en Nouvelle Calédonie ?
    Macron a été élu par les Français pour diriger la France, pas l’Europe. Il lui reste à peine 3 ans pour nous prouver qu’il a été président, voilà un challenge à la hauteur d’un grand homme !

    • Notre PR a un hochet la défense européenne qui lui permet de nous faire de grands discours creux comme d habitude et de se montrer conquérant…….quand il est incapable d apporter une aide conséquente à nos amis ukrainiens
      Cette manie très française du verbe haut en couleur suivit d aucun acte n est que de la procrastination
      Soyons clair tout le spectre politique vit de cette emphase grandiloquente….voir les échanges picrocholins au sein notre assemblée nationale……🤣🤣🤣🤣🤣

    • Macron a toujours été dans l’utopie et se distingue comme roi du blablabla. Il ne sera jamais un grand homme mais restera comme le fossoyeur de la France.

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