Muguet ou œillet rouge ? En France comme en Allemagne, ce 1er mai est symbolisé de manière florale.
Or, tout comme le symbolisme des fleurs, il est temps de s’interroger sur la véritable signification de ce jour et en particulier de la notion de travail aujourd’hui.
Une vision négative et conflictuelle du travail
Créée à la fin du XIXe siècle par la Deuxième internationale et plusieurs mouvements syndicaux occidentaux, la fête du Travail était initialement destinée à militer pour la journée de 8 heures.
Si celle-ci est finalement instaurée dans la plupart des pays industrialisés entre les deux guerres, le jour est institutionnalisé par la Russie bolchevique dès 1920. Trente ans plus tard la RDA fera de même.
En France, il faudra attendre 1947 et l’initiative de députés socialistes et de ministres communistes pour que le jour soit déclaré férié et chômé. Il l’avait déjà été à partir de 1941, mais cette fois, il n’était pas animé par une vision marxiste mais par le corporatisme du régime de Vichy.
Une tentative d’apaisement
Loin de ces considérations, la religion catholique a elle aussi tenté de s’approprier le 1er mai. En 1955, le pape Pie XII le rattacha à Saint-Joseph artisan, saint patron des travailleurs.
Depuis 1882, de l’autre côté de l’Atlantique, on célèbre également le Labor Day, ou fête du Travail, par opposition à la fête des Travailleurs, chaque premier lundi du mois de septembre, avec une signification bien moins politique.
Ces deux dernières conceptions appellent à une vision du travail bien plus positive.
Nous sommes tous capitalistes
Cette fête est fondée sur une distinction factice et, disons-le, antédiluvienne des rapports de travail, opposant arbitrairement capitalistes et travailleurs. Or, les capitalistes et les travailleurs tendent de plus en plus à être les mêmes personnes.
Combien de salariés ont aujourd’hui une activité indépendante à côté de leur emploi ? Combien ont aujourd’hui des actions d’entreprises dans leurs plans d’épargne ou leur assurance-vie ?
Plus encore que ces aspects, souvenons-nous que le capital d’aujourd’hui est généralement le fruit du travail d’hier et que tout individu dispose d’un capital à la naissance via ses facultés intellectuelles et physiques. Ce capital non monétisé ne demeure pas moins un ensemble de ressources mobilisables en vue d’une activité productive.
Huit années d’évolution
Cette évolution concerne également celle du travail de façon générale. À partir de 2015, l’uberisation, terme utilisé pour désigner le processus de casse des rentes, a montré que les couches populaires pouvaient également entrer dans le jeu capitaliste.
En 2018, la crise des Gilets jaunes, noyautée, détournée puis stérilisée ensuite par l’extrême gauche, naît d’une contestation des classes moyennes contre la réglementation et la pression fiscale.
En 2020, les confinements successifs ont amené énormément de salariés à interroger leur rapport au travail, provoquant une explosion des créations de microentreprises.
Aujourd’hui, beaucoup s’interrogent sur la manière de monétiser les différents pans de leur existence en trouvant une exploitation de leurs ressources inutilisées. Pensons par exemple à l’économie des plateformes ou au jobbing.
La fin du travail-contrainte
Le travail s’est également progressivement défait de l’impératif de subsistance et de lien de subordination qui constituaient le cœur des luttes de gauche.
Si le mot de travail est étymologiquement lié à celui de souffrance en vue de pouvoir vivre, son acception moderne, permise par les évolutions du capitalisme et de la productivité inhérente à celui-ci, l’a sorti de la notion de subsistance. Les dispositifs de lutte contre la pauvreté théorisés depuis longtemps par l’Église puis, après la guerre, par les libéraux à travers l’impôt négatif se sont démocratisés, rendant par ailleurs la question du salaire minimum parfaitement obsolète.
En parallèle de cette question, celle de la subordination a également évolué. Le changement de forme du travail, passant de l’esclavage au servage, du servage au salariat et, enfin, à l’entrepreneuriat désormais en passe de devenir une nouvelle norme, n’est que l’histoire de la fin progressive du lien de subordination.
Le chômage comme frein à un traitement efficace du marché du travail
Malgré ces évolutions, il reste une crainte qui frappe chacun et chacune d’entre nous, pour qui notre travail est souvent le soutien à notre existence sociale : le chômage. Une notion née à partir du moment où la société de castes a disparu. Avant, nous devions notre existence à ce que nous étions (serfs, bourgeois, nobles). Cette protection du statut au détriment de l’intérêt des individus est encore aujourd’hui au cœur de l’erreur d’analyse de nombreux syndicats, ceux-ci défendant les insiders, à savoir les personnes disposant déjà d’un statut, par leurs revendications et les lois qu’ils poussent à faire voter.
Avec la fin de la société de castes, nous devons désormais notre existence à ce que nous faisions, c’est-à-dire à notre mérite. Notre statut dépend naturellement de notre capacité à trouver un usage à notre force de travail.
Depuis plus d’un siècle, la gauche lutte pour protéger les individus de la crainte de l’inactivité. De cette crainte sont nés des mécanismes que nous connaissons aujourd’hui tels que les assurances chômage, qui n’ont d’assurance que le nom.
Cette question du chômage amène à un mortifère raisonnement circulaire. En effet, les études montrent que le chômage structurel, lié à l’ossature du marché du travail par opposition au chômage conjoncturel qui par définition est mouvant et cyclique, est la plupart du temps le fruit d’une réglementation destinée justement à l’éviter.
La question du chômage est ainsi la principale barrière dialectique à un traitement efficace du travail comme un marché comme un autre.
Le 1er mai ne sera donc réellement une fête que le jour où nous sortirons enfin d’une vision marxiste du travail vu comme une contrainte économique pour enfin en faire un outil de développement et de réalisation individuelle.
Effectivement, on est le 3 😉
et est-ce vraiment la France qui bosse qui défile le 1er mai?
Au Cameroun, c’est celle qui bosse: les salariés qui veulent bien défiler sont payés pour le faire