Conseil constitutionnel français : un hybride entre politique et justice ?

Le Conseil constitutionnel : un organe mi-politique, mi-juridictionnel ad hoc ?

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Conseil constitutionnel français : un hybride entre politique et justice ?

Publié le 19 avril 2023
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Après voir accusé le gouvernement de brutalité à l’égard de la Constitution par l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, les syndicats et les oppositions laissent maintenant entendre que les Sages du Conseil constitutionnel ne serait pas indépendants. Ainsi, le combat contre la réforme Macron doit continuer par tous les moyens, y compris les plus illégaux.

Dans une démocratie, la critique est libre. Mais gare aux dérives populistes qui consistent à entamer la confiance des citoyens dans les institutions.

 

Comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel ?

Les neuf membres du Conseil constitutionnel sont nommés par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

Il revient ainsi au président de la République mais aussi au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat de proposer trois membres chacun. Les candidats sont ensuite soumis à l’avis de la commission des Lois – celle de l’Assemblée nationale pour le président du Palais Bourbon, celle du Sénat pour le président de la Chambre haute et les deux commissions réunies lorsqu’il s’agit du chef de l’État. Dans ce dernier scénario, seule l’addition des votes négatifs de chaque commission, si elle atteint trois cinquièmes des suffrages exprimés, peut invalider la proposition.

Le renouvellement se fait ensuite par tiers tous les trois ans, pour des mandats de neuf ans non renouvelables.

Les présidents de la République sont également membres de droit, à vie, mais les derniers chefs d’État que sont Nicolas Sarkozy et François Hollande ont refusé ce statut.

Au sein de ce cénacle, le président du Conseil n’a pas de voix prépondérante. Encore moins la capacité d’imposer sa décision aux autres membres.

 

Une nomination essentiellement issue de choix politiques

À ce jour, on retrouve parmi les membres du Conseil constitutionnel des personnalités nommées par des figures de presque tous les horizons politiques : François Hollande (un membre), Emmanuel Macron (deux membres), le président du Sénat Gérard Larcher (LR, trois membres), les anciens présidents de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS, un membre) et Richard Ferrand (LREM, deux membres).

Le Conseil comprend notamment deux ex-ministres de l’actuel chef de l’État (Jacqueline Gourault et Jacques Mézard) et deux anciens Premiers ministres (Laurent Fabius et Alain Juppé). Le président du Sénat Gérard Larcher a nommé son ex-directeur de cabinet, François Seners. S’il n’y a pas de système parfait de nomination, le recrutement des juges constitutionnels par des autorités politiques est un standard européen.

Les neuf Sages sont bien issus de choix politiques, ce qui est prévu par le texte même de la Constitution qui n’a pas institué une Cour constitutionnelle mais un simple Conseil, lequel n’est pas à proprement parler une juridiction.

 

Un devoir d’impartialité

Les membres sont soumis à la prestation d’un serment dans lequel ils jurent de « bien et fidèlement remplir leurs fonctions » et surtout de « les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, ainsi que de garder le secret des délibérations et des votes ».

Dans les faits, le système de nomination tend à diversifier partiellement les horizons politiques dont sont issus les Sages. Si le devoir d’impartialité est un élément capital de leur prestation de serment qui les oblige devant la loi, il reste que la France apparaît comme une exception avec la présence massive d’hommes politiques au sein de l’institution. Dans les autres démocraties, les juges constitutionnels peuvent certes avoir une coloration politique mais d’abord et avant tout ils sont tous des professionnels du droit.

Si la question du manque d’indépendance du Conseil constitutionnel, loin d’être originale, est finalement un serpent de mer qui revient épisodiquement depuis les origines de l’institution de la rue de Montpensier en 1958, ce n’est pas pour autant qu’aucune question se pose.

 

Aux origines du Conseil constitutionnel…

Créée en 1958 lors de l’instauration de la Cinquième République pour « rationaliser » le parlementarisme, surnommé à l’époque le « chien de garde du gouvernement » par ses détracteurs, le rôle du Conseil constitutionnel a profondément évolué. Cependant il demeure que cette institution n’est pas une Cour constitutionnelle.

Les États-Unis ont leur Cour suprême, les Allemands leur tribunal constitutionnel de Karlsruhe, la France doit se suffire d’un simple Conseil, faisant à cet égard exception parmi les grandes démocraties. L’institution de la rue de Montpensier ne figure d’ailleurs pas parmi les articles du titre VIII de la Constitution consacré à l’autorité judiciaire. Elle n’est donc pas la juridiction suprême en France. Organe mi-politique, mi-juridictionnel ad hoc, elle dispose de son propre titre, le VII.

 

Concrètement, comment se prend une décision au sein du Conseil

Après avoir auditionné plusieurs élus ayant déposé les recours, les neuf membres du Conseil constitutionnel se réunissent avec le secrétaire général.

Chaque membre prend la parole, l’objectif étant d’avoir une décision la plus commune possible sur les problèmes soulevés. Les débats font partie des plus grands secrets de la République. Ils ne sont rendus publics qu’après 25 ans. On ne saura donc pas s’il y a eu consensus ou non.

Autre particularité française : aucune opinion dissidente ne sera partagée publiquement, comme cela se fait dans d’autres pays, notamment aux États-Unis.

 

Qui siège actuellement au Conseil ?

– Laurent Fabius, 76 ans, président, nommé en février 2016 par le président Hollande.

Membre du Parti socialiste, il a été ministre du Budget, de l’Industrie, puis Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand. Il est ensuite devenu ministre des Affaires étrangères sous la présidence de François Hollande avant de quitter ses fonctions pour rejoindre le Conseil constitutionnel.

– Michel Pinault, 75 ans, nommé en février 2016 par Gérard Larcher, président du Sénat.

Juriste et Conseiller d’État, il a exercé des responsabilités dans le monde de l’assurance puis a été président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, et président du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

– Corinne Luquiens, 70 ans, nommée en février 2016 par Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale.

Haute fonctionnaire française, elle a été secrétaire générale de l’Assemblée nationale et de sa présidence de 2010 à 2016.

– Jacques Mézard, 75 ans, nommé en février 2019 par le président Macron.

Avocat de profession, il devient sénateur dans le Cantal en 2008 (et jusqu’en 2019). Il a appartenu au Parti radical de gauche (PRG) puis au Mouvement radical (MR) et a officié dans les gouvernements d’Édouard Philippe en tant que ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, puis en tant que ministre de la Cohésion des territoires.

– François Pillet, 72 ans, nommé en février 2019 par Gérard Larcher, président du Sénat.

Avocat de profession, il a été maire de Mehun-sur-Yèvre (dans le Cher), puis sénateur, rattaché à l’UMP puis à LR entre 2007 et 2019. Il a également été membre et vice-président de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat, ainsi que vice-président du comité de déontologie du Sénat.

– Alain Juppé, 77 ans, nommé en février 2019 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

Il a été maire de Bordeaux, président de la métropole de Bordeaux, députés français (RPR et UMP) ministre à de multiples reprises, et Premier ministre lors du premier mandat de Jacques Chirac, entre 1995 et 1997.

– Jacqueline Gourault, 72 ans, nommée en mars 2022 par le président Macron.

D’abord professeure d’histoire-géographie, elle devient ensuite sénatrice (UDF), puis vice-présidente du Sénat. Elle est nommée ministre auprès du ministre de l’Intérieur lors du premier mandat d’Emmanuel Macron, avant de devenir ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les Collectivités territoriales.

– François Seners, 65 ans, nommé en février 2022 par Gérard Larcher, président du Sénat.

Haut fonctionnaire français, diplômé de Sciences Po Strasbourg et de l’ENA, il a été le secrétaire général du Conseil d’Etat, puis le directeur du cabinet du président du Sénat.

– Véronique Malbec, 64 ans, nommée en février 2022 par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale.

Magistrate française, elle a été procureure générale de la Cour d’appel de Rennes et de celle de Versailles, puis secrétaire générale du ministère de la Justice et directrice de cabinet du ministre de la Justice.

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