La politique permet de raconter n’importe quoi. Les leaders ne s’en privent pas, les journalistes non plus. Il s’agit de jouer avec les émotions pour susciter des réactions d’admiration béate ou de rejet, voire de haine.
La très modeste réforme des retraites de 2023 le prouve à nouveau de façon presque caricaturale. L’opinion, manipulée depuis des décennies, a encore été flouée. Si du moins on s’en tient aux réalités démographiques et économiques. Et seules les réalités comptent sur le très long terme, le verbiage politicien est inopérant.
Le cynique Mitterrand
Commençons par le commencement.
François Mitterrand avait promis de ramener l’âge de la retraite à 60 ans afin de drainer un électorat suffisant pour conquérir le pouvoir. Ce politicien cynique s’est toujours trompé sur tout. Il ne croyait pas à la chute du communisme en URSS, il ne croyait sans doute pas non plus à la démographie. Pourtant, l’espérance de vie à la naissance était d’environ 45 ans en 1900 et avait dépassé 70 ans en 1981. Tout le monde le savait et tout le monde savait également qu’elle continuait à augmenter.
Il était absurde dans ces conditions d’abaisser l’âge de la retraite, d’autant que la croissance économique avait chuté depuis le milieu des années 1970 et que le financement posait d’énormes problèmes. Aucun pays n’a donc diminué l’âge de départ à la retraite à cette époque, sauf la France où le narratif politique ne tenait aucun compte des constats objectifs.
Se grave alors dans l’esprit des Français l’idée que la retraite à 60 ans est un « acquis social », selon le vocabulaire des syndicats. Pour la gauche dans son ensemble, un véritable tabou prend naissance. Toutes les adaptations au réel du système de retraite seront faites par la droite et il faudra attendre la réforme Touraine de 2014 pour que la gauche ose faire un petit pas. Mais François Hollande ne sera pas réélu en 2016.
La France médiatique est hors du réel
La fuite hors du réel par le discours politique s’est donc poursuivie jusqu’à aujourd’hui.
Plus de quarante ans plus tard une majorité de Français croit encore qu’il est possible de respecter peu ou prou l’absurde réforme de Mitterrand. Le Rassemblement national lui-même réclame à cor et à cris le retour aux 60 ans. C’est tout dire. De l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par les socialistes, les écologistes et une partie des Républicains, la classe politique se range derrière la foule vociférante. La majorité elle-même se permet des hésitations et quelques députés macronistes votent contre la réforme de 2023 ou s’abstiennent.
Nos députés sont des pantins sans structure intellectuelle et sans conviction forte. Ils suivent leurs électeurs. Peu importe que ceux-ci se fourvoient, personne n’ose le leur dire. Il s’agit de sauver son poste à la prochaine élection. Le comportement honteux du député LR Aurélien Pradié fut le plus emblématique à cet égard.
Les médias ne sont pas en reste. Il n’est question que des manifestants et des violences urbaines. 80 % du pays n’est pas concerné par cette agitation. Là où je vis, le calme règne et a toujours régné. Mais la France médiatique se réduit presque à cette détestable ville qui s’appelle Paris. Si Paris s’agite, c’est la France qui est en ébullition. Eh bien non ! La France est très calme dans son ensemble et tous ceux, fort nombreux, qui travaillent dans des petites entreprises n’ont pas fait grève et n’ont jamais manifesté. Les excités viennent surtout du secteur public ou parapublic.
Pourtant, Le Monde titre sur cinq colonnes le 18 mars : « Le recours au 49.3 accentue la crise politique ». Le Figaro s’y met également : « La France sous tension ; la majorité dans la tourmente ». Les chaînes d’information en continu consacrent leurs soirées à l’agitation urbaine. Les images de saccages sont vendeuses. Il faut signaler la remarquable exception de LCI, qui depuis le 24 février 2022 réserve toutes ses soirées à la guerre en Ukraine. Bravo LCI.
La France politique est donc à peu près réduite par les médias à quelques dizaines de milliers de zozos qui brandissent des pancartes et hurlent des slogans éculés. Il y a 48 millions d’électeurs en France qui se sont exprimés à quatre reprises en 2022, ou pouvaient le faire. C’est cela la démocratie.
Le roman pour midinettes des politiques
Politiciens et médias vivent dans la pure représentation. On pense aux peintres baroques du XVIIe siècle, qui accentuaient sur la toile la gestuelle, les mimiques et les couleurs pour hypertrophier les émotions de leur public. Il n’y a pas de crise politique et il est fort probable qu’Élisabeth Borne ne démissionnera pas. Il n’y a pas de tourmente sauf dans les esprits de quelques milliers de manifestants et de quelques centaines de journalistes. Tout se passe normalement dans la réalité du monde. Mais tout est bouleversé dans sa représentation médiatique.
Quelle foutaise la politique ! Même sans être bien informée du problème des retraites, toute personne sensée sent parfaitement qu’il faudra travailler un peu plus longtemps si on vit beaucoup plus longtemps. Ces personnes constituent l’écrasante majorité mais elles n’ont jamais la parole. Le déclaratif des sondages d’opinion, les fameux 70 ou 80 % de Français opposés à la réforme, ne joue pas. On peut parfaitement se déclarer contre la réforme et avoir conscience de sa nécessité. Les émotions peuvent contredire la raison.
Mais la manipulation des émotions par la communication, aujourd’hui toute-puissante, semble devenir l’essentiel. Le politique doit savoir « communiquer », c’est-à -dire produire une représentation de lui-même en adéquation avec ses ambitions. C’est ainsi que le monde politique s’éloigne de la réalité et se réfugie dans le roman pour midinettes qu’il s’est construit.
.. « les gros riches volent… » donc….en gros tout l’argumentaire la retraite est juste une opportunité de redistribuer…
le grand mystère de la retraite par repartition sans plus personne à qui prendre des sous…comment ça marcherait????
de façon rigolote le consensus veut qu’il y ait un « rapport » entre ce que vous avez cotisé et ce que vous « toucherez ».. sinon personne qui se crève le cul à bosser n’en voudrait..
une remarque si les riches volent..qui et combien..
car sinon pourquoi diable ça devrait alimenter les retraites..
les gens sont collectivistes quand ça les arrange..
« les gens sont collectivistes quand ça les arrange.. »
Non, ils le sont parce qu’ils CROIENT que ça les arrange (ou que ça favorise leur pouvoir d’achat), sauf que la foi n’a jamais fait bouillir les marmites (surtout quand elles sont vides!).
Le cynique Mitterrand : En effet, 40 ans de problèmes depuis qu’i est passé : diminuer l’âge des retraites pour diminuer le chômage, comme ça ne suffit pas, on passe aux 35 heures, comme ça ne suffit pas, une cinquième semaine de congés … ça ne suffit toujours pas ( normal vu la perversion) ils disent qu’on a tout essayé contre le chômage, alors il faut le droit à la paresse. Macron arrive et cherche à s’aligner sur l’international pas si bête, alors tout le monde crie sur la rente indue qu’on lui arrache .
D’ailleurs, depuis Marx, le pays n’en finit pas de reculer
Souvenons-nous au moment des prochaines élections législatives. Voici la liste des députés du groupe Les Républicains qui ont voté la motion de censure transpartisane du groupe Liot ou qui n’ont pas voté.
Nom, département, circonscription
Jean-Yves Bony Cantal 2
Dino Cinieri Loire 4
Vincent Descoeur Cantal 1
Jean-Pierre Vigier Haute-Loire 2
Isabelle Valentin Haute-Loire 1
Julien Dive Aisne 2
Fabrice Brun Ardèche 3
Pierre Cordier Ardennes 2
Emmanuelle Anthoine Drôme 4
Aurélien Pradié Lot 1
N’ont pas voté (les plus « courageux ») :
Éric Pauget Alpes-Maritimes 7
Valérie Bazin-Malgras Aube 2
Frédérique Meunier Corrèze 2
Jérôme Nury Orne 3
Émilie Bonnivard Savoie 3
Stéphane Viry Vosges 1
Nathalie Serre Rhône 8
Anne-Laure Blin Maine-et-Loire 3
Victor Habert-Dassault Oise 1
Il y a deux problèmes distincts ici… et une confusion qui me dérange fortement.
Le premier c’est la « réforme des retraites » qui est foireuse, ne change rien au fait que la répartition ne peut pas fonctionner sauf avec une croissance démographique forte…. et donc une politique nataliste ou une immigration massive (de gens qualifiés). Mais qu’on peut admettre comme « moyen de sauver le système » (honnêtement sauver le vol organisé « redistribution » et l’illusion transgénérationnelle, c’est pas un bel objectif).
Le second truc c’est le fonctionnement démocratique. Si la représentation nationale ne vote pas le projet, mais ne vote pas la censure sur le projet, alors il y a un déni de démocratie, au moins au sens des institution pseudo démocratique que nous avons. Évidemment qu’il faut être en colère. Non pas contre la réforme en soi, mais contre le mode de fonctionnement du gouvernement. Et le mode de fonctionnement des « pseudo élites » intellectuelles à deux centimes qui pensent que la démocratie et le respect de la volonté du peuple est subordonnée à la « bonne gestion » d’un système foireux.
« Si la représentation nationale ne vote pas le projet, mais ne vote pas la censure sur le projet, alors il y a un déni de démocratie ».
Pas du tout. La Constitution donne au Gouvernement la possibilité de faire accepter un projet de loi qui n’a ni l’assentiment du Parlement, ni celui du peuple. Le Parlement peut, dans ce cas, essayer de faire tomber le Gouvernement par la censure, mais il lui faut, pour cela, réunir une majorité qu’il n’a pas réussi à constituer. Le peuple, lui, s’il est toujours en désaccord avec la loi qu’est devenu le projet peut changer le Parlement au moment des élections législatives. Tout cela est parfaitement démocratique, en dépit de ce qui a pu être raconté sur le sujet.
Note : les manifestations de rue ne font pas partie du processus démocratique, même si Monsieur Mélenchon les présente comme telles. La démocratie selon Mélenchon est en effet à géométrie variable.
La démocratie ce n’est pas la constitution, c’est « le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Certes le principe en est inscrit au début du bloc de constitutionnalité, mais les évènements actuels montrent bien que c’est du flan, pas plus ! Faire un truc « qui ne plait pas au peuple, que le peuple montre clairement ne pas vouloir » en se drapant dans la démocratie, c’est du foutage de gueule. On peut penser que le peuple (défini un peu faiblement par sa majorité) a tort, mais dans ce cas (c’est le mien bien souvent) on ne se définit pas comme démocrate et on ne crie pas en sautant comme un cabri « démocratie, démocratie, démocratie »… Que Macron et ses amis se posent en « aristocrates » (heum, le « aristo » est ici très contestable) ou « autocrates » voire ploutocrates, et ça ira, sinon c’est juste une pantalonnade (ca l’est !)