Les États-Unis ont besoin de plus de capitalisme

L’Amérique est loin d’être un pays de « capitalisme débridé ». Il y a beaucoup trop de réglementation, trop de dette publique pour financer les programmes de redistribution de l’État et trop d’impôts.

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Capitole Wahington BY Clément Cousin (CC BY-NC-ND 2.0)

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Les États-Unis ont besoin de plus de capitalisme

Publié le 10 mars 2023
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Partout dans le monde, les États-Unis sont considérés comme le cœur du capitalisme. Mais cela n’était vrai qu’à une époque.

Le dernier classement de l’indice de liberté économique révèle que les États-Unis sont les plus mal notés depuis la création de l’indice en 1995 selon lequel pas moins de 16 pays européens ont une économie de marché plus libre que celle des États-Unis. Même les pays scandinaves sont économiquement plus libres, c’est-à-dire plus capitalistes, que les États-Unis. La Suède se situe à la 10e place sur l’« échelle du capitalisme », alors que les États-Unis n’arrivent qu’à la 25e.

En Europe, la plupart des gens pensent que les États-Unis sont un pays sans État-providence, et quiconque commence à leur parler de l’État-providence tentaculaire des États-Unis est accueilli par des regards incrédules. Mais le fait est qu’il existe aujourd’hui au moins une centaine de programmes fédéraux qui dépensent chacun plus de 100 millions de dollars par an en paiements de transfert aux ménages, ainsi qu’un nombre incalculable de programmes plus modestes. Les États-Unis consacrent 30 % de leur PIB aux paiements de transfert, soit plus que tout autre pays de l’OCDE, à l’exception de la France, qui en consacre 31,7 %.

Cette évolution a une longue histoire que William Voegeli a critiquée dans son livre Never Enough : America’s Limitless Welfare State dès 2010.

Il y souligne qu’aux États-Unis, les dépenses en prestations sociales sont passées de 3,57 milliards de dollars en 1940 à 292 milliards de dollars en 1980, et alors que les dépenses sociales dans le budget américain s’élevaient à 66,7 milliards de dollars en 1970, elles avaient presque quadruplé pour atteindre 247,6 milliards de dollars à la fin de la décennie. Même corrigées de l’inflation et de la croissance démographique, c’est-à-dire calculées comme des dépenses par habitant corrigées de l’inflation, les prestations sociales aux États-Unis ont doublé entre 1970 et 1980. Du milieu à la fin des années 1960, pendant le mandat de Lyndon B. Johnson, les dépenses d’aide sociale ont augmenté de 12,6 % par an. À partir de ce niveau déjà très élevé, elles ont encore augmenté de 8,3 % par an sous les présidents Richard Nixon et Gerald Ford (1969 à 1977). Pendant les quatre années de l’administration de Jimmy Carter, elles ont continué à augmenter au rythme de 3,2 % par an.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Comme l’expliquent Phil Gramm, Robert Ekelund et John Early dans leur livre The Myth of American Inequality, les 20 % d’Américains les plus pauvres reçoivent 45 389 dollars de transferts sociaux par an.

Pour la classe moyenne, il est de moins en moins logique de travailler :

« Les ménages moyens du deuxième quintile et du quintile moyen ont travaillé davantage et gagné plus que ceux du quintile inférieur et pourtant, chose extraordinaire, les 60 % de ménages américains les plus pauvres ont tous reçu essentiellement le même revenu lorsque l’on compte tous les paiements de transfert reçus et les impôts payés et que l’on ajuste ce revenu en fonction de la taille du ménage. »

En Amérique, le principe capitaliste des incitations liées à la performance ne s’applique plus : par habitant, le ménage moyen du quintile inférieur reçoit plus de 10 % de plus que le ménage moyen du deuxième quintile et même 3 % de plus que le ménage moyen à revenu intermédiaire.

Aux États-Unis, ces transferts sont financés par les hauts revenus. Alors que la propagande anticapitaliste prétend que les riches ne paient pratiquement pas d’impôts aux États-Unis, la réalité est tout autre : les 0,1 % les plus riches paient plus de quatre dollars d’impôts sur dix dollars gagnés. Aujourd’hui, les 20 % de personnes les mieux rémunérées paient 83 % de l’impôt sur le revenu et 38 % de la taxe sur les ventes.

Il est également absurde d’affirmer qu’il n’y a pratiquement pas de réglementation aux États-Unis.

Les anticapitalistes prétendent que la crise financière de 2008 est le résultat d’une déréglementation excessive. En réalité, il y a eu 28 mesures différentes pour réglementer ou déréglementer l’industrie financière entre 1980 et 2009, années au cours desquelles l’industrie financière américaine était censée avoir été déréglementée sans restriction. Sur ces 28 mesures, seules cinq ont réduit la bureaucratie ; les 23 autres ont ajouté des réglementations.

En fait, les marchés financiers n’avaient rien d’un capitalisme de laissez-faire. Juste avant la crise financière, 12 190 personnes travaillaient à plein temps à la réglementation du marché financier rien qu’à Washington, D.C., soit cinq fois plus qu’en 1960. En outre, les dépenses annuelles des États-Unis pour les agences fédérales chargées de réglementer le marché financier sont passées de 725 millions de dollars à 2,3 milliards de dollars corrigés de l’inflation depuis les années 1980, date à laquelle la phase de laissez-faire aurait commencé.

La surréglementation touche tous les aspects de la vie aux États-Unis et est souvent le fait de groupes de pression : l’État de New York a récemment ajouté une nouvelle exigence selon laquelle les assistants shampouineurs débutants dans les instituts de beauté et les salons de coiffure doivent suivre une formation de 500 heures pour un coût moyen de 13 240 dollars avant de pouvoir exercer cet art complexe que la plupart d’entre nous pratiquent quotidiennement sans accident.

L’Amérique est loin d’être un pays de « capitalisme débridé ». Il y a beaucoup trop de réglementation, trop de dette publique pour financer les programmes de redistribution de l’État et trop d’impôts. L’Amérique a besoin de plus de capitalisme, pas de moins.

 

Rainer Zitelmann est l’auteur du livre In Defence of Capitalism

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Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • Avatar
    jacques lemiere
    10 mars 2023 at 7 h 46 min

     » 100 millions de dollars par an  » pas milliards?

  • Avatar
    jacques lemiere
    10 mars 2023 at 7 h 49 min

    on peut penser même que l’existence d’état providence une fois qu’il a engendré ce qui est assimilable à du parasitisme économique . est ce qui génère une offre politique qui lui donne une justification..

  • Le capitalisme reproché à l’Amérique est surtout celui qu’elle exporte lorsqu’elle crée des usines dans les pays sous-développés. Mais c’est aussi vrai pour les usines allemandes chimiques ou autres exportées ; mais là, c’est bien sûr l’omerta : on ne critique pas nos bons amis allemands avec leur écologie de façade à 2 balles.

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