Notre vie privée est l’esclave du XXIe siècle 3/3

L’esclavage a pris fin car il était caduc face à la machine à vapeur. Comment rendre économiquement caduc le viol de notre vie privée ?

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Notre vie privée est l’esclave du XXIe siècle 3/3

Publié le 28 février 2023
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Première partie de cette analyse ici.
Seconde partie de cette analyse ici.

Article disponible en vidéo ici.

 

Bien qu’immoral, le viol de notre vie privée est tout aussi banalisé que l’esclavage au XVIIIe siècle. L’économie du Nouveau Monde était basée sur l’esclavage. L’économie du Nouveau Monde Numérique est basée sur le viol de notre vie privée. C’est la source d’argent la plus facile et rentable d’internet.

L’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme proclame :

« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ».

Peu importe qu’un contrat d’esclavage a été signé, il est caduc.

Un peu plus loin, l’article 12 énonce :

« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance ».

Peu importe que des conditions d’utilisations ont été acceptées en ligne. Les pratiques de Google ou Facebook sont contraires aux droits de l’Homme.

N’importe quel juge peut rendre caducs les contrats de Google et envoyer son PDG en prison pour non-respect des droits de l’Homme. Alors pourquoi personne ne le fait ?

Pour les mêmes raisons que l’esclavage a duré des siècles, c’est une industrie rentable qui pèse dans l’économie et ainsi sur le politique et la justice.

On retrouve la même chose avec le poids économique des GAFAM. Les 280 milliards de dollars de revenu en 2022 de Google pèsent sur la politique avec ses huit lobbyistes rien qu’au Parlement européen.

Heureusement, nous sommes venus à bout de l’esclavage. Ni la morale, ni les lois, ni la politique n’ont servi. Nous avons mis fin à l’esclavage après avoir inventé la machine à vapeur. Nous avons mis fin à l’esclavage car il était économique caduc face à la machine.

Alors disposons-nous des technologies capables de rendre économiquement caduc le viol de notre vie privée ?

 

Généraliser le chiffrement

Nous naviguons déjà avec le chiffrement grâce à HTTPS. Mais le chiffrement est entre nous et le serveur en ligne. Nos données finissent en clair dans les serveurs à la merci de l’espionnage ou de la revente au plus offrant.

Ces dernières années ont vu l’émergence du chiffrement de bout en bout (End to End, E2E). Ici, les données restent chiffrées sur le serveur en ligne. Seul l’utilisateur a accès aux données en clair depuis son téléphone ou son ordinateur.

Le chiffrement E2E est la sécurité absolue. L’application Signal l’utilise pour sa messagerie et des entreprises comme Proton ou Apple en ont fait leur marque de fabrique.

L’implémentation du chiffrement E2E est propre à chaque produit. L’outil de recherche de Google pourra difficilement passer au chiffrement E2E, nos requêtes ont besoin d’être analysées par leur serveur, mais le service Drive pourrait parfaitement chiffrer nos fichiers.

Pareil pour les objets connectés de santé : premièrement, il n’y a aucun besoin de rapatrier les données sur le serveur, le produit fonctionnerait avec les données en local ; deuxièmement, ces données sont personnelles, elles peuvent donc être chiffrées E2E.

Les affaires de Proton ou d’Apple se portent pour le mieux. Le label chiffrement E2E pourrait devenir un avantage commercial premium justifiant un abonnement. Loin du business model freenium, où nous ne payons pas le produit, car nous sommes le produit !

De plus, les piratages informatiques se succèdent. Les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à porter plainte et demander réparation quand leurs données sont dans la nature. Le coût d’un piratage devient tel que des assureurs envisagent de refuser d’assurer. Or le chiffrement E2E apporte un filet de sécurité, même en cas de piratage les données restent chiffrées. Les assureurs pourraient à l’avenir demander le chiffrement E2E sur les données critiques.

 

Redonner l’argent aux sites web

Sur internet le goulot d’étranglement économique reste l’acte d’achat. Il y a du monde pour acheter tous les mois un café à 5E, mais plus personne pour acheter un abonnement mensuel à 5E.

Devant l’effort pour rendre un service payant en ligne, certains jettent l’éponge comme Salto. Mais le plus souvent on se tourne vers la collecte de données et la publicité pour monétiser le trafic.

Sans attendre un changement des sites web, nous pouvons déjà utiliser des VPN, TOR ou des bloqueurs de cookies et publicités (cf. vidéo sur le sujet). En limitant la collecte de données, notre profil marketing en ligne devient moins complet et fait gagner moins d’argent aux entreprises du secteur.

Le modèle de rémunération actuel est loin d’être parfait. L’argent d’Internet est concentré chez Google et Faceook qui redonnent juste quelques miettes aux créateurs de contenus.

Et si notre navigateur s’occupait de rémunérer nos sites favoris ? Avec la blockchain cette idée devient techniquement faisable. La blockchain permet de facilement transférer de l’argent par internet même quelques centimes.

Le navigateur Brave lance justement l’expérience. Il dispose de sa cryptomonnaie le Basic Attention Token (BAT). N’importe quel site peut réclamer de l’argent et l’utilisateur peut en un clic payer un site web, un youtubeur ou un tweet. Le navigateur peut aussi faire des dons mensuels au prorata des visites.

 

Conclusion

L’enjeu est posé. Pour retrouver notre vie privée en ligne, nous ne devons pas attendre une é-nième loi. Il faut rendre la collecte de données économiquement caduque. Déjà en utilisant des applications chiffrées comme Proton ou Signal. En soutenant ces entreprises pour montrer que le chiffrement E2E est un vrai argument de vente rentable. Nous pouvons aussi faire des class actions dès que nos données sont piratées afin de rendre le stockage en clair de nos données prohibitives pour les assurances.

Pour la navigation en ligne, les micropaiements par blockchain pourraient faire gagner plus d’argent aux sites web que l’oligarchie actuelle de Google et Facebook.

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  • Je suis d’accord avec les trois articles, mais je crois que l’auteur oublie certaines sources de collecte de données, ou en tout cas n’insiste pas assez dessus :

    – d’abord les banques, qui savent tout de ce que l’on consomme, et quand bien même on payerait tout ce qu’on peut payer en liquide, les banques pourraient toujours exploiter ces données personnelles et en tirer des analyses poussées de nos comportements, déplacements, habitudes de vie. Première point : la nature de nos dépenses et leur géolocalisation devraient être masquées, invisibles aux banquiers car ce sont des données privées.
    – ensuite l’état, qui par le biais des déclarations obligatoires, de revenu ou de CA pour commencer, collecte des données à des fins d’imposition, de réglementation, de surveillance et de contrôle. Deuxième point: les impôts quels qu’ils soient ne devraient pas exister, justement car ils reposent sur la collecte de données personnelles. Les services publics devraient être financés par des flat taxes, comme la TVA par exemple, qui ne nécessitent nullement la collecte de données et toutes les décisions politiciennes qui en découlent.
    Un état limité dans ses prérogatives régaliennes pourrait tout à fait avoir une source de financement suffisante par de telles taxes.

    Mais la mise en oeuvre de ces deux points nécessiterait une révolution copernicienne de la représentation que l’on se fait du rôle de l’état. Ce sont des impensés, des choses dont on a tellement pris l’habitude que l’on ne se rend même plus compte de leur importance, et que l’on ne pense même pas à les remettre en question.

    • Vous avez parfaitement raison mais je trouve qu’actuellement c’est le risque d’intrusion étatique qui se développe le plus, ainsi un décret  » thermostats et calorifugeage » applicable au 01/01/2025 se prépare pour imposer la régulation thermique des bâtiments par pièce avec éventuel télétransmission ou relevé contrôlable pour imposer le respect d’une température maximale de 19 °C dans les habitation avec des amendes à la clef.

  • Il n’y a pas viol de notre vie privée quand il y a consentement. Nul n’est obligé d’aller sur les réseaux sociaux et il y a l’alternative Quant à Google. Et si personne n’utilise Quant, il ne se développera pas.
    Croire que tous ces services sont gratuits (comme la santé par ailleurs), c’est faire preuve d’un comportement immature. Croire que les États (les politiciens pour être plus précis) nous veulent du bien et travaillent à plus de liberté, c’est croire au père Noël.

    • Le problème n’est pas tant le moteur de recherche que les résultats qu’il fournit. Si vous avez un bloqueur de pubs et que vous refusez les cookies, vous ne trouverez pas ce que vous cherchez, parce que les sites refuseront de vous le fournir. D’un autre côté, ces sites vous font croire qu’ils peuvent vous le fournir si vous acceptez leur pub et leurs cookies, mais en pratique ils vous font un vague baratin publicitaire qui ne vous apprend pas le moins du monde ce que vous vouliez savoir.
      Ca n’est pas un problème qu’il faille payer pour les services. On est bien d’accord sur l’absence de free lunch. Le problème est qu’il faut payer d’avance.

    • Ce reproche n’est pas dénué de vérité tant beaucoup de gens ignorent la portée des données qu’ils partagent en toute inconscience sur les réseaux sociaux par exemple. Mais c’est réducteur, parce que nos données sont collectées de toute façon, même si on paye pour des services sur le web.
      De plus, Facebook Google et compagnie proposent-ils des formules payantes contre la protection totale des données personnelles ? La réponse est bien sûr non, certainement pas.

      Les enjeux sont bien plus vastes que la simple protection de la vie privée, le problème est bien plus large et global que du point de vue du consentement auprès des seuls GAFAM. Et le réduire au seul argument « yzonkapayé », ça revient au même que reprocher aux abstentionnistes de ne pas voter… comme si voter vous donnait le moindre pouvoir de changer quelque chose à l’intrusion de l’état dans votre vie privée.

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