Arbitraire macronien : les tentatives de censure de la ministre de la Culture

Certaines opinions semblent importantes à étouffer, mais d’autres peuvent revendiquer l’application et la protection de la loi.

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Arbitraire macronien : les tentatives de censure de la ministre de la Culture

Publié le 13 février 2023
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Alors que la réforme des retraites déclenche une opposition de plus en plus farouche que Macron et sa clique ne pensaient pas devoir affronter, la nervosité gouvernementale grimpe à mesure que les langues se délient sur les plateaux télé et que les « éléments de langage » officiels ne passent plus sans critique sur certaines chaînes. Zut et zut, voilà qu’il va falloir composer avec des gens pas tous d’accord avec Jupiter !

Et cette opposition s’est illustrée avec la présence, notamment sur certaines chaînes de la TNT, d’intervenants clairement opposés aux points de vue gouvernementaux sur différents sujets, depuis la gestion de la pandémie jusqu’à l’actuel débat parlementaire sur la réforme des retraites en passant par les chroniques et commentaires sur différentes affaires judiciaires qui éclaboussent (régulièrement) le petit monde macronien.

Cette opposition est devenue virulente très récemment lors d’une émission de Cyril Hanouna, le 16 janvier dernier, dans laquelle l’animateur étrillait l’audiovisuel public en dénonçant un budget de près de 4 milliards d’euros pour une qualité discutable et appelait à le privatiser intégralement. L’horreur, quasiment l’ultranéolibéralisme sans frein ni loi !

C’en était probablement trop pour l’actuelle ministre de la Culture, une certaine Rima Abdul-Malak dont l’existence n’a été confirmée qu’assez récemment, qui s’est empressée de faire connaître son point de vue lors d’une émission tenue commodément sur un média de révérence du service public : pour elle – et c’est très simple – on ne peut conserver son droit d’émettre qu’à partir du moment où on ne fait pas trop dans la critique acide.

Eh oui, pour les petits rigolos qui croyaient que la France était un pays où les « droits de l’Homme » s’appliquaient encore, le réveil est quelque peu rude : non, vous n’avez pas le droit de dire ou d’émettre ce que vous voulez. La liberté d’expression, comme absolument tout le reste en France, doit être sévèrement encadrée et ce d’autant plus si vous commencez à utiliser niaisement cette liberté pour critiquer vertement l’emploi des fonds publics ou pour remettre en cause le discours officiel.

Pour l’actuelle ministricule – et comme pour beaucoup d’autres politiciens actuellement en poste, du reste – la libre expression n’est pas un droit mais bien un privilège. Privilège qui pourrait donc être résilié ad nutum par le pouvoir en place en prétextant (admirez la beauté de l’argument !) un « manque de pluralité » depuis un plateau radiophonique pourtant réputé pour ses débats et intervenants hémiplégiques soigneusement choisis dans les 50 nuances de rouge, de pourpre et de carmin d’une gauche germanopratine caricaturale d’entre-soi et certainement pas plurielle.

Sans grande surprise, les explications de la ministre n’ont guère convaincu les intéressés : Hanouna a facétieusement rappelé qu’en 2025, date à laquelle les fréquences attribuées à CNews et C8 – chaîne où il officie – pourraient ne pas être renouvelées par l’État, l’actuelle ministre pourrait ne plus être en poste. De la même façon, Pascal Praud n’a pas goûté les arguments de la ministre et a même accusé Léa Salamé, le passe-plat de la ministre au service public, d’être complice de l’opération menée par Abdul-Malak pour préparer les esprits au prochain refus de renouvellement. Bock-Côté, de son côté, s’est fendu d’une tribune dans Le Figaro pour dénoncer la tentative de musèlement de la ministre au profit de cette « idéologie diversitaire », ce pluralisme à sens unique où seul le discours d’extrême centre est autorisé.

Signalons enfin Christine Kelly, ex-membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui rappelle que les décisions de l’autorité compétente en la matière sont normalement réalisées en indépendance totale du ministère, ce que les déclarations de la ministre semblent remettre en cause.

Soyons lucides : il est particulièrement amusant de voir certains se réveiller en 2023 devant ce qui était apparent depuis plusieurs années pour ceux qui se sont donné la peine de regarder la réalité en face. L’épisode particulièrement douloureux et dramatique de la gestion pandémique a largement illustré l’absence réelle de toute possibilité d’un débat serein, scientifique et argumenté dans les médias, et à l’époque C8 comme CNews ne s’en sont pas mieux sorties que les autres chaînes, publiques ou privées.

Cela fait en réalité plusieurs années que le débat démocratique n’existe plus en France et que la fameuse pluralité d’opinions et de points de vue n’existe plus sur à peu près aucun plateau télé, aucune émission radio ou quasiment aucune tribune journalistique. Parfois, il y a quelques résurgences, quelques épisodes où un intervenant va subitement et inconsciemment sans doute sortir une opinion parfaitement contraire à la doxa officielle, plombant l’ambiance et aboutissant à des journalistes à la bouche bée qui font ensuite des mèmes rigolos sur les intertubes. L’émission suivante, l’impétrant n’est d’ailleurs pas réinvité.

En réalité, toute la société française s’est maintenant accommodée d’un discours quasi-unique et de débats sur les détails, à la marge et surtout pas en profondeur : le moindre écart à cette marge est immédiatement taxé, sans la moindre nuance, de complotisme, de discours fasciste, d’extrême droite (ou ultradroite, n’hésitons pas). Les intervenants ayant émis une opinion différente ont dérapé, le doute ou leurs questionnements les propulsent parmi les antivax, les pro-Poutine ou les ultralibéraux, autant de termes qu’on voudra aussi infâmants que possible.

Dans cette ambiance délétère maintenant bien installée, toute opposition clairement exprimée, voire – pire que tout – argumentée sera non seulement combattue avec absolument tous les procédés rhétoriques les plus vils (depuis l’ad hominem jusqu’à l’insulte pure et simple en passant par l’homme de paille ou les diversions plus ou moins grossières) mais elle sera surtout cachée, tue et effectivement censurée par action et par omission dès que cela sera possible.

En exprimant ainsi ces menaces même pas voilées à l’encontre de groupes privés, la ministricule Rima Abdul-Malak ne fait en réalité qu’entériner un état de fait déjà bien présent dans le pays. On ne pourra que s’étonner de l’incohérence de la même ministre qui, il y a quelques semaines, s’exprimait sur les dangers de la Cancel culture.

Manifestement, certaines opinions semblent importantes à étouffer, mais d’autres peuvent revendiquer l’application et la protection de la loi… Bienvenue dans la confusion générale et dans l’arbitraire macronien.

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  • La crise sanitaire fut un révélateur de l’état intellectuel de notre pays. La majorité des Français a accepté sans broncher toutes les restrictions et quiconque émettait un doute était traité de complotiste.
    C’est exactement la même chose avec le réchauffement climatique, il faut avoir bien du courage pour affirmer que ce n’est peut-être pas aussi dramatique qu’on nous le dit.
    Quant à l’attitude de la ministre, je pense qu’elle a surtout fait preuve d’un incroyable amateurisme en affichant aussi clairement la couleur. Mitterrand était sans doute plus cynique mais aussi beaucoup plus malin.
    Rima a eu son petit moment de célébrité, mais je ne serais pas étonné que son exploit lui vaille assignation à résidence pour un moment.

    • « C’est exactement la même chose avec le réchauffement climatique, il faut avoir bien du courage pour affirmer que ce n’est peut-être pas aussi dramatique qu’on nous le dit. »
      Personnellement, c’est le rabâchage incessant sur toutes les chaînes de TV de la responsabilité humaine du réchauffement climatique mis à toutes les sauces ( même dans les émissions traitant du volcanisme ou des tremblements de terre….. si, si, on en est là, croyez moi!), que je trouve particulièrement contre-productif, l’abus du mieux étant l’ennemi du bien ( et surtout du vrai, vérifiable et scientifiquement validé).

      11
      • Lorsque du matin au soir, journaux, radios, télés , me rabachent la même chose, je commence à douter et à penser exactement le contraire. C’est peut être un effet de mon cerveau pervers, mais cela s’est vérifié plus d’une fois, Covid en tête

        11
        • Je suis comme vous : si tout le monde va à gauche, j’ai tendance à aller à droite.
          Cela peut paraitre prétentieux, mais je préfère avoir raison tout seul que tort avec tout le monde.

    • non pas du courage.. facile;.il suffit d’accepter de risquer de perdre des revenus;. si on dépend des médias..

      -1
  • Depuis quand le stalinisme (français) qui formate les esprits de nos enfants est tolérant ?
    Seuls les riches de gauche ont droit de vie et d’idée. Les autres n’ont qu’à partir puisqu’ils « ne servent à rien ».

  • Ce que dit cette ministre c’est que la «  »bonne conduite » des media est une contrepartie des fréquences que l’Etat leur attribue « gratuitement ».
    D’une part cela sous-entend que les fréquences appartiennent « naturellement » à l’Etat, et que celui-ci dans sa grande bonté les redistribue sans aucun bénéfice à certains bénéficiaires privilégiés selon certains critères que l’on aimerait d’ailleurs bien connaître (quelqu’un les connait-il?)
    Et d’autre part cela montre la voie à suivre pour être indépendant du pouvoir : devenir un pur media en ligne. Je ne crois pas que Contrepoints ait été inquiété par les autorités, ni la plupart des media écrits ou audiovisuels du Web.
    Enfin sauf si on dépend de Youtube, ou sauf si on s’appelle Russia Today.

    • Il y a bien une censure même avec les médias en ligne. Il me semble que les hébergeurs sont responsables du contenu. Raison pour laquelle beaucoup de médias bloquent les commentaires ou imposent une inscription préalable.
      Il suffit d’un pretexte pour qu’un site soit bloqué. Contrepoints n’a rien de menacant.

    • L’Etat vous fournissant gratuitement l’air que vous respirez, il serait temps de penser et de voter dans la bonne direction

  • Macron a travaillé d’arrache-pied avec la cellule communication de l’Elysée pour proposer 3 slogans mobilisateurs et novateurs:
    « L’esclavage, c’est la liberté »
    « la guerre, c’est la paix »
    « 2+2 =5 »

  • Covid et climatovirus, même combat. Doxa, propagande, désinformation légale, ostracisation du contre sont les outils de ceux qui mettent en doute la pensée unique sur le climat, le covid, l’environnement, et tout simplement le penser autrement …

  • Exemple :
    Jaufrin dans l’émission de Pascal Praud, en débat avec Geoffroy Lejeune. Ce dernier sort à Jaufrin qu’il est un ‘gauchiste ». Jaufrin, en réponse, dit à Lejeune qu’il est un « fasciste ».

    Pour la petite anecdote, je dois supporter la radio de l’autoroute plusieurs heures d’affilié. Hier, la radio présentait Sarah Abitbol pour son spectacle dans Holiday on Ice. Lors de l’interview, il est demandé à la patineuse si elle conduit. Elle répond que depuis qu’elle s’est libérée, elle arrive à conduire toute seule et qu’elle se sent libre en conduisant. Ce segment a été coupé à la diffusion suivante.
    [J’ajoute que les pubs pour Ulys sont des insultes aux clients du télépéage qui passent pour des incapables se plaignant des services et matériels disponibles, alors qu’ils les utilisent mal. Les « clients » des 3 pubs sont des archétypes des gauchistes. Une fois contredits, ils ont l’invective, l’exagération, le ton moralisateur faisant d’eux des êtres moralement supérieurs et pour un le ton impérieux avec l’utilisation de l’impératif présent : « Me parle pas quand je conduis, c’est dangereux ! »]

  • « Cela fait en réalité plusieurs années que le débat démocratique n’existe plus en France et que la fameuse pluralité d’opinions et de points de vue n’existe plus sur à peu près aucun plateau télé, aucune émission radio ou quasiment aucune tribune journalistique. » Rien à ajouter.

  • Le réchauffement climatique, la voiture électrique, voilà deux sujets, entre autres, contre lesquels il est de bon ton de ne jamais s’opposer !

  • Les commentaires sont fermés.

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