Nouvelle-Zélande : la liberté d’expression sous contrôle

En octobre 2022, le Service de renseignement de sécurité de Nouvelle-Zélande a publié le document qui décrit les principales caractéristiques pouvant indiquer l’intention d’un individu de commettre une attaque violente.

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Nouvelle-Zélande : la liberté d’expression sous contrôle

Publié le 14 janvier 2023
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Par  Jonathan Ayling.

Le spectre du terrorisme est présent partout en Occident (et bien au-delà) mais en raison de notre passé récent en Nouvelle-Zélande, cette menace joue sur notre esprit de manière unique.

Le 15 mars 2019, 51 fidèles musulmans ont été tués par un terroriste australien solitaire, inspiré en partie par les actions du Norvégien Anders Behring Breivik. Plus explicitement cependant, comme le note Foreign Policy, ce sont des idées françaises (notamment celles de Renaud Camus) qui ont inspiré à Brenton Tarrant cette action extrême.

Ce n’est pas le seul lien français avec ces événements tragiques à l’autre bout du monde. Deux mois exactement après l’attentat de Christchurch, la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, et le président français, Emmanuel Macron, se sont rencontrés à Paris pour fonder l’appel à l’action de Christchurch. Cette initiative a depuis rassemblé une communauté de plus de 120 gouvernements, fournisseurs de services en ligne et d’organisations de la société civile, qui travaillent à l’élimination des contenus terroristes et extrémistes violents en ligne.

S’il est tout à fait conforme au rôle de l’État de protéger ses citoyens contre les attaques étrangères et nationales, nous payons souvent la sécurité en monnaie de liberté. Il est essentiel que la société civile joue le rôle de chien de garde contre les excès du gouvernement qui sapent les libertés civiles essentielles, notamment la liberté d’expression, qui est à la base de tant d’autres libertés fondamentales.

En tant que directeur général de la Free Speech Union New Zealand, une organisation qui a des groupes frères dans toute l’anglophonie, je suis profondément investi dans l’idée que le droit à la liberté d’expression et de parole rend nos communautés plus sûres et non plus dangereuses. Pourtant, dans cette optique, je dois passer beaucoup de temps à expliquer que l’incitation directe à la violence et le matériel extrémiste violent en ligne qui promeut ou appelle directement au terrorisme ne sont pas protégés par la liberté d’expression et sont « inadmissibles ». La raison en est que la violence est l’antithèse du discours.

Toutefois, le fait de noter que l’incitation directe à la violence n’est pas protégée par la liberté d’expression introduit un élément de subjectivité dans la distinction entre l’incitation directe et l’expression plus générale d’une opinion.

Cette distinction et la difficulté de l’évaluer sont illustrées dans un document récent publié par l’agence de sécurité responsable de la lutte contre le terrorisme en Nouvelle-Zélande.

En octobre 2022, le Service de renseignement de sécurité de Nouvelle-Zélande (NZSIS) a publié le document « Know the Signs : a guide to identify signs of violent extremism ». Ce guide décrit les principales caractéristiques pouvant indiquer l’intention d’un individu de commettre une attaque violente, comme le fait de se retirer de la communauté, de posséder des instructions sur la fabrication d’armes, de discuter de la volonté de mourir pour ses croyances, etc.

De nombreuses personnes se sont inquiétées de ce guide, affirmant qu’il reléguait simplement tous ceux ayant des opinions différentes de celles du courant dominant, ou qui « développent une vision du monde hostile « nous contre eux » », comme des extrémistes et des terroristes potentiels. Cette question est particulièrement sensible en Nouvelle-Zélande, où un gouvernement particulièrement censuré continue de diviser la nation et de dénigrer ceux qui ont des opinions différentes des siennes. Selon certains, des initiatives telles que l’appel de Christchurch menacent de renforcer la censure de l’État et de punir tous ceux qui expriment des idées dissidentes ou provocantes – tout cela au nom de la lutte contre l’extrémisme et de la sécurité. Le fait que le Parlement soit actuellement saisi d’un projet de loi qui permettrait à l’État d’accuser quelqu’un de terroriste s’il possède du « matériel répréhensible », même si cela n’a rien à voir avec le terrorisme ou la promotion du terrorisme, montre pourquoi certains sont inquiets.

Une distinction essentielle entre le guide du NZSIS et d’autres documents qui portent atteinte au droit d’autrui de s’exprimer librement est le fait qu’il ne concerne explicitement que la menace de violence. Le guide affirme que « le guide parle spécifiquement de l’extrémisme violent plutôt que des formes non violentes d’extrémisme ». Il s’agit d’une mise en garde importante.

Mais qu’en est-il de ceux qui affirment que « les mots sont une violence » ? Chaque jour, nous voyons des universitaires renvoyés de leur poste pour cause de « pensée erronée », des activistes et des bureaucrates du gouvernement qui pathologisent le rôle de la parole dans la division de nos sociétés. Les mots doivent-ils être traités comme de la violence s’ils sont « nuisibles » ? En réalité, les mots sont le contraire de la violence et nous ne devons jamais cesser de l’affirmer.

C’est ce que nous avons affirmé après une autre attaque terroriste perpétrée en Nouvelle-Zélande en 2021 par un extrémiste islamique. Nous avons écrit :

« La violence au nom d’une idéologie est le contraire de la liberté d’expression. C’est la tentative ultime de réduire au silence ceux qui ne partagent pas votre vision du monde. Les différences d’opinions politiques et religieuses doivent être gérées par la raison et le dialogue. Jamais par la violence. Jamais par la peur.

Ceux qui refusent de résoudre les différences idéologiques avec des mots sont ceux qui se tournent vers la violence. Ceux qui refusent de s’engager respectueusement dans un dialogue civil avec ceux avec qui ils ne sont pas d’accord sont ceux qui deviennent des extrémistes haineux en premier lieu.

La liberté d’expression – le droit humain fondamental d’exprimer pacifiquement son opinion – est un principe intrinsèquement non violent. C’est pourquoi nous cherchons à la protéger ».

Comme le notent Jonathan Haidt et Greg Lukianoff, cette affirmation rendra nos sociétés « plus anxieuses et plus disposées à justifier les dommages physiques ». Lukianoff poursuit en affirmant que « redéfinir l’expression d’une opinion comme une violence est une formule pour une réaction en chaîne de violence, de répression et de régression sans fin ».

C’est Sigmund Freud qui a affirmé que « le premier être humain qui a lancé une insulte au lieu d’une pierre a été le fondateur de la civilisation ». Une culture de la liberté d’expression affirmant résolument le droit de chacun à exprimer ouvertement ses convictions est cruciale si nous voulons que nos pays soient à l’abri de ceux qui utilisent la violence et le terrorisme pour faire avancer leur cause, plutôt que la raison, le dialogue et le débat. Si la censure peut sembler être une solution simple pour éliminer les idées qui nous déplaisent le plus, il s’agit en réalité d’une solution à court terme dont le prix est élevé. Elle oblige les points de vue potentiellement dangereux à se réfugier dans la clandestinité, où ils s’enveniment et restent incontestés.

À l’inverse, la liberté d’expression est le meilleur moyen de prévenir les idéologies extrêmes qui prônent la violence, car elle place ces points de vue au grand jour, où ils peuvent être contestés et, par le biais du débat et de la raison, révélés comme étant erronés. Nos gouvernements et nos services de sécurité doivent garder cela à l’esprit.

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  • Et allez, une énième accusation débile que l’écrivain français Renaud Camus serait l’inspirateur de terroristes.
    Voici ce que l’accusé écrivait dans son journal le jour même de l’attentat néo-zélandais :

    « À Christchurch, en Nouvelle-Zélande, un illuminé australien nommé Brenton Tarrant a perpétré dans deux mosquées deux affreux massacres, tuant en tout quarante-neuf fidèles musulmans en prière. Petite catastrophe personnelle, pour moi, à l’intérieur du grand désastre néo-zélandais, et mondial, ce furieux est l’auteur d’une brochure intitulée — il ne manquait plus que ça ! — The Great Replacement. […]
    Bien entendu, et même en dehors de cette considération que son geste est diamétralement opposé, il va sans dire, à tout ce que j’ai jamais pu suggérer ou recommander, il est assez probable que l’individu, d’après le profil qui s’esquisse de lui, n’a jamais lu une seule ligne de moi. Mon nom ne figure d’ailleurs pas, heureusement, dans une liste de ses inspirateurs et objets d’admiration, dont je crois comprendre que la plupart sont des tueurs comme lui, ou des “théoriciens” du massacre, ou les deux, à la Breivik. […]
    N’importe : Grand Remplacement — c’est tout ce que retiennent les journalistes, et cela d’autant plus que le meurtrier a déclaré que ce qui l’avait le plus poussé au passage à l’acte, c’était le spectacle des petites villes et des villages français, où les envahisseurs sont partout. L’entretien auquel j’avais travaillé hier pour “Boulevard Voltaire”, sur un tout autre sujet (mon succès contre Moix), n’a pas été publié ce matin sur ce site, où l’on a sans doute estimé que je sentais trop le soufre, aujourd’hui ; en revanche j’ai donné toute la journée des interviews écrites ou parlées au Washington Post, à The Atlantic, à l’agence France Presse, à ABC, de Madrid, au Wall Street Journal, et à quelques autres organes de presse que j’oublie. C’est une expérience singulière que ces conversations avec des journalistes souvent très aimables (pas toujours : quelques-uns n’arrivent pas à dissimuler leur haine, ou n’essaient même pas…), dont on sait bien que, dans neuf cas sur dix, ils vont se mettre à écrire sur vous des horreurs, à peine l’appareil reposé. […]
    Comme il fallait s’y attendre l’article le plus hostile est celui du Monde. Toutefois il est bien plus remarquable par son invraisemblable nullité que par sa hargne, pourtant vive, à mon endroit. Les contributeurs se sont pourtant mis à quatre pour venir à bout de la tâche : un échotier d’officine, qu’on sent coutumier des basses œuvres et des mauvais coups, et quelques thésards impatients de placer des références absconses à leurs petits travaux, n’eussent-ils strictement rien à voir avec les miens. Le résultat doit être un des points les plus bas jamais atteints, et ce n’est pas peu dire, par l’ex-journal de référence depuis le début de sa longue dégringolade morale, déontologique et professionnelle. C’est absolument fascinant. Pas une information qui ne soit fausse, ou, sinon fausse, approximative, floue, forcée, confuse, vague, emberlificotée, tendancieuse, inexacte. Avec beaucoup d’autorité toute sorte de tournures me sont prêtées entre guillemets ou en italiques, quoiqu’elles n’aient jamais paru sous ma plume. Il est beaucoup question des remplaceurs, par exemple, mot que je ne sache pas avoir jamais utilisé. Un des plus beaux passages soutient que Soumission procède très largement de conversations entre Houellebecq et moi (qui ne nous sommes jamais rencontrés, ni seulement parlé) — il va être content, Houellebecq, si cet infâme brouet arrive jamais jusqu’à lui… »

    Il est très décevant que l’excellent Contrepoints diffuse des accusations du genre de celles du Monde.

    • Autre anecdote, presque comique : récemment, un journaliste débile (pléonasme ?) du Nouvel Obs, un certain Fabrice Pliskin, a accusé le concept de “grand remplacement” et le livre du même titre d’avoir influencé le terroriste Anders Breivik… Seul léger problème, inconnu du très compétent Pliskin (muni de sa carte de prêche) : le livre et la formule “grand remplacement” ne sont apparus que… des années après les attentats de Breivik.
      Là encore, citation du journal de Renaud Camus (30 novembre 2022) :

      « Puis l’ex-Nouvel Observateur croit devoir intervenir lui aussi, dans le même sens. L’article, signé Fabrice Pliskin, est intitulé, “La Fnac dit non à l’antifascisme, mais oui au ‘Grand Remplacement’, la bible de l’extrême droite”. On peut y lire :
      « Dans ce livre raciste, Renaud Camus, on le sait [c’est moi qui souligne], prétend qu’un peuple musulman monolithique est en train de remplacer “le peuple français indigène”, comme si celui-ci était resté pur de tout mélange et tout remplacement depuis 2 000 ans. Cet ouvrage sentencieux est le bréviaire de l’extrême droite, le thriller préféré des Zemmouriens (s’il en reste). Le terroriste norvégien Anders Behring Breivik en a fait un permis de tuer [id.] »
      On monte encore d’un cran, là. Ce n’est plus Tarrent, le tueur de Christchurch, dont on me met le crime sur le dos, alors qu’il est établi qu’il n’a jamais lu mon livre et n’a pas même pas connaissance de mon existence. C’est Breivik, dont le forfait est antérieur à la première édition de mon ouvrage — peu importe : “…en a fait un permis de tuer”.
      Mais j’ai l’air de vouloir établir à tout prix, ce qui n’est pas difficile, que des tueurs de masse ne m’ont pas lu. C’est se battre sur un terrain d’argumentation inévitable, sans doute, mais absurde : car, quand bien même ils m’auraient lu, ce qui n’est absolument pas le cas, et cela à un degré farcesque s’agissant de Breivik, il n’en ressortirait en rien qu’ils ont tiré de moi l’inspiration de leur geste. Pour croire une chose pareille il faut ne m’avoir pas lu soi-même, ne rien savoir de moi, se contenter de la rumeur malveillante (tonitruante il est vrai…) et ne comprendre rien à mes vues. C’est manifestement le cas de Pliskin, avec son histoire de “peuple musulman monolithique”, qui ne correspond à rien chez moi, et son retentissant anachronisme. »
      Pour résumer : le journalisme français est en état d’étouffement idéologique diffamatoire, c’est-à-dire de mort cérébrale.

  • On notera que toutes ces Lois liberticides n’ont qu’une et une seule origine : l’islam. L’islam qui, rappelons le n’est pas qu’une religion mais aussi une doctrine politique avec son organisation en Khalifa et ses lois. Une religion qui a pour dessein la conquête de monde depuis l’apparition du mouvement des frères musulmans.
    Avant ce mouvement désormais financé par le Quatar, cette religion était une religion de tolérance et de paix.

  • Le petit guide publié par la Nouvelle-Zélande est très bien, parce qu’il incite chacun à réfléchir devant les comportements qu’il observe au lieu d’interdire ou de stigmatiser le comportement lui-même. De là à tirer des conclusions hâtives envers tous ceux qui sortiraient du sentier battu, il y a un océan. Et surtout, la propension à tirer des conclusions hâtives est justement un des signes qui doivent conduire à s’interroger sur celui chez qui elle sévit.
    Pour ceux qui aimeraient une approche plus distrayante des listes de signes inquiétants, je conseille la lecture du policier « Elle savait » de Lee Child.

  • Vieux sujet. Vieux débat. Passablement insoluble. Et – proverbe shadok – s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème.
    Commenter l’initiative à la Minority report de la NZ est, pour moi, une perte de temps.
    Je vais me contenter de deux observations : – Breivik s’est fait connaître par les medias mainstream, présents de la tuerie au procès – Camus est un écrivain publié, et s’est présenté aux élections européennes.
    Il faudra bien qu’un jour, ceux qui cherchent des « coupables » comme le fou ses clés sous le réverbère, se pénètrent de l’idée que nul ne saurait être tenu comptable de ses admirateurs.

    • Histoire de montrer à quel point le débat est insoluble : par ex, parmi ceux qui se réjouissent de l’expulsion d’imams radicaux, on trouve aussi des gens qui déplorent « qu’on ne puisse plus rien dire »…

      • « Si la censure peut sembler être une solution simple pour éliminer les idées qui nous déplaisent le plus, il s’agit en réalité d’une solution à court terme dont le prix est élevé. Elle oblige les points de vue potentiellement dangereux à se réfugier dans la clandestinité, où ils s’enveniment et restent incontestés. »
        Et donc pour prévenir cela, nos imams radicaux, cinquième colonne de l’islam politique, on les invite sur le service public, à une heure de grande écoute, pour discuter, sans tabou, face à des contradicteurs laïcs, chrétiens ou juifs ?

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