Le syndicalisme libéral français vient enfin de naître

Je crois qu’il est temps de se réjouir de l’émergence de ce syndicalisme en rupture avec la logique collectiviste des partenaires sociaux.

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SNCFStar by Mike Knell(CC BY-SA 2.0)

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Le syndicalisme libéral français vient enfin de naître

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 décembre 2022
- A +

Je crains que les Français n’aient pas bien compris ce qui s’est passé au cours de cette grève des contrôleurs de la SNCF. La rumeur publique évoque un scandale, un chantage, des centaines de voyageurs pris en otages, la désorganisation généralisée, le gouvernement impuissant : tout cela n’est que l’écume de la vague.

Je professe un libéralisme absolu, celui qui ne s’accommode pas des combinaisons politiques ni des mots d’ordre venus d’en haut. Donc, je vous engage à mesurer à sa pleine valeur l’innovation institutionnelle qui s’est produite dans notre pays et nul doute que la France sera donnée bientôt en exemple dans tous les pays libres.

Comme dans certains autres pays, nous avions le privilège d’avoir des syndicats révolutionnaires dont la doctrine est la destruction du système capitaliste coupable d’exploitation des travailleurs par leurs employeurs. Chaque fois qu’un mot d’ordre de grève s’annonçait, on savait qui viser : Martinez et la CGT, avec Sud Rail pour appoint.

Or, voici que les syndicats habituellement incriminés n’ont pas donné un ordre de grève. Ils ont laissé la grève entre les mains des contrôleurs. Désormais ce sont les individus qui prennent les responsabilités et non pas les syndicats irresponsables. Le conflit du travail échappe donc à la logique collectiviste et il est revenu là où il n’aurait jamais dû cesser : au niveau des individus. Le principe libéral de la subsidiarité est parfaitement respecté : la décision appartient à celui qui en est le premier concerné, à celui qui a la compétence et l’information. Le contrôleur n’est-il pas le plus qualifié pour savoir si le train doit partir ou non ?

C’est sur le quai, au tout dernier moment, que l’on saura si le contrôleur donnera ou refusera le départ. Cette souveraineté et cette responsabilité sont d’ailleurs reconnues par l’employeur : la SNCF ne peut laisser partir un train sans contrôleur. La présence du contrôleur dans le train ne se limite pas à vérifier la validité des titres de transport, il est le vrai capitaine de la nef sur rail. C’en est au point que la SNCF prendra en charge financière les dommages et retards subis par les candidats au voyage.

Ce sacrifice (à charge supplémentaire du contribuable) démontre bien que le transport ferroviaire ne peut se concevoir simplement à partir de rails, de catenaires, de rames, de sièges, de compartiments. Il y a un élément humain indispensable. Or, le libéralisme est un humanisme.

Je reviens maintenant aux syndicats, volontairement absents de l’affaire. Il ne fait aucun doute qu’il y a un problème de représentativité pour ces syndicats, y compris pour la CGT. L’affaire des contrôleurs nous enseigne aussi que les syndicats ne peuvent prétendre être représentatifs de tout le personnel et surtout des contrôleurs : qui contrôle les contrôleurs ? Quis custodiet custiodes ipsos ? Je trouve très réaliste de la part des syndicats de renoncer à décréter une grève dont ils savent qu’elle sera impopulaire et de nature à compromettre leur mission.

En effet les syndicats français ont encore aujourd’hui une mission : ce sont des partenaires sociaux. Cela veut dire qu’ils sont les seuls interlocuteurs de la classe politique mais aussi de leur employeur. La CGT et Sud Rail sont ceux qui ont pour rôle de dialoguer avec la SNCF, leur employeur. De façon plus générale la France se vante d’avoir le syndicalisme le plus ouvert, le plus transparent (y compris du point de vue de son financement). N’ont-ils pas en face d’eux des syndicats patronaux puissants, la reconquête sociale n’est-elle pas possible sans la pression continue entre partenaires sociaux, avec éventuellement le recours salutaire à l’État ? La CGT est à la tête de la croisade anti-patronale, elle a heureusement neutralisé un Medef dont on sait que le dialogue est la règle d’or et qui a tellement fait pour préserver la compétitivité des entreprises françaises.

Oui, je crois qu’il est temps de se réjouir de l’émergence de ce syndicalisme en rupture avec la logique collectiviste des partenaires sociaux. Une saine division du travail a finalement pu s’organiser : aux syndicats le partenariat social et les trains seront en grève générale mais ordonnée, au personnel le pouvoir dans l’entreprise, et les trains seront en grève ponctuelle et aléatoire.

 

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  • Pour Noël, le contribuable vous offre gracieusement un gilet rouge.

  • Pas un peu tôt, pour parler de « libéralisme syndical »?
    Attendons au moins de savoir si l’expérience est reproductible 😁

  • Le libéralisme, c’est aussi assumer les conséquences de ses actes. Quand on travaille dans une entreprise dont les pertes sont assumées par le contribuable, et donc qu’on ne peut pas perdre son emploi quand on fait la « grève de trop », on ne devrait pas pouvoir faire grève. Moi j’ai très envie de faire la grève des impôts qui financent tous les avantages que ces gens obtiennent en prenant en otage les français, mais je n’ai pas le droit.

  • Bonjour,
    Je vous suis reconnaissant pour vos nombreux articles concernant le libéralisme. Je partage cette pensée. Dans le cas commenté je suis étonné. Pour moi il s’agit plus tôt de la manifestation d’un syndicalisme anarchiste qui existait avant la CGT. Ce syndicalisme a disparu avec les consignes staliniennes. Nous voyons, quand même, des salariés à statut privilégié prendre en otage des usagers.

  • Entendu à la radio l’interview d’un contrôleur déplorant que sa rémunération soit constituée d’un salaire plus des primes, celles-ci représentant environ 50% du total, avec les conséquences que chacun connaît sur le montant de sa retraite future! Et les syndicats ( CGT, Sud) n’ont jamais, que je sache, demandé l’alignement de ce système sur le régime général! Et donc à la SNCF comme dans d’autres entreprises contrôlées par l’Etat, certains salariés sont plus égaux que d’autres ( formule Coluchienne), mais tous finalement y trouvent leur compte ( sécurité de l’emploi à vie, avantages en nature, responsabilités limitées, pouvoir de nuisance élevé etc….).
    L’abandon du sort des contrôleurs en rase campagne par les syndicats « maison » ( dits partenaires sociaux!) en dit long sur la solidarité à la mode socialiste!

    • Demandons à ces contrôleurs s’ils préfèrent comme dans le privé, avoir leur primes soumises à cotisations ( elles seront donc moins élevées) et partir à la retraite à 62 voir 65 ans avec la moyenne des 25 dernières années au lieu de 57- 59 ans avec la moyenne des 6 derniers mois. Si cela était avantageux , Sud rail l’aurait revendiqué depuis longtemps , je pense. On ne peut pas avoir le beurre….

  • De là, y voir un syndicalisme libéral, il y a un monde! Il faut rappeler que libéral signifie aussi responsable?
    Est-ce responsable de défendre ses intérêts en prenant en otage les voyageurs, ce qui est la méthode des syndicats « voyous » CGT et consorts!

  • Avatar
    The Real Franky Bee
    23 décembre 2022 at 10 h 07 min

    Message de santé publique : ne jamais trop forcer sur le vin rouge pendant les fêtes.

  • Merci, cher Jacques, pour cet article dont je trouve qu’il stimule bien la réflexion.
    Je te signale, ainsi qu’à tes lecteurs, qu’il existe depuis 9 ans un syndicat qui s’appuie sur le principe de subsidiarité, mais aussi sur le principe personnaliste, le principe du bien commun, le principe de la destination universelle des biens, le principe de participation et de solidarité : il s’appelle Syndicatho et invite tous les amoureux de la liberté intégrale (libertés « extérieure » ET « intérieure ») à le rejoindre.

  • Impossible de savoir si cet article est au premier, au second ou au millième degré.

  • Je partage l’opinion de l’auteur.
    Sauf que ces gens s’y prennent un peu tard, ils auraient du lancer le préavis plus tôt pour laisser un peu de temps à la direction de la SNCF de se réveiller, les usagés (sans r) auraient vu cette dernière comme responsable principale.

  • Cet article est un vibrant plaidoyer pour la retraite à 60 ans ! Il est inhumain d’exiger que des gens puissent travailler à des 70-80 ans passés. Si écrire dans la presse ne prête pas à conséquence, que se passerait-il si les mêmes pilotaient un TGV ou un avion ?

  • Le syndicalisme français né devient libéral que quand l’entreprise est en concurrence. Lorsqu’il y aura d’autres exploitants que la SNCF sur les rails, les grèves seront terminées à jamais. Mais l’état veut il vraiment que les français ne soient plus emmerdés ?

    • Les grèves seront du passé, mais que fera-t-on alors des multiples hauts cadres de la SNCF ? Il faudra créer un poste de 2e ministre, un de 3e, un de 4e, etc…

  • C’est curieux, car normalement de part les statuts seuls les syndicats sont interlocuteurs et peuvent déclencher une grève. Et d’ailleurs ce sont ces syndicats qui approuvent les accords du jour. Je pense que c’est juste un tour de piste pour montrer que des mouvements sans interlocuteurs ce sont comme les gilets: ingérables.

    • Comme pour les gilets jaunes, les syndicats n’ont pas déclenché le mouvement, mais pris le train en marche quand ils y ont vu leur intérêt, avec le bordel ambiant qui a suivi vu qu’ils sont incapables d’assurer un service d’ordre correct( On pourrait même penser que les racailles casseurs sont recrutés exprès par eux pour faire peur lors des manifs!)

  • Les commentaires sont fermés.

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