Le Pinocchio del Toro sur Netflix : une vision confuse

À l’occasion des fêtes de fin d’année, Netflix propose une nouvelle version des Aventures de Pinocchio de Collodi (1881).

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Pinocchio by Jean-Etienne Minh-Duy(CC BY-SA 2.0)

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Le Pinocchio del Toro sur Netflix : une vision confuse

Publié le 17 décembre 2022
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À l’occasion des fêtes de fin d’année, Netflix propose une nouvelle version des Aventures de Pinocchio de Collodi (1881).

Il va de soi que ce récit trop bien-pensant avec son exaltation de la famille, de l’école et du travail a été réécrit au goût des fantaisies de notre époque et des fantasmes du réalisateur Guillermo del Toro. Les critiques prompts à répéter la publicité de Netflix s’extasient tous sur le stop-motion, très ancienne technique d’animation, comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde. Disons-le tout de suite, l’animation est très réussie et le film visuellement très beau. En revanche, on peut être plus réservé concernant le contenu fumeux de ce (très) long métrage.

 

Fascisme et bien-pensance du Pinocchio 2022

Guillermo del Toro, cinéaste très conformiste et donc très bien vu, qui a l’habitude d’utiliser comme punching-ball le franquisme revu et visité par la gauche espagnole, s’attaque ici à un récit italien. Seulement voilà Pinocchio se situe à la fin du XIXe siècle. Malheureusement, à cette époque le « fascisme » cher à notre réalisateur n’existait pas encore. Fâcheuse circonstance qui l’a mené à déplacer l’action à l’époque de Mussolini, non pas d’ailleurs dans dans les années 1930 comme l’écrivent les critiques subventionnés mais visiblement en pleine Seconde Guerre mondiale qui seule peut expliquer la présence de mines sous-marines et d’un bombardement aérien.

Il s’agit bien sûr, tarte à la crème, de fustiger le prétendu retour du fascisme assimilé par nos bien- pensants aux divers courants populistes dont le succès affole tant les médias « sérieux ». Inversement, pour eux, les mesures de coercition prises pendant la crise sanitaire n’ont bien sûr rien à voir avec le « fascisme ». La devise « croire, obéir, combattre » de l’époque mussolinienne est complaisamment étalée dans le film. Mais nul n’y voit de lien avec les vertueuse mesures sanitaires où l’on demandait aux populations de croire et d’obéir pour mieux combattre la méchante covid.

Bref, ce Pinocchio soi-disant « passionnant et complexe » simplifie considérablement le récit de Collodi tout en l’étirant au maximum selon la fâcheuse manie de la fiction contemporaine. Là où Disney signait un chef-d’œuvre en 75 mn, pas moins de deux heures sont nécessaires à notre génie mexicain. On nous assure qu’il s’agit d’un anti-Disney de Noël, bel enfumage publicitaire. Je ne doute pas de la nullité de la très récente version Disney. En revanche, on est très en deçà du chef-d’œuvre d’animation de 1940.

 

Le méchant qui parle français

Les divers personnages maléfiques de Collodi sont ici réunis dans l’unique figure d’un directeur de cirque (le comte Volpe). Son caractère satanique clairement affirmé est confirmé par deux indices : il parle français et il écoute du Wagner. Notre cinéaste anticonformiste paie ainsi son tribut à ses financeurs anglo-saxons. Pour le reste, les autres méchants se réduisent en un médiocre podestat fasciste et un Mussolini ridiculisé en nabot (quelle audace !). Pour la caricature mussolinienne, Jack Oakie était infiniment plus drôle dans Le Dictateur de Chaplin il y a déjà 82 ans !

Et la satire du fascisme a été beaucoup plus brillamment faite dans Amarcord par Fellini (il y a 50 ans), qui lui, au moins, savait de quoi il parlait. Mais avec les jeunes générations moutonnières, cela doit sans doute paraître le comble de l’audace.

Nous vivons bien dans un univers de pantins mais les pantins ne sont pas là où l’on pense. À lire les critiques toutes semblables dans l’enthousiasme de commande, célébrant toutes « l’anticonformisme » du cinéaste, on devine que c’est son conformisme bien-pensant qui les séduit tant.

Les méchants de l’histoire sont d’ailleurs très loin d’être aussi effrayants que ceux du Pinocchio de Disney. Donc, pour la prétendue « version sombre », on repassera.

 

Le message très confus de Pinocchio

Quant au message délivré à nos chers petits, il est pour le moins assez confus. On s’interroge sur la place donnée à l’Église catholique, absente du récit originel, et sur sa signification. Il est curieux (ou significatif) que les critiques n’en parlent pas. En effet, même si le curé a une sale gueule (mais ce n’est pas un délit), on ne décèle guère d’anticléricalisme (ce qui a dû en décevoir certains). L’étrange parallèle tenté entre le Christ en bois sculpté par Gepetto et Pinocchio ne débouche sur rien. Mais c’est un peu à l’image de la confusion mentale qui règne d’un bout à l’autre de cette histoire.

Ainsi, aller à l’école est fasciste puisque c’est une injonction du podestat à Gepetto. En revanche le bon père est celui qui laisse faire tout et n’importe quoi à son chérubin. En effet, pour le réalisateur, il faut être soi-même et surtout ne pas vouloir faire plaisir aux autres. Le problème est que Pinocchio est une catastrophe ambulante qui détruit tout et ne comprend rien à rien. Peu importe, il meurt et comme il n’est pas humain, il renaît. De renaissance en renaissance, il finit par connaître une sorte de rédemption mystérieuse. Cette omniprésence de la mort est censée porter un message profond. En effet, Gepetto a perdu son fils, petit garçon modèle, lors d’un improbable bombardement aérien de la Grande Guerre, et a cherché à le récréer au travers de Pinocchio.

 

La liberté sans la responsabilité

Mais le jeune public en retiendra l’idée que mourir c’est pas grave, on finit par vite en revenir. Le seul problème c’est que nous autres pauvres humains n’avons droit qu’à une seule vie. Nous ne bénéficions donc pas de trois ou quatre chances successives. Mais Pinocchio est paraît-il une créature « rebelle » dans un monde de marionnettes. Le gamin désobéissant du récit originel s’est transformé en rebelle. Le problème est qu’il est aussi rebelle que l’est l’enfant roi de nos sociétés contemporaines, c’est dire. Il est surtout très naïf et ridiculise Mussolini avec un spectacle pipi-caca. Voilà donc « l’important message » pas très clair de notre génie cinématographique.

Que reste-t-il donc dans l’esprit du spectateur ? Soyez vous-même et faites ce qui vous passe par la tête, c’est pas grave. Seulement voilà, la liberté sans responsabilité n’est pas la liberté. Mais bon, que notre époque ne sache plus ce qu’est la liberté, nous nous en doutions un peu. Et il ne faut pas demander à un cinéaste qui mène avec efficacité une carrière très commerciale sous des dehors d’ambition artistique d’être réellement audacieux. On ne le paie pas pour ça.

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  • Le récit original de Collodi est un conte initiatique qui doit permettre à un pantin de bois, après avoir subit différentes épreuves , et avoir compris le sens de la vie, de devenir un petit garçon de chair et de sang .
    Il semblerait que dans ce film , il n’y arien de tout delà alors que ça transparaissait dans celui de Disney .

  • Les commentaires sont fermés.

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