Fullmetal Alchemist ou rien n’est gratuit

Fullmetal Alchemist, manga du talentueux Hiromu Arakawa parle de questions fondamentales, à savoir la vie, la mort, l’humanité mais aussi l’échange.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Fullmetal Alchemist ou rien n’est gratuit

Publié le 2 avril 2023
- A +

 

Comme toute œuvre qui touche un vaste public, Fullmetal Alchemist, manga du talentueux Hiromu Arakawa parle de questions fondamentales, à savoir la vie, la mort, l’humanité mais aussi l’échange.

M’étant penché depuis quelques mois sur la production asiatique proposée sur Netflix, j’ai découvert, il y a un petit moment déjà, les films inspirés de ce célèbre manga des années 2000. Le premier date de 2017 et la suite en deux parties de 2022.

Netflix propose également un anime dont je croyais dans ma grande naïveté qu’il suivait de près l’œuvre originelle. D’où ma grande déception en le regardant : après un bon départ, la série s’enlisait pitoyablement. J’ai découvert ensuite qu’il existait deux anime et que la version fidèle n’était pas celle-ci. Comme dirait Gresham, la mauvaise monnaie chasse la bonne et le second anime est difficilement visible.

N’ayant pas l’intention d’acheter les 27 volumes du manga, je me contenterais donc d’appuyer cette brève analyse sur les films avec acteurs en chair et en os. Bien qu’ils ne s’agissent pas de chef-d’œuvre, ils sont, parait-il, fidèles au travail d’ Hiromu Arakawa.

 

Fullmetal Alchemist pose de vraies questions

Comme toujours avec le manga japonais, le sublime n’est jamais loin du ridicule. Mais sous l’aspect bariolé, agité et grotesque, cette œuvre mérite sa réputation. Full Metal Alchemist pose non seulement de vraies questions mais y donne des réponses intéressantes.

L’histoire a pour cadre Amestris, une sorte d’Occident du premier tiers du XXe siècle revisité par les fantasmes nippons, peuplé de blonds aryens et où règnerait un dictateur brun et moustachu. On croirait du Chaplin dans le texte. L’armée y est donc toute-puissante et le pays dirigé par ce führer plus ou moins débonnaire. Xing, le vaste État situé à l’est, est une Chine qui serait restée monarchique et dont des princes seront mêlés à la destinée du héros.

Les habitants d’Amestris ont tous des noms, comment dire, un peu bizarroïdes, un vrai festival du n’importe quoi : King Bradley, Van Hohenheim, Alex Louis Armstrong, Basque Grand, Tony Mustang, Pinako Rokbell, Izumi Curtis, et tutti quanti.

 

Qui est Fullmetal Alchemist ?

Notre blond héros, un bon aryen comme les autres, s’en distingue néanmoins. Enfant prodige de l’alchimie, diplômé d’État à un âge précoce, Edward Elric, dit Fullmetal Alchemist, est un super-héros doté d’une forte éthique. Il ne tue ainsi jamais aucun de ses adversaires. Il doit son surnom au fait de posséder un bras et une jambe en métal.

En effet, cet adolescent cache un lourd secret. Suite à une expérience alchimique interdite où il a tenté de ressusciter sa mère, il est devenu handicapé et son jeune frère, Alphonse, y a perdu rien moins que son corps. Bref, le petit frère ou plus exactement son âme se retrouve coincée dans une armure vide particulièrement disgracieuse et bruyante, dans le genre bruit de casserole à chaque mouvement.

Tel Cyrano souffrant d’un nez proéminent et ne supportant pas la moindre allusion, notre alchimiste précoce n’aime guère qu’on évoque sa taille.

Ce n’est pas qu’Edward Elric soit un minus. Non, c’est plutôt une demi-portion, un rabougri, un ersatz, un nabot… En principe, avant même le début d’une telle énumération, notre héros explose de rage. Mais s’il peut exploser de rage dans un manga ou un anime, cela lui est plus difficile quand il est joué par un acteur en chair et en os. On est donc souvent un peu loin du compte comme dans toute transposition d’une œuvre dessinée en film traditionnel.

 

Fullmetal Alchemist, réflexion sur la nature humaine

Mais avec les films nous perdons surtout la dimension voyage initiatique de l’histoire originelle. Et les effets spéciaux priment sur la signification profonde de Fullmetal Alchemist qui est une réflexion sur la nature humaine. C’est ici que le personne d’Alphonse Elric, tout ridicule qu’il soit avec sa quincaillerie et son pagne, prend toute sa signification. Une armure vide dotée d’une « âme » est-elle un être humain ?

La question de l’humanité se pose tout autant avec les tentatives pitoyables et sinistres de créations de chimères douées de la parole. Ah, Frankenstein, quand tu nous tiens…

Mais la question de la nature humaine s’attache surtout à la figure des homonculus nés d’un père qui se veut l’égal de Dieu. Ajoutons que ce père est aussi le portrait craché du père renié de nos deux frères. Ce père-Dieu était, à l’origine, le Nain de la Fiole ! Dois-je rappeler une fois de plus, en dépit des risque encourus, la petite taille de notre héros ? Et comme il se doit, ce père démoniaque finira par revêtir l’apparence de notre blondinet héros.

Dr Freud, vous êtes toujours en ligne ?

 

Sept homonculus à l’image des sept péchés capitaux

Chacun des homonculus porte le nom d’un des sept péchés capitaux (mais en anglais). En fait la place des uns et des autres est plus ou moins grande dans l’adaptation cinématographique. Il est surtout question de la Luxure (femme fatalement, mais elle est détruite), de l’Envie (un de ces personnages androgynes qu’affectionnent les mangaka), de la Gloutonnerie (Glutonny, aussi gros qu’inquiétant), puis ensuite paraissent la Colère (Wrath, qui se révèle tardivement) ou encore l’Avidité (Greed) et non point l’Avarice.

La Paresse se manifeste bizarrement sous la forme d’un géant aussi actif que dépressif mais la dépression ou tristesse était à l’origine un péché dans la tradition orientale. Orgueil (Pride) se niche dans le corps d’un enfant. Est-il dès lors si étonnant que certains confondent orgueil et fierté ?

À la fin des fins, la Luxure s’embrase, l’Envie se suicide, la Gloutonnerie est dévorée, la Paresse succombe à un burn-out, la Colère meurt apaisée, l’Orgueil quant à lui avait vu trop grand et se retrouve ramenée à sa vraie taille, minuscule, et l’Envie comprend que l’amitié vaut tous les biens de la Terre.

 

Immortalité et aveuglement associés au pouvoir

Fullmetal Alchemist donne par ailleurs une peinture sans complaisante du pouvoir. Le dictateur militaire King Bradley provoque des massacres de masse de population. Ces séquences renvoient aux génocides du XXe siècle. Mais au-delà de cette dénonciation démonstrative mais peu originale, le message va plus loin dans sa dimension symbolique.

En effet, de quoi rêvent ceux qui ont le pouvoir ? D’immortalité bien sûr, à l’image de l’empereur agonisant de Xing ou du vieux souverain de Xerxès. Quant au Nain de la Fiole, son arrogance démesurée a pour rançon le désespoir. Et Roy Mustang, celui qui rêvait d’accéder au pouvoir suprême pour rendre le monde meilleur que devient-il ? Aveugle. Peut-on être plus limpide ?

 

L’échange équivalent dans Fullmetal Alchemist

Qu’est-ce que la vérité ? demandait Pilate à Jésus. Fullmetal Alchemist y répond à sa façon.

Toute l’histoire repose en effet sur une vérité fondamentale. On n’obtient rien sans rien. Pour avoir quelque chose, il faut sacrifier quelque chose. C’est l’échange équivalent, base de l’alchimie, mais aussi de tous les rapports humains.

L’échange équivalent c’est comme le commerce équitable. Cela fait joli mais cela ne correspond à aucune réalité. Aucun échange n’est jamais équivalent.

D’ailleurs que nous montre-t-on ? Un alchimiste qui obtient une assiette à partir d’une assiette en morceaux. Quelle est donc la valeur d’une assiette en morceaux ? Elle est nulle évidemment. De même que le plomb a moins de valeur que l’or, même si cette transmutation est interdite à Artémis, il s’agit d’échanger moins de valeur contre plus de valeur.

Edward sacrifie son bras contre l’âme de son frère. À ses yeux, l’âme d’Alphonse a plus de valeur que son propre bras. L’échange par nature est inégal, tout comme la valeur de toute chose est subjective.

Diable, Fullmetal Alchemist serait-il en réalité une oeuvre libérale ?
Serait-ce cela le grand secret dévoilé ?
À chacun de se faire son opinion.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Vers la fin du manga, on nous explique que “l’échange équivalent” est une imposture. Une même masse doit être utilisée, oui, mais la transformation requiert une énergie, l’ “énergie vitale”. Pour les techniques avancées, de la souffrance est nécessaire. Et pour l’alchimie humaine, des sacrifices humains sont nécessaires. C’est ce que découvre le héros, que ce qu’il veut faire (ressusciter, rendre un corps à son frère) nécessite la mort d’autres.
    Enfin, ce type d’échange représente bien plus le socialisme que le libéralisme. L’alchimie y est utilisée à somme nulle, elle est utilisée pour la guerre, pour l’enrichissement ou la prolongation de la vie aux dépend des autres. L’alchimie n’est pas présente dans les processus productifs (elle ne nourrit pas, ne fabrique pas de biens).
    Remarque: il sacrifie son bras non pas contre l’âme de son frère, mais pour interrompre le processus de résurrection qui réclamait son âme, et l’attacher à une armure. Il n’y a pas eu de gain, mais une perte nette!

  • Bonjour, est-ce que quelqu’un sait dans quel ordre on les regarde? Sur Netflix.
    Merci d’avance.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
Les réflexions pleines de pertinence et de bon sens d’un esprit libre et empli de courage.

Il est question ici de courage, d’ignorance, de servitude heureuse, de bêtise. Autant de sujets que nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion d’aborder ensemble.

Après une entrée en matière non dénuée d’ironie et agrémentée de treize citations d’une grande profondeur, c’est avec le sens de la dérision que Boualem Sansal donne le ton du livre, avec « en guise de préambule, une interview qui n’a pas eu lieu et qui, normalement, jamais ne pourra... Poursuivre la lecture

Qui a dit que les humanités ne servent à rien ? Jean-Baptiste Noé montre leur rôle et leur importance fondamentale dans notre société et nos libertés.

Cet ouvrage trouve bien sa place dans cette série. En effet, nous vivons à une époque et dans un monde où les technologies ont pris une place prépondérante, où tout va vite, où on entend à la fois se tourner vers un futur mû par les promesses en partie inquiétantes de l’Intelligence Artificielle et un désir de sombrer dans le présent et la tyrannie du divertissement. En quoi les humanités sont-... Poursuivre la lecture

Je prévoyais initialement de consacrer ce vingtième volet à la littérature russe. Tolstoï, Dostoïevski, Gogol, Tchékhov, Pouchkine, assez nombreux sont les romans de ces auteurs que j’ai lus. Malheureusement, j’en garde trop peu de traces écrites pour pouvoir proposer quelque chose de suffisamment satisfaisant. C’est pourquoi j’improvise cette évasion bucolique aux parfums de fin d’été.

 

Le Mur invisible, de Marlen Haushofer

Voilà un thème qui est aujourd'hui régulièrement l'objet de scénarios multiples : la fin du monde e... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles