Midterms : le gouverneur de Floride Ron DeSantis gagnant

En apparaissant grand vainqueur des midterms, Ron DeSantis sort considérablement renforcé des élections de mi-mandat aux États-Unis et se voit ouvert un boulevard vers 2024.

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Ron DeSantis by Gage Skidmore (creative commons CC BY-SA 2.0)

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Midterms : le gouverneur de Floride Ron DeSantis gagnant

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 novembre 2022
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« La liberté vit ici » était le slogan de campagne de Ron DeSantis. Réélu triomphalement gouverneur de Floride, avec un score historique de près de 60 % des suffrages, du jamais-vu dans l’État du soleil où toutes les élections se sont traditionnellement jouées sur un fil.

Chacun se souvient de l’élection présidentielle de 2000 où après plusieurs semaines de recomptages, George W Bush l’emporta finalement de 537 voix sur plus de 5,8 millions de votes contre son adversaire, le vice-président de Bill Clinton, Al Gore. Et il en avait toujours été ainsi du plus célèbre des swing states (état oscillant), où chaque élection se jouait dans un mouchoir de poche, mettant à rude épreuve les nerfs des Américains à chaque scrutin présidentiel.

Mais Ron DeSantis a bouleversé le jeu politique, faisant de cet État versatile l’un des plus puissants fiefs républicains des États-Unis en seulement 4 ans ! Élu une première fois gouverneur en 2018 avec un écart de 0,4 %, il est réélu en 2022 avec près de 20 points d’avance sur son adversaire démocrate.

Ce « libertarien conservateur », qui défend les valeurs familiales traditionnelles tout en affichant un libertarisme décomplexé est incontestablement le grand vainqueur de ces élections de mi-mandat 2022, alors que Joe Biden et Donald Trump apparaissent comme les grands perdants de ce scrutin.

Si Biden peut se consoler d’une défaite moins lourde que prévu en perdant la Chambre des représentants, il perd une alliée de poids qui n’en sera plus la présidente, Nancy Pelosi, troisième personnage de l’État et qui était un pilier de sa politique. Les Républicains ont désormais les moyens de bloquer la plupart des projets de son administration. Même s’il parvient à garder le contrôle du Sénat, il sort considérablement affaibli pour terminer son mandat présidentiel qui pourrait bien ne plus consister qu’à expédier les affaires courantes, sans plus de marge de manoeuvre.

Pour Trump la « victoire » qu’il claironne contre son vainqueur de 2020 est en vérité bien amère tant elle est nettement moindre qu’espérée. Et surtout dans le détail, ce sont principalement ses poulains qui ont largement sous-performés et brisé l’espoir d’une vague rouge à la Chambre et au Sénat pour le GOP, notamment dans des États-clés dont il avait fait sa cible principale, comme la Pennsylvanie ou l’Arizona, où les Démocrates se sont imposés.

 

Demi-défaite, demi-victoire

Biden et Trump sont les grands perdants de la séquence électorale. Comme si les Américains étaient bien décidés à vouloir tourner la page de 2020 sans pour autant véritablement en avoir la possibilité, laissant un parfum de déception dans les camps démocrate et républicain, que les narratifs et les sourires forcés des uns et des autres ont bien du mal à dissimuler… tant ceux qui les dispensent semblent avoir bien du mal à s’en convaincre eux-mêmes.

Seul Ron DeSantis est apparu aux yeux de tous les Américains comme le seul grand vainqueur de la soirée. Éclatant, l’étoile montante des Républicains a indéniablement pris un ascendant dans la course pour la présidentielle de 2024, face à un Biden épuisé en deux ans et à la fin de règne laborieuse, et un Trump qui a raté un retour qu’il promettait tonitruant et dont la vague n’aura été qu’une houle à marée basse.

Comme je l’avais déjà écrit, l’histoire fait son œuvre. On ne peut être et avoir été. Cela fait des mois que s’est insinuée dans la base républicaine, chez les militants et plus encore les électeurs (ce que confirment les résultats d’hier), l’envie de tourner la page sur l’élection de 2020 et de passer à autre chose. Trump n’a visiblement plus l’impact électoral et l’influence que ses plus fervents partisans veulent encore croire.

Les victoires républicaines d’hier reposent sur des candidats solidement implantés, reconnus pour leur ancrage local et leur travail d’élus de terrain, comme Abbot au Texas, ou Kemp en Géorgie, ennemi juré de Trump qui avait tenté de lui opposer des candidats à la primaire républicaine dont il est sorti néanmoins vainqueur et qui restera donc gouverneur.

Et il n’est pas le seul dans ce cas.

Pillen au Nebraska, Reynolds en Iowa, Gordon dans le Wyoming ou encore Irvey en Alabama, pour ne citer que ceux-là parmi d’autres : autant de candidats contre lesquels Trump avait soutenu ses partisans aux primaires, tous battus, et qui l’ont emporté hier avec des scores écrasants tournant autour de 60 à 70 %, parmi les plus hauts fiefs républicains. Ces gouverneurs pèseront lourd dans le processus de désignation du candidat du GOP pour 2024. D’autant que Trump ne pourra guère compter d’aussi solides soutiens, ses poulains ayant été pour la plupart battus hier.

Comme s’ils sentaient déjà le vent tourner, à peine élus le gouverneur de l’Utah, Lee, et celui de l’Ohio, Vance, ont semblé prendre leur distance avec Trump. Jusque-là se tenant dans une neutralité prudente qui leur avait valu d’être soutenus tant par l’ancien président que par le gouverneur de Floride, ils ne tarissaient cependant plus guère d’éloges pour DeSantis ces dernières semaines, sentant bien l’impact électoral qu’ils pouvaient en tirer, tandis que sa popularité n’a cessé de grandir ces derniers mois dans tous les sondages d’opinion.

 

Pourquoi DeSantis a un boulevard devant lui ?

Il ne pouvait y avoir meilleur scénario pour Ron DeSantis que celui qui s’est déroulé hier soir.

Biden déjà hors course depuis longtemps, une large victoire des Républicains aurait mis la candidature de Trump sur orbite, de telle sorte qu’elle aurait été incontestable, tant l’ancien président s’est engagé dans la campagne et en avait fait une rampe de lancement pour se représenter en 2024. Ce ne fut pas le cas et Donald Trump sort très affaibli des résultats mitigés du GOP.

Les critiques acerbes distillées ce matin par l’ancien président à l’encontre du gouverneur de Floride tout juste réélu en disent d’ailleurs long sur le constat qu’il tire lui-même du rebattage des cartes qui s’est opéré hier soir. Ron DeSantis est le seul grand vainqueur de la soirée électorale et désormais plus que jamais le grand challenger de l’ancien président pour 2024. La primaire républicaine sera âpre et Trump a donné le ton, la campagne pour l’investiture au sein du Grand Old Party républicain sera rude et l’ancien président ne retiendra pas les coups.

Mais qu’importe pour le gouverneur de Floride, son entourage a toujours considéré que l’investiture républicaine pour 2024 n’était due à personne et que le processus devait se faire « complètement » et conduire à un débat de fond « serein, clair, mais déterminé » pour l’avenir du pays, confiait encore récemment un proche de Ron DeSantis. Et pour celui-ci le gouverneur de Floride ne manque pas d’arguments ni surtout d’un bilan que ses partisans résument d’un slogan : « faire de l’Amérique la Floride ».

Ancien militaire, magistrat diplômé de Yale, issu d’une famille modeste d’origine italienne, né en 1978, il se distingue rapidement au sein du Parti républicain dont il devient un puissant leader dans son État de Floride.

Élu à la Chambre des représentants, puis gouverneur en 2018, il se distingue par sa philosophie politique libertarienne aux accents conservateurs.

Le libertarianisme (du français « libertaire », « libertarien ») est une philosophie politique qui fait de la liberté individuelle le socle de toutes les valeurs fondamentales. Les libertariens se distinguent en cherchant à maximiser l’autonomie et la liberté politique tout en réduisant l’empiétement de l’État sur la vie civile. Ils se méfient de l’État, le soupçonnant, tel le philosophe français Paul Ricoeur d’un risque permanent « d’abus de pouvoir et de violations des libertés individuelles ».

Faisant de l’État de droit le pilier de la liberté individuelle et le rempart contre les excès de l’État, les libertariens puisent leur inspiration chez des philosophes tels que John Locke (« là où s’arrête le droit commence la tyrannie »), Tocqueville qui voyait en la tutelle de l’État « une servitude », Aristote qui dénonçait déjà « les déviations des régimes politiques », et Stuart Mill qui estimait que « gouverner n’est pas diriger les conduites individuelles ».

Et c’est précisément cette dernière citation qui a guidé l’action de Ron DeSantis pendant la crise liée au covid et qui l’a fait connaître aux yeux du monde entier.

Au nom de la primauté du droit des individus mais plus encore de la liberté de disposer de son corps, de la liberté de choix, de mouvement et d’expression, le gouverneur de Floride refusera les politiques sanitaires et l’autorité de l’État fédéral. Ce sont d’ailleurs les mêmes motivations qui poussèrent le gouverneur du Dakota du sud, Kristi Noem, à en faire de même. Mais si le cas du petit État du Dakota du sud passa relativement inaperçu dans l’ombre du grand État de Floride qui attira l’attention des media et les réprobations de l’État fédéral voire de l’OMS, Noem comme DeSantis reposaient bien sur la même logique philosophique.

C’est ainsi que l’État de Floride a mis rapidement un terme aux confinementx et s’est opposé ensuite à l’État fédéral dans tous les domaines de son action de politique publique. DeSantis ira jusqu’à promulguer divers décrets menaçant de sanctions les entreprises ou établissements publics qui se livreraient à des discriminations à l’encontre des personnes non vaccinées ou de ceux qui souhaitant instaurer un quelconque système de pass sanitaire ou vaccinal. Un établissement scolaire a ainsi été privé de subventions après avoir seulement tenté d’imposer le masque !

Deux ans après, force est de constater la pertinence des choix de DeSantis.

Non seulement la Floride a eu l’un des taux de mortalité lié au covid les plus bas d’Amérique mais en plus l’État du soleil a sauvegardé son économie qui est restée ouverte tandis que les autres États et une bonne partie du monde payent encore le prix exorbitant des verrouillages. Là encore l’inspiration philosophique de DeSantis a été le socle de sa détermination, résistant à la pression de l’État fédéral comme international en faisant le pari de l’immunité collective naturelle mais aussi de libre prescription de l’ivermectine. Au nom de la liberté individuelle.

Mais en se mettant en première ligne contre le wokisme, tant dans les établissements scolaires qu’en s’opposant frontalement à Disney, au nom des valeurs familiales traditionnellement conservatrices, DeSantis double son image libertarienne d’un ancrage puissant dans des principes politiques fondamentaux du Grand Old Party.

Ce coup double a tout autant convaincu l’électorat traditionnel républicain que le vote hispanique culturellement méfiant vis-à-vis de toute tentation de l’État de vouloir contraindre les comportements individuels. Logique de la part de populations ayant pour la plupart fui le communisme en Amérique latine. Le basculement du vote hispanique a été déterminant dans l’ancrage du GOP en Floride, faisant de ce swing state un fief républicain.

En incarnant à la fois le principe de liberté si précieux aux Américains et les valeurs traditionnelles de l’électorat conservateur, Ron DeSantis a réussi la tempête parfaite qui a fait son succès historique en Floride et envoyé démocrates, Biden et Trump par le fond !

Et tandis que Biden est déjà lessivé après deux ans d’un mandat désastreux et que Trump sort affaibli du scrutin d’hier, c’est un véritable boulevard vers la Maison Blanche qui s’ouvre au gouverneur de Floride en 2024.

D’autant plus que, proche de Musk, en envoyant celui-ci proposer un plan de paix sur la crise en Ukraine dont la source fait peu de doute, DeSantis a marqué des points dans une opinion dont le soutien à l’Ukraine et à la guerre ne cesse de régresser depuis l’été.

Déjà, certains sondages sortis ces dernières semaines placent DeSantis en tête des intentions de vote pour les primaires républicaines et dans les enquêtes de popularité. La campagne sera certainement rude, mais fort de son incroyable bilan à la tête de la Floride quand Trump devra se confronter à l’opération Warp speed qui a initié l’engrenage diabolique des vaccins ARNm et de l’emprise de BigPharma sur le monde occidental qui a fait tant de mal, il est difficile de penser que Ron DeSantis n’en apparaîtra pas plus encore comme celui qui a fait les bons choix.

L’élection de 2024 s’est bien jouée hier comme le promettait Trump. Et c’est DeSantis qui a gagné.

 

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  • Le problème est que l’élection à la chambre des représentants n’est pas encore aussi pliée qu’elle en avait l’air. On est passés de 197/207 à 206/211. Au rythme où les démocrates refond leur retard dans ces projections, les 218 de la majorité ne sont pas garantis aux républicains. Quelles conséquences en cas de victoire sur le fil des démocrates ?

    • Bonsoir. Ce serait une mauvaise nouvelle pour l’Amérique, mais cela accentuerait l’effet d’usure des démocrates d’ici 2024, ce qui ne serait que plus favorable à Ron DeSantis s’il est investi pour mener les républicains à la maison blanche et pour reprendre la majorité au congrès. Mais en deux ans, les démocrates auraient le temps de faire beaucoup de mal…

    • Le truc amusant c’est que dans nombres d’États où, finalement il semblerait que les démocrates s’en tirent bien mieux que prévu, les autres votes (les élections US sont toujours multiples, on vote pour les gouverneurs, représentants, mais aussi trésorier, représentant légal, etc. etc.) sont souvent en faveur des républicains et avec plus de voix que pour les « suffrages importants ».

      Amusant et plus que louche, mais faut pas le dire, il est bien connu qu’un gus de gauche qui gagne c’est toujours incontestable, alors que les victoires des gens de droite sont bien souvent « entachées de fraudes, de problèmes, de manipulation russes…  » etc.

  • « Libertarien conservateur » ? Un libertarien peur il être conservateur impossible.
    M DE SANTIS est un des fondateurs de Freedom Caucus et toujours membre , qui prône le conservatisme social
    Opposition au mariage gay, aux homosexuels, l homoparentabilite, au divorce , à l avortement…
    Ce monsieur n est pas un libertarien . Sûrement pas.

    -1
  • Il est marrant de voir que lorsque des lois sont mises en place pour empêcher la fraude électorale (ou la diminue tout du moins), comme demander une pièce d’identité valide, les résultats sont plus « logique »… 🙂

    • Et dès qu’on limite le « vote par correspondance », les « récoltes de votes » et autres trucs qui font plus penser aux républiques bannières des tropiques qu’aux démocraties modernes, les démocrates qui ont causé une crise économique majeure et réduit les libertés partout semblent d’un coup moins fringuant. Alors que dans les États où tout ça a lieu, étrangement, il faut 2 semaines pour savoir qui a gagné et on voit toujours progressivement les votes démocrates s’accumuler. D’aucuns diraient qu’il faut pour compter les voix autant de temps qu’il est nécessaire pour imprimer les bulletins nécessaires à une victoire « bleue »… mais ça n’est que du complotisme de bas étage, évidemment.

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