Des montres connectées pour surveiller les collégiens

Il avait été prévu de distribuer des montres connectées aux collégiens de Sarthe. Si le projet semble à l’arrêt, voici les problématiques qu’il soulève.

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Montre connectée Neptune Pine 1 (Crédits Forgemind Archimedia, licence Creative Commons)

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Des montres connectées pour surveiller les collégiens

Publié le 31 octobre 2022
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Cette rentrée est l’occasion pour le département de la Sarthe d’offrir un petit cadeau aux élèves de sixième : dans le cadre d’un programme dit « sport-santé », les jeunes collégiens reçoivent une montre connectée, du même type que celles que l’on peut trouver dans le commerce. Le président du Conseil départemental, Dominique Le Mèner explique :

« Avec cette période de covid, on a constaté qu’il y avait une diminution de l’activité physique, mais j’allais dire plus largement, le problème de la prévention et de la santé n’est pas suffisamment pris en compte. On parle beaucoup de la désertification médicale, mais l’enjeu de la prévention et de la santé c’est pratiquer du sport, d’avoir une activité physique, et c’est dès le plus jeune âge qu’on l’apprend ».

Ces montres sont donc destinées à vérifier l’activité physique des collégiens : leur nombre de pas quotidien, leur température corporelle, leur rythme cardiaque, les alternances veille-sommeil… Après avoir enregistré des données personnelles (taille et poids, sexe et date de naissance), l’utilisateur définit des objectifs d’activité sportive ou de sommeil mais peut aller beaucoup plus loin dans les « confidences » car on l’encourage à renseigner des données sur ses habitudes alimentaires ou même le temps qu’il passe devant les écrans.

« L’objectif de ce dispositif est de promouvoir l’activité physique en tenant compte des contextes particuliers du moment », a déclaré Véronique Rivron, présidente de la commission sport, lors d’une distribution aux élèves de sixième, à La Ferté-Bernard, en juin dernier. On imagine que par « contextes particuliers du moment » il faut entendre confinements.

Plus troublant : dans un tweet de juin 2022, le département explique qu’il s’agit d’évaluer la « forme physique, mentale et sociale des collégiens ». Il ne s’agit donc pas seulement de les doter d’une sorte de podomètre amélioré… Qu’est-ce que la « forme mentale et sociale » d’un collégien ?

Souvenez-vous, en juin 2021, alors que les effets du covid se faisaient cruellement sentir dans les écoles, M. Blanquer déclarait :

« Je suis de plus en plus favorable à une vision où l’emploi du temps de l’enfant serait vu pas seulement sur les heures de cours mais un petit peu sur ce qui se passe dans sa vie le mercredi et le week-end, sans arriver à un big brother éducatif ».

Nous y sommes : les confinements successifs permettent de justifier que l’école « voie » l’enfant en dehors de ses heures de cours.

Même si les responsables du programme assurent que les données ne sont pas nominatives, elles sont traitées dans un objectif statistique, hygiéniste et global. Le site dédié au projet est très clair : les résultats compilés par établissement pourront servir de base de discussion et de co-construction des parcours « Manger/Bouger » ; des ateliers « petit-déjeuner et goûter équilibrés » seront mis en place.

Intriguée par la démarche, j’interroge Anthony Trifaut, président de la commission sarthoise de la jeunesse, de l’éducation et de la citoyenneté. Il m’assure qu’il ne s’agit que de répondre aux « enjeux des professeurs d’EPS, des nutritionnistes et des cantines scolaires ».

De quels enjeux s’agit-il ?

Une fois de plus la situation post confinement revient sur le tapis : les élèves se seraient beaucoup trop « laissés aller », l’obésité serait galopante chez les jeunes. Un professeur d’EPS doit-il vraiment connaître le régime alimentaire et les phases d’endormissement de ses élèves pour leur proposer des séances adaptées ? Le responsable de la restauration collective d’une commune ne peut-il pas élaborer des menus équilibrés sans savoir si Lucie a mangé des frites ou des bonbons la veille ?

Le dispositif n’en est qu’à sa phase expérimentale mais suscite déjà des réticences voire de franches oppositions. François Perrignon de Troyes, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves de la Sarthe, note un accueil mitigé des familles.

Après deux ans placés sous la surveillance de TousAntiCovid, on peut les comprendre et s’interroger avec elles sur le réel apport de cet objet : d’un côté on reproche aux jeunes d’être incapables de se déconnecter de leurs téléphones, de l’autre on leur fournit un objet pour les connecter davantage. Paradoxal. Certains parents refusent tout bonnement que leurs enfants soient « bagués », tels des poulets. Les Sarthois s’y connaissent… Nos enfants peuvent-ils encore craquer impunément pour une glace ou passer un après-midi sans bouger, à lire par exemple ?

Les Français subissent déjà les spots « mangerbouger.fr » dans leurs cinémas et sur leurs écrans de télévision, les exhortant à encourager leurs ados à faire du sport… Est-ce bien le rôle de l’État de se préoccuper de leur santé jusque dans nos demeures, jusque dans leur sommeil ? L’argent public investi dans ces milliers de montres ne serait-il pas mieux placé dans la rénovation ou l’équipement des collèges ?

Mise à jour de l’article du 03 novembre 2022: le projet est mis à l’arrêt actuellement

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  •  » Bagués comme des poulets », c’est tellement ça ! Ça clignote en fluo :’ bienvenue au crédit social’ ! Et bon retour au moyen-âge, où seuls quelques seigneurs règneront sur l’ensemble des esclaves, fliqués et conditionnés, endormis par les belles paroles de Tf1 à 20h… Vive la France 2022, et plus encore, vive l’Europe ! 😶

  • A mettre en relation avec l’expérimentation de la récompense des comportements vertueux à Bologne … Il n’y a pas que les Italiens

  • Ce qui ne colle pas, c’est que ce soit l’Etat qui offre ce gadget. Mais si seulement mon club d’athlé m’avait permis d’avoir un truc comme ça quand j’avais 15 ans !

  • Plutôt que de jeter de l’argent qu’il n’a pas à acheter des montres connectées fabriquées en Chine, l’état ferait mieux de s’occuper à améliorer le niveau d’éducation des élèves pour qu’ils sachent à minima lire et compter au bac.

    • Lire et compter à 12 ans.
      Notamment pour ceux qui s’auto-désigneront pour dépouiller les données enregistrées par ces objets connectés…

  • Orwell 1984 à l’école de l’autoritarisme. Qui aura accès aux données ? Qui vérifiera et commentera les données ? Bonjour le monde numérique. A quand la greffe dès la naissance d’une puce. Cela ressemble à ce que devient la Chine d’autant que toutes ces puces grattantes en proviennent. Où allons-nous ? Pauvre monde terrestre !

  • C’est hallucinant ! Franchement, j’ai cru au départ que c’était une plaisanterie mais visiblement, non. En tant que parent, je refuserai le baguage de mes enfants. C’est intolérable ! Je ne comprends même pas pas que certains parents l’acceptent et encore moins les enseignants dont ce n’est pas le rôle de savoir ce que les enfants font chez eux en dehors de la classe. Et je ne mentionne même pas le coût par l’Etat, c’est-à-dire par les contribuables, de cette expérience inacceptable.

  • Cette semaine un reportage sur une chaine de télévision nous montrez justement des élèves connectés pendant les cours en Chine pour surveiller si ils étaient attentifs , réceptifs… Et bien sûr sans condamner
    le principe .
    Et la nous constatons que nous sommes bien dans les clous d une surveillance de masse et cela commence à l école de la République bien entendu.

    • J’ai vu ce reportage, c’était effrayant,et c’estpas ce que l’on veut pour nos enfants? Que l’éducation nationale et l’état sous toutes ses formes s’occupent d’INSTRUIRE les élèves, et et laissent les parents éduquer leurs enfants

  • Ça me fait penser au crédit social ? Je veux pas être un vieux reac de 50 ballets, mais, ça commence toujours comme ça, créer un besoin, installer ce besoin puis…etc…

  • on rajoute les montres aux smartphones ?

  • Ce n’est que du totalitarisme pur qui permet à l’état de nous suivre à la trace , le plus affligeant , est que des parents vont accepter çà , il n’y a pas à dire , le français est mure .

    -1
  • Ce qui me tracasse le plus, c’est que les parents vont prendre prétexte de ça pour démissionner un peu plus de leur rôle. Plus besoin d’inciter leurs enfants à se remuer ou à travailler en classe plutôt que de chahuter : la combinaison bracelet-nutritionnistes-aides-enseignants est là pour s’en préoccuper…

  • Hé voilà c’est le début du social à la chinoise. Tous les signaux sont au rouge, cette histoire de surveillance des enfants pour prendre leur éducation en charge à la place des parents, les soit disant essais volontaires du sytème à la chinoise à Bologne, notre chère malfaitrice destrucrice de notre civilisation Ursula Von der Leyen, non élue mais qui se conduit comme la présidente de l’UE viens de mettre en place une étude pour commencer à mettre en place progresssivement l’équivalent du système chinois dasn l’UE. Si nous ne réagissons pas rapidemet et fort (car on ne peut compter sur Macron) nos libertés et nos démocraties sont foutuent et nous seront sous la dicature d’individu comme Von der Layen, des kmers verts etc… Vite il y a le feu !

  • Les commentaires sont fermés.

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